ATHENA-DEFENSE

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Féminisation des grades: être différenciée au nom de la non-différence

 

Féminisation des grades: être différenciée au nom de la non-différence

 

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Une directive de Madame la (le) ministre des Armées assez discrète est en passe de révolutionner les appellations attachées aux grades de l’armée. L’avenir étant, n’en doutons pas, synonyme de progrès, ou l’inverse,  la révolution est en marche, l’égalité entre sexe est devenue le souci premier du politique. Il faudra donc, désormais appeler un chat un chat et une chatte une chatte et éviter la confusion, ce qui pour ces animaux n’est pas chose forcement aisée. Les armées emboitent le pas de cette évolution salvatrice afin de suivre la mode de  la féminisation.  

 

Il était, en effet, grand temps, en se mettant au garde à vous,  de savoir à qui on s’adresse. Car jusqu’à présent le doute était permis. Dans cet effort louable d’égalité homme-femme,  je ne sais pas si l’égalité y gagnera, si le claquement sur la cuisse aura le même effet, si le en « avant marche ! sergente,  donnez le ton ! » raisonnera avec autant de virilité. Car ce mot est à jeter définitivement avec les scories d’une histoire, ô combien barbaresque, du temps ou les hommes ne reculaient pas devant un compliment, et laissaient passer les dames en leur tenant la porte . Certaines n’y voient aujourd’hui que l’occasion pour ces mâles,  forcément libidineux,  de leur mater un peu les fesses. Aujourd’hui,  ce serait plutôt l’inverse, ce que je trouve pour ma part plutôt flatteur, enfin, je parle, pour ce qui me concerne  au passé.  

 

Bref, on avance, on construit, on progresse !

 

Je note au passage que la Ministre n’ayant aucunement demandé l’avis de nos « officières et sous-officières », celles-ci,  réflexion faite,  auraient pu soulever quelques objections.

 

L’une d’entre elle  serait que l’abandon justifié du Mon fût remplacé par le Ma, car après tout, le Mon étant l’abréviation de monsieur je ne vois aucune raison au nom de l’égalité,  d’oublier le MA,  abréviation de madame devant le grade. Ce qui donnerait donc un certain sel à certains grades,  par exemple, Ma vice-amirale, Ma Commandante, Ma lieutenante, Ma majore,  sergente-cheffe.  

 

Si j’étais une femme, ce que je ne suis pas encore, je serais d’ailleurs assez gênée de me voir ainsi ostracisée et marquée par une marque particulière et de voir ainsi étalé sur les notes de services le fait que je sois  différenciée au nom de la non-différence,  et que l’égalité quelque part me rappelle sans cesse qui je suis. Certaines considèrent d’ailleurs que le genre et son rappel incessant pourrait porter une connotation parfois négative, elles peuvent ne pas avoir tort.

 

Tout cela ferait sourire et pourrait être considéré comme sans importance, mais au-delà du débat linguistique cela pose probablement une question de fond sur nos sociétés ;  celle du rapport homme- femme et celle de la manière dont les femmes se considèrent par rapport à l’homme. Car ce féminisme-là qui semble vouloir à tout prix se positionner  comme une entité à l’égale de l’homme, construit sa propre particularité et son propre ghetto.  

 

D’ailleurs, La question de la féminisation dans les armées a été posée au Conseil d’Etat, qui  répondu, dans un arrêt du 28 novembre 2003    et qui a jugé qu’il n’y avait pas de problème à féminiser les grades.

 

Le Conseil d’Etat estime en effet qu’« il n’est pas contraire aux textes statutaires régissant le corps des contrôleurs des armées d’utiliser le cas échéant des termes féminisés pour désigner les membres de ce corps ; qu’une telle utilisation de termes féminisés est sans incidence sur la légalité de l’arrêté dont la modification est demandée, dès lors qu’elle n’emporte aucune ambiguïté quant au grade de la requérante ; que la féminisation des termes désignant le grade ou l’emploi occupé par une femme ne saurait être regardée comme une méconnaissance du principe constitutionnel d’égalité ».

 

Concrètement, dans les armées, et ainsi que l’a rappelé la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat dans son rapport enregistré le 26 mars 2015,  les grades et les fonctions ne sont pas féminisés conformément à la pratique au sein du Ministère de la Défense.

 

Depuis 2015 de l’eau a coulé sous les ponts et nous en sommes aujourd’hui à ne plus savoir où nous en sommes. Ce qui ouvre des perspectives pour ceux qui s’intéressent à l’accroissement des barbarismes dans notre langue. Je rappelle que le mot barbarisme a été employé par l’académie française, qui accepte parfaitement la féminisation des métiers, ce qui en effet n’est que justice envers les femmes,  mais ne va pas jusqu’à préconiser la féminisation des grades et appellations. L’académie française rappelle d’ailleurs « aucun texte ne donne au gouvernement « le pouvoir de modifier de sa seule autorité le vocabulaire et la grammaire du français ».

 

Or il semble bien que nous assistons à un contraire qui relève du n’importe quoi. Il serait temps que Madame la Ministre se mette en accord avec elle-même et donne des directives claires à ses services, pour que le ridicule ne l’emporte et que ces dames ne soient finalement le dindon de la farce. Pardon,  pour les dindonnes de la farce.  Que l’aspirant devienne aspirante, que la lieutenant devienne la lieutenante, et que l’adjudant-chef devienne l’adjudante-cheffe relève plus d’un barbarisme imbécile que de la recherche d’un traitement égal entre les hommes et les femmes.

 

Souvent le progrès consiste à aimer ce que nous sommes, plutôt qu’à chercher à devenir ce que nous ne sommes pas. Que les femmes s’expriment !  Et notamment celles qui servent chaque jour avec dévouement les armes de la France. Elles ont gagné le droit de porter un grade, pas un diminutif féminisé,  souvent inélégant. Que madame la Ministre,  qui ne fut jamais adjudante,  s’en souvienne.

 

 “Que ce soit dans le vocabulaire de la parenté, dans l'alliance, et dans quelque domaine du social, les catégories du masculin et du féminin n'ont pas le même poids, la même importance.” Cette phrase de l'ethnologue, anthropologue et grande figure du féminisme, Françoise Héritier,  récemment décédée,  a le mérite de poser la bonne question, pourquoi marquer la féminité des grades au risque d’ostraciser les femmes qui le portent ?

 

 

Elles se sont battues, dans la résistance et ailleurs,  pour être considérées comme les hommes, l’aurait-on oublié ?

 

 

Roland Pietrini

 

 

 



17/12/2017
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