ATHENA-DEFENSE

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Démographie : un problème en abyme ?

Démographie : un problème en abyme ?

 
ROLAND PIETRINI
 
 

La France demeure le principal moteur démographique de l’Union européenne. Au 1er janvier 2022, elle comptait 67,8 millions d'habitants, soit 187.000 de plus qu'au 1er janvier 2021, or, l’Insee a publié le mardi 16 janvier 2024 son bilan démographique pour l’année 2023. Il révèle une chute de la fécondité. Le nombre de naissances a baissé de 6,6 % en 2023 par rapport à 2022. La différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès s’établit au niveau le plus bas depuis la Seconde Guerre mondiale. Depuis 2010, l’Insee relève aussi une chute des naissances de 20 %.

 

nouveau-né

 

 

 

Il n’est pas dans mes intentions de me substituer aux éminents spécialistes de la question, j’en serais bien incapable, mais de proposer quelques pistes de réflexion sur le sujet même de notre avenir.

 

La population mondiale était d’un milliard en 1800, elle est de huit milliards en 2022… et sera possiblement de quinze milliards en 2100, or seule la population européenne semble être en décroissance.  Au-delà de toute polémique, il est cependant impossible de ne pas tenter de comprendre qu’elles en seraient les raisons. Par ailleurs, on ne peut échapper à quelques questions connexes en forme de mise en abime nécessaire…

Une analyse globale périlleuse…

Les raisons de cette décroissance en Europe face à une croissance exogène exponentielle sont multiples, mais elles ne peuvent être déconnectées d’un contexte réel ou ressenti.

 

On a constaté que la croissance des naissances est provoquée par un taux de fécondité élevé et durable, elle-même est associée à des taux hauts de pauvreté liés à de faibles niveaux d'éducation et des taux de mortalité infantile et maternelle qui restent élevés, alors qu’un niveau de vie meilleur a pour conséquence un effet inverse.

 

Par ailleurs, l’évolution de nos sociétés occidentales entretient un climat anxiogène défavorable à la natalité. Cette atmosphère est entretenue par des discours extrêmement angoissants pour une population jeune en état de procréer. Elle est la conséquence à la fois de faits et de ressentis, mot combien à la mode, qui offrent des perspectives peu encourageantes pour croire à un avenir meilleur. 

 

Pollution, réchauffement climatique, terrorisme, déclassement social, perte de repères, déstructuration de la famille traditionnelle qui remet en cause l’existence même du genre binaire masculin et féminin au profit d’un genre multiple de type LGBTI, lesbienne, gai, bisexuel, transgenre et intersexué et désormais Q comme Querr, (c’est-à-dire bizarre) qui met sur le même plan orientation sexuelle et identité de genre !

 

Tous ces éléments, selon l’importance qu’on leur accorde, participent à créer dans nos sociétés, dites avancées, un climat d’insécurité et de déstabilisation défavorable au désir de transmettre la vie.

 

C’est pourquoi, il est très périlleux de proposer une analyse sans tenir compte des multiples facteurs, un élément seul ne saurait déterminer tous les autres.

 

Cependant, il n’est pas inutile de souligner, avec Jacques Veron (1), éminent chercheur et démographe, que la hausse exponentielle de la population mondiale « n’est pas due à la natalité, mais à la baisse considérable de la mortalité ». Et l'auteur d'ajouter : « Souvenons-nous que, jusqu’à une période récente, la mortalité infantile pouvait atteindre un tiers des nouveau-nés. Durant des millénaires, la mortalité et la natalité ont été très proches : il y avait donc une croissance lente, parfois ralentie par des crises comme la peste. La nouveauté est l’apparition du schéma de la "transition démographique " – ce processus d’évolution de l’équilibre de la population, passant d’une natalité et d’une mortalité fortes à faibles sous l’effet d’une amélioration des conditions de vie. »

 

Cette réflexion qui est celle d’un constat simple et de bon sens explique, en partie, la stagnation de la population en Europe qui a eu accès plus tôt aux progrès de la médecine, de la santé et de la prévention alors que la population en Afrique et en Asie n’a eu accès que beaucoup plus tard à l’amélioration de la prévention, aux vaccins, à l’hygiène de l’alimentation et de l’eau sans que cela influe sur le taux de fécondité des femmes qui continuent à procréer au même rythme alors que le taux de la mortalité infantile ne cesse de diminuer.

 

L’Europe vieillit parce que l’espérance de vie a fortement augmenté au cours du dernier siècle et que d'autre part, la natalité, en baisse depuis 1964, provoque un rapport défavorable personnes âgées de plus de 65 ans/jeunes âgées de moins de 15 ans, en constante augmentation en faveur des premiers, ce qui statistiquement agit sur la démographie.

 

Par exemple, en France, en 2019, l’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) s’établit à 1,87 enfant par femme, après 1,88 en 2018. Après quatre années de baisse entre 2015 et 2018, l’ICF se stabilise donc. Il oscillait autour de 2,0 enfants par femme entre 2006 et 2014.  Le taux de fécondité des femmes de moins de 30 ans baisse depuis les années 2000 et cette diminution s’accélère depuis 2015. En 1999, 100 femmes âgées de 25 à 29 ans donnaient naissance à 13,0 enfants puis 12,2 en 2014 et elles n’en ont plus que 10,9 en 2019. (2)

 

En Afrique, le taux reste à un très haut niveau : 4,5 enfants par femme en 2017, soit le taux le plus élevé de tous les continents, il est plus de deux fois plus élevés qu’en France et en Europe. Avec des signes lents de décroissance, liés essentiellement à un accès à un meilleur niveau de vie.

 

Cette réalité n’est ni polémique ni partisane, ce sont des faits, qui à aucun moment ne sont abordés par nos politiques, qui préfèrent se cacher derrière leur petit doigt, essentiellement par lâcheté. À ce rythme, objectivement la population blanche d’Europe est amenée soit à disparaitre, soit à se dissoudre. Certains le souhaitent et en nient la perspective en favorisant le phénomène tout en fermant les yeux sur une immigration incontrôlée, d’autres pensent qu’ils pourraient, par des mesures radicales, endiguer ce phénomène.

 

En réalité, il est probablement trop tard.

Alors, démographie et immigration est-ce un sujet ?

Entre ceux qui considèrent que pour contrecarrer le vieillissement de la population en Europe la solution est de faire venir une population plus jeune provenant essentiellement du Maghreb et d’Afrique, et ceux qui considèrent que la solution est de fermer toutes les frontières en tentant de vivre le plus possible en autarcie, une voie entre ces deux radicalités s’avère compliquée.

Or, on ne peut dissocier la pression migratoire du déséquilibre de la démographie entre les continents.

On le voit bien, pour contrecarrer l’augmentation exponentielle de la population, notamment en Afrique, continent qui interagit directement par son immigration avec l’Europe, la solution est celle de son développement. Les chiffres sont tenaces : plus le niveau de vie augmentera, plus ces sociétés se rapprocheront de celles de l’Occident et moins les femmes feront d’enfants afin qu’elles puissent leur donner plus de chance et les élever mieux.

En l’état, parce que l’Afrique, Maghreb y compris, donne vie à de plus d’enfants sans possibilité de leur donner un avenir. Ceux-ci ne peuvent voir en l’Europe qu’un eldorado fantasmé.

Or l'immigration, surtout celle que nous subissons, pose et posera de plus en plus des problèmes complexes d'intégration, d'assimilation, de compatibilité culturelle et religieuse qui s’étalent sur plusieurs générations.

 

Une population immigrée qui fait plus d’enfants

Les conséquences de cette immigration pèsent aussi sur cette nouvelle réalité démographique.

Toujours selon l’INSEE, en 2021, en France, l’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) des femmes nées à l’étranger s’établit à 2,3 enfants par femme en moyenne, contre 1,7 pour celles nées en France (figure 1). Il est le plus élevé pour les femmes nées au Maghreb (2,5) et dans les autres pays d’Afrique (3,3). À l’inverse, l’ICF des femmes nées en Europe du Sud est le plus faible, à 1,6.

 

 

Cela contribue à nourrir le discours de certains qui considèrent que le terme submersion et remplacement sont adaptés. L’hypocrisie serait d’en nier la simple conjecture.

 

Pourtant, comme le souligne un rapport de l'INSEE sur la fécondité : « Quel que soit le lien à la migration, la fécondité des femmes diminue avec le niveau d’éducation. Les femmes immigrées ayant un diplôme supérieur au baccalauréat ont eu en moyenne 1,7 enfant, soit près d’un enfant de moins que celles avec un diplôme inférieur au baccalauréat ou sans diplôme (2,7 enfants). Pour les femmes ayant un diplôme supérieur au baccalauréat, l’écart de descendance finale entre femmes immigrées et femmes ni immigrées ni descendantes d’immigrés est très faible (0,1 enfant). » (3)

 

C’est pourquoi, le modèle français d’assimilation qui était le nôtre était une réponse, celui d’intégration qui s’est substitué est une erreur. « D'un point de vue théorique, le concept d'assimilation renvoie à l'abandon total de la culture d'origine de l'immigrant, alors que le terme d'intégration admet la possibilité de rester attaché à sa culture d'origine en intériorisant les normes de comportement d'une société.», souligne encore l'INSEE (4) Or l’assimilation était souvent le gage d’une meilleure ascension sociale.

Une modification de la structure de nos sociétés inéluctable ?

Les chiffres et les commentaires parlent d’eux-mêmes. La conjonction entre le phénomène migratoire non maitrisé et l’augmentation de la population en Afrique, la baisse de la natalité qui caractérise nos civilisations et le maintien d’une forte natalité parmi la population immigrée sont des évènements relativement conjoncturels et convergents qui tendent tous vers une modification profonde de la structure même de nos sociétés.

 

Or, ce sujet majeur est éludé par une partie de nos élites et le président de la République évite le sujet qu’il considère comme n’en étant pas un : « « Contrairement à ce que certains disent, nous ne sommes pas confrontés à une vague d’immigration. […] Le sujet de l’immigration ne devrait pas inquiéter la population française. […] L’immigration fait partie du monde dans lequel nous vivons. […] De surcroît, l’immigration se révèle être une chance d’un point de vue économique, culturel, social. » (5)

 

C’est pourquoi, Emmanuel Macron et son gouvernement se sont focalisés sur l’immigration clandestine tout en acceptant une immigration massive, et sa dernière préoccupation, lors de sa dernière conférence de presse du 1er janvier 2024 est de lancer un « grand plan » pour lutter contre le fléau de « l’infertilité ».

 

Si j’étais taquin, ce que je ne suis guère, je dirais que Monsieur le président Macron est passé maitre dans l’art du détournement du sujet.

 

Il est vrai que selon le proverbe : « Quand le sage désigne la Lune, l’idiot regarde le doigt. » Tentons de ne pas être l’idiot.

 

Entre 2001 et 2020, la population de l'UE27 avait connu une croissance de 4 %, passant de 429 millions à 447 millions d'habitants. Une croissance qui s'est interrompue en 2021, avec une première baisse par rapport à l'année précédente (-485 000 habitants), poursuivie en 2022 (-265 000 habitants, alors que en 2020, sur les 447,3 millions d'habitants des 27 pays de l'Union européenne (UE27), 36,6 millions sont étrangers et 54,5 millions sont nés dans un pays étranger, soit respectivement 8,2 % et 12,2 % de la population. (6)

 

Dans les démocraties industrielles occidentales la proportion d’immigrés est généralement comprise entre 9 % et 17 % (sources Nations Unies) et en France autour de 12 %, sans compter les clandestins dont personne ne connait le chiffre réel.

 

Alors, ne nous voilons pas la face, le processus de « créolisation » si cher à l’un de nos hommes politiques est en marche, lorsque la population exogène aura atteint 25%, chiffre souhaité par la Commission européenne, alors nous basculerons dans un autre monde.

 

Il est évident que tout porte à croire que c’est la volonté de ceux qui nous gouvernent en et hors de France. Il serait intéressant d’en développer les motivations mais c’est un autre sujet.

 

Tout cela va sans dire mais encore mieux en le disant.

 

Roland Pietrini

 

(1) Jacques Véron est démographe et directeur de recherche émérite à l'INED. Ses travaux portent sur les relations entre la population, l'environnement et le développement. Il participa au Sommet de Rio de 1992 et à la Conférence du Caire de 1994.

(2) Natalité – Fécondité − Tableaux de l'économie française | Insee Natalité et Fécondité

(3) Fécondité − Immigrés et descendants d'immigrés | Insee

(4) Assimilation, insertion, intégration : les mots pour "devenir français" - Persée (persee.fr)

(5) CASADESUS, Frédérick (propos recueillis par), “Migrants, politique migratoire et intégration : le constat d’Emmanuel Macron”, Réforme, 2 mars 2017.

(6) Dans quels pays les immigrés sont-ils les plus nombreux ? | Musée de l'histoire de l'immigration (histoire-immigration.fr)



25/01/2024
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