ATHENA-DEFENSE

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Forces Spéciales ou Forces Classiques, Faut-il choisir?

Un article du général Poncet  paru en juillet 2012 sur le site de l’ASAF (http://www.asafrance.fr/accueil ) rubrique Libre Opinion,  décrit avec justesse la différentiation fondamentale entre Forces Spéciales et forces classiques.*

 

J’invite à le lire avec attention cet article.  Le général de CA (2S) Henri Poncet a commandé les Forces Spéciales de 2001 à 2004. Alors que le livre blanc et la future loi de programmation  qui en sera la conséquence semble donner une fausse idée en faisant accroire qu’elles pourraient remplacer un certain nombre de forces dites classiques, il est utile de lire cet avis éclairé.

 

Forces classiques ou forces spéciales ? Un débat absurde.

Par le Général de corps d’armée (2S) Henri PONCET, Commandant les opérations spéciales de  2001 à 2004....

 

Certains blogs se sont faits récemment l’écho d’un renforcement significatif de nos forces spéciales (FS) par un transfert d’effectifs et de capacités de l’armée de terre ou de l’armée de l’air au profit des composantes du commandement des opérations spéciales (COS). Ces propositions  sont parfois dictées par des soucis catégoriels de préservation des effectifs avec l’arrière pensée que ces unités organiquement gérées et soutenues par leurs armées respectives seraient à l’abri des dissolutions en passant sous le label FS. 

C’est bien évidemment méconnaitre la nature des missions des FS dont la philosophie est de penser  la guerre autrement. Il faut plusieurs années de formation, d’entrainement et de mise en place d’équipements spécifiques, après un changement radical du profil de la ressource humaine, pour transformer une unité classique quelle que soit sa qualité et son armée d’origine, terre, air ou mer, en une unité spéciale. En fait, contraintes budgétaires obligent et avec la confusion entretenue par les « experts » sur la réalité des missions des FS, ressurgit une fois de plus l’idée qu’une augmentation significative de ces FS permettrait de réduire de façon encore plus significative les effectifs des forces dites classiques. Des effectifs inévitablement limités.

 

 Aujourd’hui, le COS peut compter sur une composante FS interarmées de près de 3 600 hommes soutenue par les trois armées.

Cela peut paraitre très limité par rapport au 65 000 h des Etats Unis. Mais c’est d’abord oublier que les FS américaines sont une quatrième armée avec tout son environnement, et que les unités du même type que les nôtres représentent en réalité moins de 15 000 hommes. Le ratio de nos FS par rapport aux effectifs de notre armée est donc sensiblement identique à celui des Américains, comme aussi celui du Royaume-Uni. Il est dicté par la nécessité d’une sévère sélection qui s’opère à partir du réservoir d’effectifs des forces classiques.

C’est aussi ignorer que les modes d’actions et les équipements des FS ne les destinent en aucun cas à remplir les missions conventionnelles dévolues aux forces classiques : pas de blindés, pas d’artillerie, pas d’avions de combat, pas de navires, pas de capacités d’occupation prolongée du terrain dans l’espace et le temps. Un emploi très spécifique, limité et ponctuel C’est enfin et surtout évacuer tout ce qui a présidé à leur création il y a vingt ans : un outil à haute valeur ajoutée  pour gérer les crises ou faire la guerre autrement, de façon autonome ou en complément des forces classiques, souvent en amont et parfois à coté de ces dernières. Le positionnement hiérarchique du général commandant les opérations spéciales (GCOS), directement subordonné au chef d’état major des armées (CEMA), indique clairement la portée stratégique de l’emploi des FS.

 Dans ce cadre, elles ont su, comme lors de leur engagement majeur resté confidentiel en Afghanistan en 2003 pendant près d’une année, remplir avec succès et une grande discrétion de multiples missions sur terre, sur mer et dans les airs. Elles ont certes parfois, à leur corps défendant, mais dans une communication voulue par les autorités politiques pour marquer la détermination de la France, fait la une des médias.

De la chasse aux criminels de guerre dans les Balkans, aux missions discrètes de renseignement ou d’appui à des armées de pays amis dans la lutte contre le terrorisme, en passant par des missions de reconnaissance afin de préparer et de faciliter l’engagement des forces classiques ou de les accueillir, jusqu’aux opérations de neutralisation ou de destruction,

les FS françaises ont répondu aux attentes des plus hautes autorités politiques et militaire.

Leur format réduit et interarmées a facilité leur adaptation permanente sur court préavis aux nouvelles menaces ou missions. En effet, Les FS s’inscrivent résolument dans des stratégies de créneaux, à l’inverse des forces armées classiques qui, en raison des contraintes et des coûts de leurs matériels majeurs, se situent plutôt dans des stratégies de filières par définition plus encadrées et plus rigides.

Modes d’action et  modalités d’engagement diffèrent profondément et ce serait  une erreur grossière que d’imaginer pouvoir substituer les unes aux autres à seule fin de justifier les réductions budgétaires à venir, de réduire drastiquement les effectifs et de réorienter massivement les crédits vers les industries de haute technologie. Ce fut la doctrine du secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld au début des années 2000, malheureusement avec les piètres résultats que l’on sait obtenus en Irak où il a bien fallu se décider à contrôler le terrain. Complémentarités entre forces classiques et spéciales Forces spéciales et forces classiques sont complémentaires. Accordons à ceux qui ont aujourd’hui en charge le commandement et l’engagement opérationnel des FS de dire ce qui leur paraît le plus approprié pour une éventuelle évolution du format ou des missions. Ils ont en effet un avantage indiscutable sur tous les commentateurs : l’expérience et le vécu.

Plus généralement, ce débat est étroitement lié aux réflexions en cours sur la réduction des prochains budgets de la défense que le futur livre blanc ne manquera pas de cautionner. D’autant que l’urgence n’est plus de sauver un budget de la défense, mais les finances publiques et l’ensemble de l’économie du pays pour éviter la faillite. C’est la survie du pays qui est l’enjeu. Dans les scénarios inquiétants qui se multiplient dans la zone euro, les autres pays ne sont certes pas en reste pour diminuer des budgets de la défense déjà réduits pour certains à la portion congrue.

Pas de véritables menaces aux frontières de l’Europe, pas de poids électoral conséquent, pas de syndicats pour mobiliser la rue. Que pèse effectivement alors une vision sur le long terme, alors que le court terme apporte chaque jour son lot de mauvaises nouvelles et de mécontentement du plus grand nombre ? Les gouvernements doivent parer au plus pressé. La Défense un atout pour la France et l'Europe Mais nos dirigeants doivent garder à l’esprit que notre défense constitue un des rares atouts à mettre au pot d’une Europe resserrée et plus politique qui ne pourra évacuer la question de sa propre sécurité. Si la crise actuelle ouvre sur un système fédéral combinant à la fois une politique monétaire et une politique budgétaire, le temps sera aussi venu, dans un monde multipolaire où l’Europe représenterait une vraie puissance, de repenser l’Europe de la défense au sein d’une Europe fédérale dont les membres restent sans doute à compter pour ne pas commettre à nouveau l’erreur d’aller trop vite. L’arme nucléaire, des forces classique crédibles, des capacités de projection constituent une partie de la dote que la France pourra apporter dans la corbeille de la mariée. Enfin, l’on pourrait être bien inspiré de méditer ce proverbe africain : « Nul ne connaît l’histoire de la prochaine aurore », ainsi que les propos du Maréchal de Saxe : « Les soldats sont comme des manteaux. On se souvient d’eux quand vient la pluie».

Général de corps d’armée(2S) Henri PONCET



02/05/2013
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