ATHENA-DEFENSE

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Affaire Mahé: réponse aux commentaires

 

Je réagis au commentaire  d’un « comité de soutien » dont l’anonymat m’incite à souligner ma détestation à m’adresser à un ou des fantômes, mais je le fais pour répondre de manière générale à deux problèmes que ce comité semble soulever. Je réponds par la même occasion à d’autres commentaires.. Je ne suis pas juriste, je réfléchis donc en « honnête homme »

 

.. Le premier serait celui de l’inadaptation du soldat à sa mission d’OPJ. A mon sens,  le problème  ne se situe pas à ce niveau, le métier de chef de peloton n’est pas celui de se muer en enquêteur, la mission à la rigueur peut inclure l’arrestation d’éléments incontrôlés. Mais dans ce cas il doit être traité selon les codes et les directives  communes aux lois de la guerre.

L’article 2 de la Convention relative au traitement des prisonniers de guerre. Genève, 27 juillet 1929  indique que :

 

« Les prisonniers de guerre sont au pouvoir de la Puissance ennemie, mais non des individus ou des corps de troupe qui les ont capturés. Ils doivent être traités, en tout temps, avec humanité et être protégés notamment contre les actes de violence, les insultes et la curiosité publique. Les mesures de représailles à leur égard sont interdites ».

 

En principe, pour bénéficier du statut de prisonnier de guerre, « le prisonnier doit avoir opéré selon les lois de la guerre, c'est-à-dire qu'il doit dépendre d'une chaîne de commandement, porter un uniforme ou un signe distinctif et montrer ouvertement ses armes. Aussi, les franc-tireurs, les résistants, les terroristes, pour d'autres, et les espions en sont exclus. »

 

 Dans ce cas particulier MAHE était-il un prisonnier de guerre ?  En l’occurrence non. Il était donc un prisonnier de droit commun. Et devait donc être traité en tant que tel. Il était de surcroit blessé, on lui devait donc assistance et il devait être remis soit aux autorités relevant de la responsabilité française, en l’occurrence, la prévôté, soit aux autorités ivoiriennes.

 

Or la règle est simple :

 

Selon le Lieutenant-colonel Jérome Cario, Chef du bureau études, conseiller juridique  auprès de l’EMA :

 

« Les opérations réalisées aujourd’hui dans la phase de « stabilisation », dans lesquelles les forces armées ont engagées, s’inscrivent dans une situation de guerre non déclarée au sens juridique  du terme. Cependant les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité le sont souvent sous chapitre VII de la chartre des Nations Unies. C'est-à-dire que ces résolutions autorisent le recours à la force dans le cadre d’une mission coercitive (peace enforcement) ou de reconstruction (peace building).

 

En cas de doute pour le militaire, qui n’est pas un juriste, quant au statut d’un civil pris les armes à la main qui se prétend membre d’un mouvement de résistance ou de guérilla ou rebelle, la force armée qui effectue sa capture doit provisoirement traiter l’intéressé comme un prisonnier de guerre en attendant qu’un tribunal compétent se prononce sur le statut exact de cette personne »

 

La messe est dite, si je puis dire.. Mahé était un bandit de grand chemin, un coupeur de route, de surcroit pris sans arme à la main, il était donc un civil relevant du droit commun.. Au pire, il aurait dû s’apparenter au  statut  de prisonnier de guerre, et devait être traité en conséquence.. Que cela,  moralement soit juste ou non, que cela soit stupide ou non, que cela soit efficace ou non. Un soldat ne doit pas se substituer à la loi et se transformer en justicier, aussi légitime que cela puisse paraitre.

 

« Et si la Force ne peut pas remettre les individus appréhendés aux autorités judiciaires locales, il faut impérativement qu’un « tribunal compétent », reconnu et accepté à la fois par les Etats composant la Force multinationale et par l’Etat hôte, puisse être mis en place. Il s’agit là d’une responsabilité politique que le commandement militaire doit impérativement obtenir, soit au niveau international soit au niveau national.
Enfin ce n’est que par une connaissance précise de ces règles à l’égard des personnes capturées et une volonté politico-militaire de les faire appliquer que l’on évitera crimes et homicides. »

 


Le second élément avancé  est celui de l’interprétation d’un ordre.  Je cite : « Quand la chaine de commandement donne un ordre "pour en finir", le soldat en bout de chaine pense que le commandement a le pouvoir judiciaire ( sentence) et assume l’exécution. »

 

Cet argument me fait bondir et me parait irrecevable.. Ainsi tout ordre donné à la radio ou au téléphone, y compris celui d’éliminer un prisonnier, serait exécutable et  suffirait pour passer à l’acte ? Cela est inconcevable, et dans cette perspective je réagis en homme. Je ne l’aurais pas exécuté. J’aurais probablement fait en sorte de remettre le prisonnier au donneur d’ordre afin de le mettre face à ses responsabilités.

 

Facile à dire me direz-vous, de donner des leçons assis dans un fauteuil !  Mais l’ordre était d’une  illégalité absolue, n’obéissait à aucune règle, se devait au minimum être écrit, et même écrit ne devait pas être exécuté.

 

Cependant, Si j’étais l’avocat de cet adjudant-chef ce que je ne suis pas.. Je poserais sa défense sur trois axes..

 

- Le premier,  j’ai exécuté à chaud cet acte  sous la responsabilité d’un chef qui ne me laissait aucun choix, responsabilité  que je pensais totale et entière.

 

- J’étais dans des circonstances particulières dans lesquelles l’état de choc était prégnant..

 

- Le second: Je me sentais investi d’une responsabilité qui avec le recul, apparait comme étant trop importante par rapport aux enjeux dont je ne connaissais pas grand-chose, et pour laquelle je n’étais pas préparé.

 

-  Le troisième:  Je regrette et j’ai commis une erreur de jugement dont je mesure les conséquences, mais j'estime ne pas être le seul à en porter la responsabilité. 

 

- Le statut de criminel de Mahé et sa réputation n’étaient pas des excuses à mon acte..

 

 

Même si c’est cruel, compte tenu des circonstances, je citerais Michèle Alliot Marie :

 

….La réaction personnelle de chacun face à l’évènement relève de l’éthique militaire (..) L’armée ne transige pas avec ses valeurs, son éthique n’est pas à géométrie variable, mais bien la pierre angulaire de la conscience du soldat et de son action. …

 



29/11/2012
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