ATHENA-DEFENSE

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Affaire MAHE.. L'adjudant Chef présente sa version des faits

Affaire Mahé : Avant le procès aux assises,  l’ex adjudant- chef  Guy Raugel s’explique sur les circonstances de son acte dans le Dauphiné Libéré…

 

J’en livre quelques extraits.. Le but n’est pas d’offrir des arguments à  ceux qui le juge coupable  car n’en doutons pas,  c’est en un assassinat,  pas plus à ceux qui  l’absoudraient sous prétexte que la victime était un salaud.. Il me semble que son acte, froid,   même si le contexte particulier, hors du temps,  s’y prêtait,  doit être compris, expliqué et les enseignements en terme d’éthique exploités.  Mais dans cette affaire, il ne saurait être considéré comme seul coupable le commandement apparait comme ayant été pour le moins "léger".. Tant en terme de management des hommes qu’en terme de moyens.

 

Mais plusieurs constats s’imposent…

 

Le Contexte :

 

Une mission mal définie qui laissait aux subordonnées une trop grande initiative

 

« Je commandais un peloton de reconnaissance sur véhicules blindés légers, qui intervenait sur la moitié d’un département français. »

 

« J’avais des méthodes efficaces. Les victimes n’allaient pas nous désigner les coupeurs de route par craintes de représailles. J’avais monté un réseau d’indics qui ne se connaissaient pas pour pouvoir recouper les informations. Ponctuellement, je mettais dans mes patrouilles un indic déguisé en militaire français. »

 

Des moyens sous-dimensionnés pour une mission complexe qui consistait à venir en appui à l’Onuci, qui n’avait ni la formation, ni les moyens de remplir sa mission.

 

« Notre mission, c’était cette force d’appui au cas où les belligérants voulaient rompre la trêve. On avait cette zone dans laquelle il ne devait pas y avoir d’hommes en armes. Mais il n’y avait pas de police, plus de maire. Plus rien ne fonctionnait. Donc, forcément, les coupeurs de route avaient beau jeu. C’était la loi du plus fort et personne pour les arrêter

 

 

Une ambiance de conflits à l’Africaine, avec son lot de terreur dans une ambiance de  coupeur de tête, de viols, d’exactions.

 

« Les victimes elles, ne pouvaient se tourner vers personne, sinon elles se faisaient massacrer avec leurs familles. Pour moi, c’est devenu une priorité de protéger la population. Toutes les semaines, on ramassait des femmes violées, des hommes découpés à la machette »

 

Des cadres qui s’improvisent officier de renseignement sans formation, sans aide,  sans cadre d’ordre, offrant en l’occurrence à un chef de peloton un rôle et une importance  qu’il n’aurait jamais dû avoir..

 

« Notre mission, c’était cette force d’appui au cas où les belligérants voulaient rompre la trêve. On avait cette zone dans laquelle il ne devait pas y avoir d’hommes en armes. Mais il n’y avait pas de police, plus de maire. Plus rien ne fonctionnait. Donc, forcément, les coupeurs de route avaient beau jeu. C’était la loi du plus fort et personne pour les arrêter. Les victimes elles, ne pouvaient se tourner vers personne, sinon elles se faisaient massacrer avec leurs familles. Pour moi, c’est devenu une priorité de protéger la population. »

 

 

Les Faits :

 

Une première arrestation de Mahé qui s’enfuit :

 

« On ne savait alors pas s’il était blessé, les comptes-rendus étaient contradictoires. Le capitaine Ricard adjoint de la compagnie cherche à retrouver Mahé. ..

 

Mahé est retrouvé le soir agonisant au long d’une route..

 

« Le soir, une patrouille tombe sur Mahé, agonisant en bord de route. Les ordres donnés par le colonel Burgaud sont de remonter le blessé sur mon poste à une quinzaine de kilomètres pour que lui soient donnés les premiers soins, avant de le remonter sur le poste du GTIA, celui du colonel Burgaud ».

 

Un ordre sur lequel la justice devra  se prononcer : 

 

« On m’a appelé au téléphone. Vous vous doutez bien qu’on ne pouvait pas m’envoyer l’ordre par la radio, c’était un ordre illégal. Il m’est dit : vous l’évacuez sur le PC à Man en prenant bien votre temps. »

 

Une interprétation de l’adjudant chef ?

 

« On m’a appelé au téléphone. Vous vous  doutez bien qu’on ne pouvait pas m’envoyer l’ordre par la radio, c’était un ordre illégal. Il m’est dit : vous l’évacuez sur le PC à Man en prenant bien votre temps. Il y avait un ordre implicite derrière tout ça. J’avais besoin d’avoir un ordre clair. Comprenant à demi-mot, je demande : vous me confirmez bien que Mahé ne doit pas arriver vivant ?

« Il fallait que je sois sûr de ce que j’avais compris. Il me répond : oui, vous m’avez très bien compris. »

 

« On fait embarquer le prisonnier dans mon véhicule blindé léger. Le colonel tenait que ce soit moi qui remplisse la mission, sans doute parce qu’il savait qu’avec moi, elle serait remplie. Mon escorte ne savait pas ce qui allait se passer. Mes soldats ne le savaient pas non plus. Moi-même, je ne savais pas ce que j’allais faire. Je désigne deux soldats, Schnier et Ben Youssouf. J’aurais pu désigner d’autres dans le peloton. Mais n’importe lequel de mes soldats aurait rempli la mission de la même manière. On n’est pas des Pieds nickelés. On est des soldats professionnels. »

 

Tout est en place. La suite est connue.. l’adjudant chef étouffe Mahé avec un sac plastique.

 

« Comment on peut dire ça ? A l’armée, un ordre c’est un ordre. Ça ne se discute pas. Sur le coup, cet ordre semblait légitime. Il fallait que ça cesse, d’une manière comme d’une autre. C’était devenu le combat du bien contre le mal. Des ordres illégaux, j’en ai eu pendant quatre mois et demi, des grands et des petits. La légalité, mais c’est une valeur totalement abstraite, une valeur de mec qui a le cul sur une chaise dans le fond d’un bureau »

 

Je n’étais pas à la place de l’adjudant chef, en tant qu’homme je le laisse expliquer son acte, mais en a qualité d’ex soldat, je ne peux croire un instant qu’il n’a pas pu  mettre en cause, cet ordre, peu clair, apparemment donné une seule fois..  Etouffer un blessé,  salaud ou pas, comme un chat, parce qu’il serait  encombrant relève d’un acte qui ne peut être considéré comme étant celui d’un soldat..

 

L’ordre donné de « prendre son temps » est lui-même condamnable, était-ce dans l’espoir que le blessé succombe avant d’arriver au PC.. La question reste posée..

 

Le fait que ce ne soit que 5 mois après l’évènement que l’affaire remonte est aussi symptomatique d’une ambiance particulière au sein même de l’Etat-major.

 

« Si quelqu’un doit rendre des comptes, c’est mes chefs en tant que donneurs d’ordres et moi en tant qu’exécutant. Mes hommes, c’est aussi mes fils. Au même titre que le colonel, c’était mon père, et on ne désobéit pas à un père. Ce lien de filiation existe vraiment. Sinon, comment demander aux gens d’aller au sacrifice suprême ? »

 

« Je me suis dit : l’ordre est illégal, oui, mais il est cohérent. Quand on est dedans, on n’a pas le recul nécessaire. A ce moment-là, la fin justifiait les moyens. »

 

Ces discours, encore répandus au sein de notre armée, y compris dans les écoles peuvent entrainer les conséquences que l’on sait..   Il faut l’éradiquer et faire en sorte que l’Ethique fasse partie  de la substance même de la formations. Un soldat ne peut utiliser les mêmes méthodes que son adversaire..

Sans quoi le ver sera toujours dans le fruit ?

 

Il faut aussi souligner à quel point les politiques ont une responsabilité,  en réduisant les budgets et les effectifs,  les conditions de projection  et les volumes engagés sont de moins en moins en adéquation avec la mission en remplir.

 

En Afghanistan il n’y a eu aucune dérive connue. Cela est du à la densité et à la qualité de l’encadrement dans ce contexte très particulier. .

 

En Afrique, la complexité des engagements,  demande un métier particulier, Les risques de l’engagement sont ceux de la dilution des troupes dans le temps et l’espace..  On ne répétera jamais assez que le métier de soldat est un métier extrêmement difficile qui engage le chef et l’exécutant, mais qui trouve sa noblesse dans l’art de supporter l’insupportable et de gérer le stresse.. Des progrès énormes sont à faire pour intégrer en amont la préparation psychologique du soldat.. Cela dépasse la notion du Oui ! Chef ! Et du doigt sur la couture du pantalon..  

 

N’oublions pas que le  colonel Burgaud  est aussi jugé.. Sa position à l’époque  fut moins claire. “On a mal interprété mes propos, jamais je n’ai ordonné de tuer”, explique-t-il dans un premier temps. Puis il change son fusil d’épaule.  Lui-même aurait reçu cette instruction implicite de la part du général Poncet !

 

 

L’enquête a cependant conclu a un non-lieu pour le Général Poncet , qui,  je le sais,  est très affecté par cette affaire.

 

La justice doit passer, elle passera, elle doit passer.

 

 

Intégralité de l'ITV sur:  http://www.ledauphine.com/faits-divers/

 

 



27/11/2012
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