ATHENA-DEFENSE

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Elections en "Trump l'oeil"... Mon choix est fait

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Quelques heures à peine, après l’élection de Trump,  l’Amérique se réveille avec la gueule de bois et le monde fait semblant d’avoir peur. Aux Etats-Unis, où la gauche tient des discours que la droite chez nous n’oserait prononcer de crainte d’être étiquetée de facho, la fièvre continue de s’emparer des médias.  En France, comble du malheur, certains y voient une aubaine pour  l’installation d’un front National devenu Marine et imaginent en guise de riposte,  comme seule alternative,   une gauche rassemblée autour d’un Hollande ressuscité d’entre les morts. Alors que les primaires sont mises entre parenthèse, la droite institutionnelle tremble, tandis que la gauche expire.  

 

Et oui, parfois les élections réservent des surprises lorsque les électeurs se rebiffent,  ne suivent pas les médias, restent sourds aux spécialistes,  aux syndicats, à leurs députés, à leurs belles-mères,  reprennent leur autonomie  en quelque sorte, et vendent leur âme au diable lorsque celui-ci leur donne à entendre  ce qu’il souhaite entendre.

 

Ainsi Trump qui place Paris en Allemagne, veut virer  onze millions de clandestins, s’il en connait le chiffre, c’est que ceux-ci sont  moins clandestins qu’on ne le croit.  Il veut ériger un mur de 1600 km pour se protéger de « l’invasion latino », on sait bien que les murs construits en plein désert sont des protections illusoires  et sont érigés pour qu’ils s’effondrent un jour ou l’autre.  Dans le domaine social, il veut revenir sur l’Obamacare mais fait déjà machine arrière. Il veut relancer l’économie par des grands travaux en injectant  500 milliards de dollars, ce qui n’est pas un luxe pour des infrastructures indignes d’un pays moderne,  mais en creusant la dette qui est déjà abyssale.

 

Donald Trump, sans expérience internationale, promet de quitter l'Alliance atlantique si les pays membres ne payent pas pour assurer leur propre sécurité, mais souhaite augmenter le budget de la défense américain qui représente déjà 50% de tous les budgets de la défense au monde,  et désire augmenter les effectifs de l’Army, tout en se retirant d’Europe et de la Corée. Pas très clair comme position.

 

Il souhaite parler à Poutine,  ce qui n’est pas une mauvaise chose, mais il devra auparavant réviser sa géographie et certainement son Histoire, deux matières parfaitement indispensables lorsqu’on veut  sortir de la 5° avenue à New-York pour se rendre à Moscou. En face de lui,  il aura un interlocuteur autrement plus doué qu’il ne l’est lui-même.   

 

Il veut remettre en cause les accords internationaux sur les effets de serre et l’accord avec l’Iran sur le nucléaire. Une simple analyse montre que cela lui sera impossible. Il ne le pourra pas pour deux raisons :  d’une part parce que la parole de l’Amérique sur les accords Cop21 de Paris ratifiée à New-York  est engagée, d’autre part,  parce que l’Iran chiite est un acteur incontournable de la crise majeure du Moyen-Orient et que la remise en cause d’un tel accord renforcera l’Arabie saoudite sunnite. L’Iran ne pourra l’accepter. Dans les deux cas, il s'agit d'accord multinationaux et non binationaux.

 

Le matamore devra composer avec le congrès et celui-ci même s’il est républicain ne le laissera pas faire n’importe quoi, n’importe comment. D’ailleurs,  les investisseurs,  et en premier lieu les milliardaires américains,  savent qu’en fermant les frontières ils ont plus à perdre qu’à gagner :  Google, Boeing, General Motors and so on, la silicon-valley ne laissera pas faire.

 

Pour s’en convaincre il suffit de regarder de simples chiffres.  

 

Les E.U investissent en Europe chaque année 1000 milliards de dollars.  Une note destinée au directeur général du ministère des affaires étrangères émanant du service économique de l’ambassade de France aux Etats-Unis en date du 24 décembre 2015 (une affaire suive par  Fannie Delavelle et revue par Bernhard Hechenberger, qu’ils me pardonnent de les citer)  indique que plus de la moitié du stock d’IDE (investissement directs à l’étranger) aux Etats-Unis provient de cinq pays. Il s’agit du Royaume Uni qui représente 15,5% du stock total, du Japon avec 12,9%, des Pays-Bas avec 10,5%, du Canada avec 9% et du Luxembourg avec 8,4% qui est une place financière majeure en Europe.

 

Si la position des investissements en provenance d’Allemagne et de France sont en hausse par rapport à 2013, ceux de du Royaume Uni diminuent en 2014 et nous verrons qu’elle sera l’effet du Brexit.  

 

Les entreprises de l’Union Européenne représentent 2/3 du stock  des IDE aux Etats-Unis (1 977 Mds USD en 2014).

 

Ainsi, fermer les frontières en jouant le protectionnisme reviendrait pour les E.U à se tirer une belle dans le pied. Le feront-ils ? J’en doute.

 

En  2014 la France perd son rang de 5ème investisseur aux Etats-Unis en stock. Devancée par le Luxembourg (8,4%), la France est au même rang que la Suisse et l’Allemagne (7,7%). La dernière enquête, portant sur l’année 2011, menée par l’Insee sur la présence des entreprises françaises à l’étranger chiffre à plus de 3 600 le nombre de filiales d’entreprises françaises présentes aux Etats-Unis, employant plus de 560 000 personnes. Le chiffre d’affaires des filiales françaises aux Etats-Unis représente plus de 7 fois le montant des exportations françaises.

 

Si les chiffres ont un sens, ils montrent que le protectionnisme est un discours populiste aussi stupide aux Etats-Unis qu’il ne l’est en France, et le Front national ferait bien d’en tenir compte. Simple enseignement en trompe l’œil de Trump.  Ce qui est vrai pour les E.U est encore plus vrai pour l’Europe et reste plus que valable pour la France.

 

Se faire élire sur un tel programme en montre les limites et les dangers et préfigure les renoncements à venir.

 

Il est une règle que les dirigeants du monde se doivent de connaitre, les grandes entreprises ne connaissent pas de frontières. L’imbrication de l’économie mondiale est telle que Boeing pas plus qu’Airbus, par exemple,  ne peuvent survivre sans investissements et sans achats croisés. Trump ,comme les autres,  ne fera pas la politique pour laquelle il a été élu et retournera au pragmatisme, la première économie du monde devra tout autant composer avec la Chine qui représente 1,357 milliard de consommateurs potentiels.  

 

Le Donald a profité d’une masse électorale  composée en grande partie par ceux qui ne pouvaient se retrouver réellement dans un discours démocrate convenu et un discours républicain décalé, car Donald,  ce vilain canard,  considéré perdant, n’aura surpris que « les spécialistes » aussi déconnectés du peuple que ne le sont les médias tous acquis aux démocrates,  car ceux-ci,  comme en France,  n’ont pas encore réellement compris la colère des gens, sans cesse cocufiés, jamais écoutés.

 

Mais  cela, au contraire,  n’empêche pas d’être lucide sur la réalité des propositions et leurs conséquences. Voilà donc comme le disai si bien Brassens, on peut être deux fois cocu : « J'ai surpris ma maîtresse avec son mari, pouah ! -Ma maîtresse, la traîtresse ! » Le winner cocufiera à nouveau les électeurs déjà  cocufiés. La démocratie a du plomb dans l’aile. 

C’est donc un Trump,  surpris par sa propre élection et non prêt, cela nous rappelle quelque chose.

 

Un Donald élu par défaut en quelques sorte, certainement pas en raison du contenu de son discours mais parce qu’il donnait l’image d’un personnage anti-système, un milliardaire populo, une aberration à l’américaine qui bousculait les normes, les conventions, le langage, qui utilisait des mots compréhensibles pour les mangeurs de hamburgers du Middle West, rejoints par une partie de ceux qui bronzent sur la côte ouest.  Image d’une Amérique qui ne « melting pot » plus mais qui exclut. Le creuset est percé, la soupe est dégueulasse, les carottes sont cuites.

 

Bref,  à cause des médias et des instituts de sondage,  tous acquis à l’establishment, l’électeur de base, le  « con de service » qui a force d’avoir voté comme on lui disait, tout à coup,  a eu envie de voter différemment. 

 

Car les E.U vont mal. Il suffit d’avoir voyagé un peu, de New-York à Los Angeles,  pour s’apercevoir que la pauvreté est partout, que les hispano s’en tirent plutôt bien grâce aux petits métiers au black,  que les noirs, à l’exception des classes supérieures et moyennes minoritaires,  se sont repliés dans les ghettos, et que les indiens qui n’ont aucune influence sur les élections, vivent parfois en rentiers dans les réserves, en touchant les royalties des casinos dont ils ont l’exclusivité.

 

Bref,  ce Donald, mal fringué, grossier, avec sa coiffure de rat musqué sur la tête, sorti tout droit de son saloon, a  réussi son holdup et en est le premier surpris, puis prend illico le thé avec Barak, en lui disant,  non sans malice,  que c’est un bon président, bien propre sur lui, mais qu’il est prêt à mettre son cul dans son fauteuil et que promis, il s’essuiera les pieds avant d’entrer, des fois qu’il salirait la carpette de la Maison Blanche et que les portraits de Washington et de  Jefferson s’en « insatisfassent ». Va falloir qu’il mette de l’eau dans son bourbon,  le bougre.

 

Forcément,  dans la vieille Europe et singulièrement en France, çà fait tache, ça inquiète, ça bouscule. Non, ce n’est pas à cause d’un soi-disant danger nouveau que cela inquiète, après tout cela ne peut être pire qu’avant, sous Obama, et puis à force de chercher la responsabilité de nos malheurs chez les autres on oublie parfois notre propre responsabilité, nos propres turpitudes, le prétexte de « la faute aux autres » finit par lasser..  Europe, mondialisation, phénomène migratoire,  comme on dit pudiquement, insécurités, guerres, attentats, chômage, ce n’est pas de la faute à  Trump, en tout cas pas encore.  

 

Quant à savoir si entre Donald T ou Hillary C. « du pire amélioré le tiède se contente » (1), la  marge est étroite.

 

Non, nos élites ont peur essentiellement pour leur peau, peur qu’on les vire et qu’ils soient remplacées par d’autres... Que le phénomène Trump, il faut dire les choses comme elles le sont,  se transforme en phénomène Marine,  une sorte d’exit à la Française, ou en phénomène « mélenchonesque » ou que ce ne soit pour un  Emmanuel Macron,  qui vient de nulle part et y va tout autant, à moins que ce ne soit un outsider,  qui ne sorte  des primaires de la droite, à défaut du vainqueur désigné par les sondeurs et les médias.

 

D’ici là,  comme d’habitude,   la gauche institutionnelle agitera les peurs du « au secours,  la droite revient » sans compter « les horreurs ! malheurs ! », les fachos peuvent l’emporter. La voie est étroite,  le choix sera plus que délicat, la gauche disqualifiée par un Hollande sans foi,  ni credo, sans vision, dont le discours est inaudible, qui est le seul à croire en son étoile et pense qu’il y aura encore quelques imbéciles pour regarder son doigt,  à défaut de regarder la lune.

 

Alors,  comme nous en avons l’habitude,  on se fera peur, on votera par défaut, par compromis.

 

A moins que,  par un sursaut d’intelligence,  on vote pour une personnalité possédant à la fois le sérieux et la compétence, l’expérience, un langage clair, la volonté et l’absence de compromissions. C’est à vous de deviner, mais mon choix est fait.

 

 

 

Roland Pietrini

 

 

 

  1. Citation de Robert Sabatier ; Le livre de la déraison souriante (1991)

  2.  AMBASSADE DE FRANCE AUX ÉTATS-UNIS SERVICE ÉCONOMIQUE WASHINGTON - HOUSTON - NEW-YORK - SAN FRANCISCO Le Ministre Conseiller pour les affaires économiques et financières Washington, https://www.tresor.economie.gouv.fr/File/420433


     

     

     



12/11/2016
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