ATHENA-DEFENSE

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CONFLIT RUSSIE-UKRAINE, UN NÉCESSAIRE RETOUR SUR L’HISTOIRE

Conflit Russie-Ukraine, un nécessaire retour sur l’histoire

 

 

 
Après 18 mois de guerre, l’offensive ukrainienne, au mieux, marque le pas, au pire, s’épuise sur des défenses russes qui s’avèrent plus solides que la propagande ne voulait en dire. L’épisode de la rébellion d’Evgueni Prigogine, qui tient plus de la Comedia Del Arte que d’une véritable action contre le pouvoir central russe, se termine par une scénette ou la dramaturgie frise le ridicule.
 
 
 
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Elle aura simplement révélé la fragilité du système politique post soviétique. Comme le disait ce bon vieux Churchill : « la Russie est comme un rébus enveloppé de mystère au sein d'une énigme ».

Voilà un État – le plus grand au monde (17.098.250 km2) – aux ressources gigantesques, doté d’une force nucléaire au moins égale, sinon supérieure, à la totalité de l’arsenal nucléaire occidental ; États-Unis, France et Grande-Bretagne incluses*. Un État qui se sent menacé à l’ouest de son glacis, par un autre État considéré comme sécessionniste et menaçant, compte tenu de son tropisme pour l’OTAN, les États-Unis et l’Europe.

 

La petite Russie une neutralité impossible ?

Cet État frère, presque jumeau, baptisé en 1187 d'après un mot slave qui veut dire « frontière » ou « marche », indépendant depuis 1991 seulement, est une obsession russe. C’est autour de Kiev que la Russie est née, après le baptême du grand-prince de Kiev, Vladimir, en 988.

Dans l'esprit des Tsars qui se sont succédés depuis le traité de paix d'Androussovo du 31 janvier 1667 avec la Pologne, l'Ukraine est une terre russe. Et n'avait donc droit à aucun statut particulier.

Plus tard, entre les années 1920 et 1930, l'Ukraine était devenue la vitrine de la jeune Union soviétique ; grenier à grains, pays de cocagne par l’abondance de ses fruits et légumes, la république d’Ukraine était en plein essor industriel. Elle représentait 22,5 % de l’exploitation agricole de l’URSS et 18 % de sa production industrielle. Le Donbass était le grand bassin minier et métallurgique.

Lors de la Nouvelle Politique Economique (NEP) instaurée en 1921 par Lénine, avec le retour d’une certaine forme de propriété privée, la population ukrainienne vivait un d’âge d’or. Les Ukrainiens en profitèrent pour renforcer leur identité nationale par la réhabilitation de la langue ukrainienne.

 

Holodomor !

Entre 1932 et 1933, Staline a considéré que cette timide économie de marché ne pouvait que menacer le projet de collectivisme socialiste qui était le sien et la marche forcée vers l’industrialisation.

Cela déboucha par la volonté d’éradiquer toute propriété privée et sur une tragédie, « l’extermination par la faim », ou Holodomor. Dès 1930, le pouvoir préleva brutalement 30 % des grains, puis 41 % l’année suivante ! En résultat une rébellion de masse. Et la réaction du pouvoir central fut terrible.

Du côté des autorités, on dénonça les « ennemis du prolétariat », les « spéculateurs » qui cacheraient des stocks, les « saboteurs » à la solde de l’étranger, sans oublier les koulaks (« usuriers » en russe), ces agriculteurs aisés, considérés par le régime comme des « exploiteurs » et des « ennemis du peuple ».

Dans les régions de Kharkov et Dniepropetrovsk, la répression fut de plus en plus impitoyable. Staline lança sur l’Ukraine des « brigades de choc » constituées de komsomols, des membres des Jeunesses Communistes et des voyous issus du lumpenprolétariat (« prolétariat en haillons »). On confisqua même les semences, rendant impossible la récolte suivante**. Cela n’est pas sans rappeler les méthodes de Wagner et autres milices.

Un génocide ?

L’Holodomor se déroula en silence, ignorée du reste du monde, près de 5 millions de personnes furent d’une certaine manière exterminées. Les historiens ne s’accordent pas tous sur le terme à utiliser, était-ce un génocide ou une « conséquence accidentelle de la stupidité et de l’incompétence des dirigeants soviétiques », selon l’historien russe Viktor Kondrashin ? Mais il n’est pas exclu que cette histoire particulière et dramatique entre la Russie et l’Ukraine fasse partie de l’inconscient collectif d’un peuple.

Poutine, tout comme le peuple ukrainien, est l’héritier de cette histoire. Pour le lieutenant-colonel du KGB, marqué par son éducation marxiste, l’Ukraine est russe. Un basculement de celle-ci dans les bras de l’Occident honni serait ressenti comme un affront ultime, une déstabilisation de la Russie, une atteinte à son intégrité.

C’est pourquoi cette guerre durera aussi longtemps que la volonté de la Russie sera une voie opposée à celle de l’Occident. Celle de catalyser toutes les oppositions – et elles sont nombreuses – à l’impérialisme américain confondu avec celui de l’Europe et du monde occidental, au sens large.

 

L’ours est sorti de sa tanière…

Seul un statut de neutralité pourrait être une solution pour éteindre ce conflit, qui est désormais une opposition de l'Occident contre le reste du monde. L’ours est sorti de sa tanière, il sera difficile de l’y faire rentrer. Et nous sommes très loin du pronostic en forme d’oracle de la CIA en 1994, lorsque celle-ci avait préjugé un éclatement de l’Ukraine sur le modèle yougoslave.

L’Ukraine a longtemps peiné à trouver sa place entre un Occident attirant mais lointain et une Russie proche mais redoutée. Son regard se porte vers l’Europe et les États-Unis, grâce aussi à une manne financière dont il aurait été intéressant, avant 2014, d’en connaitre la finalité.

Une fois de plus cela va sans dire, mais encore mieux en le disant.

 

 

 

Roland Pietrini

 

Post Scriptum Défense

 

 

*La Russie avec 5977 ogives nucléaires et conjointement les États-Unis avec 5 428 ogives nucléaires. Ces deux États possèdent à eux 90% des armes nucléaires au monde. Derrière ces États on retrouve respectivement :

  1. La Chine : avec 350 ogives nucléaires (troisième puissance nucléaire au monde)
  2. La France : avec 290 ogives nucléaires (quatrième puissance nucléaire au monde)
  3. Le Royaume-Uni : avec 225 ogives nucléaires (cinquième puissance nucléaire au monde)
  4. Le Pakistan : avec 165 ogives nucléaires (sixième puissance nucléaire au monde)
  5. L’Inde : avec 160 ogives nucléaires (septième puissance nucléaire au monde)
  6. Israël : avec 90 ogives nucléaires (huitième puissance nucléaire au monde)
  7. La Corée du Nord : avec 20 ogives nucléaires (neuvième puissance nucléaire au monde)

**Staline, en voulant détruire le peuple ukrainien, s’est-il rendu coupable de génocide ? De nombreux historiens répondent par l’affirmative, comme l’américain Robert Conquest, auteur de La Grande Terreur (coll. Bouquins, 1995), ou les Français Stéphane Courtois et Nicolas Werth, co-auteurs du Livre noir du communisme (éd. Robert Laffont, 1997), ouvrage de référence sur les crimes du stalinisme. "Cette famine préméditée, organisée, systématisée était destinée à éliminer la partie la plus dynamique de la paysannerie. Il faut appeler cela un génocide de classe", explique Nicolas Werth. Et d’ajouter : "L’Holodomor se distingue par la volonté d’éradiquer le nationalisme et de punir des paysans. Elle est aggravée volontairement. Il y a une spécificité". Pour d’autres historiens comme le Russe Viktor Kondrashin, auteur de La famine de 1932-1933 : la tragédie des villages soviétiques (éd. Penza, 2008), la famine n’aurait été qu’une "conséquence accidentelle de la stupidité et de l’incompétence des dirigeants soviétiques". Réf : « Holodomor » : l'extermination par la faim en Ukraine - Geo.fr

 

 

 



14/07/2023
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