ATHENA-DEFENSE

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Monsieur le Président : avoir ou ne pas avoir peur, est-ce la question ?

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Le  « N’ayez pas peur ! » d’Emmanuel Macron, chef des Armées,  adressé aux militaires   lors de ses vœux aux Armées, du vendredi 19 janvier 2018 à Toulon, dénote, pour le moins, un sens certain de la formule. Il n’est pas certain que les cadres des armées l’aient reçu comme un encouragement bienveillant, celui d’un chef à ses hommes. (1)

 

Ce « n’ayez pas peur ! » vient de loin, (2) le pape Jean Paul II fut celui qui le rappela dès son élection, le 22 octo­bre 1978, devant la foule rassemblée place Saint-Pierre.  Il résonne encore,  tant l’époque et le lieu en donnait tout son sens.  « Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ, à sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des États, des systèmes politiques et économiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation et du développement. » Onze ans plus tard ce fut la chute du mur de Berlin et les conséquences qui s’ensuivirent.  De la part d’un Président « élu » qui n’est pas encore béatifié,  la référence est donc tout aussi osée que biblique. Etait-ce volontaire de sa part ?  

 

D’autant plus que les soldats savent que  le sujet n’est pas tant celui de la peur, mais bien celui du courage.  Le courage étant, chacun le sait,  non pas l’absence de peur,  mais  bien la capacité de la vaincre. Et, il en faut du courage pour croire encore en la sincérité des discours, puisque les précédentes déconvenues sur la condition militaire, sur les différents budgets toujours insincères et les programmations jamais menées à terme, ont été le quotidien de ceux qui de tous temps et de toutes les époques ont œuvré pour la défense de la France.

 

Le Président de la République est un trop fin politique pour ne pas oublier que les cadres des armées, possèdent aussi de la mémoire. Car, les discours qu’ils ont entendus maintes et maintes fois ne remplaceront jamais les actes. Le sien fut brillant, le ton était juste  et il a placé la barre assez haut.  Je cite :   « les travaux de préparation de la LPM qui ont été conduits sous l'autorité du Premier ministre par votre ministre, le CEMA, vos chefs d'état-major, ont été basés sur quatre principes majeurs. L'amélioration des conditions de vie et de fonctionnement courant des armées, la nécessaire modernisation de vos équipements et le comblement des réductions capacitaires, la coopération européenne, et enfin l’innovation... ». « Vaste programme » comme aurait dit un certain de Gaulle qui ne promettait jamais rien,  mais qui faisait. Dont acte. 

 

 

 

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La loi de programmation 2019-2025 sortira bientôt des limbes, les derniers arbitrages sont en cours. Dans la première semaine de février 2018 et les suivantes, nous en apprendrons beaucoup plus. Nous verrons bien si à défaut de peur, les choix qui seront rendus publics tiendront sur le temps d’une législature, ou si, renouant avec les habitudes de procrastination d’un Etat qui faillit,  on reportera à plus tard ce que nous avons été dans l’incapacité de préserver ou de construire ces vingt dernières années, et qui nous a coûté si cher.

 

Nous avons baissé la garde pour savourer de soi-disant  dividendes d’une paix et d’une stabilité en Europe, après la chute du monde soviétique. Nous sommes passés d’un monde bipolaire  qui fut d’une certaine manière un rempart contre l’hégémonisme exclusif d’une nation ou de l’autre à un monde multipolaire, plus complexe, moins prévisible.

 

La  déconstruction de nos valeurs, la révélation d’un monde où l’intelligence artificielle révolutionnera nos habitudes et créera de nouvelles normes, la cybernétique où le vivant et le non vivant agiront  par imbrication  et en interaction, vont révolutionner le monde. Le risque est que celui-ci devienne encore plus inégalitaire, avec des continents entiers qui décrocheront en créant de nouvelles tensions et de nouveaux risques. Il faut se convaincre que  le phénomène migratoire ne peut que se renforcer,  et que des populations  entières n’auront pour choix que de fuir ou se soulever. Le déclassement de continents entiers est un risque qu’il faut prendre en compte  dans ce monde où les nantis seront ceux qui auront accès à l’eau, aux soins, à l’éducation, au travail, à l’intelligence artificielle. La réponse armée ne sera pas suffisante et la construction de lignes Maginot réelles ou virtuelles ne serviront à pas grand-chose, sinon à rassurer et à surenchérir sans cesse.  Il faudra y mettre autre chose, qui dépassent et de loin, les moyens militaires. Ce monde instable où il sera vain de penser à un endiguement, il faudra bien qu’un jour, nos dirigeants nous apprennent à le maitriser, sans baisser la garde, mais en agissant sur les causes sans en oublier aucune. On ne soigne pas une maladie grave avec un antalgique, mais en s’attaquant à  ses causes.

 

Il y a trente ans à peine, alors que le monde devenait de plus en plus imprévisible et dangereux, nous avons fait semblant de croire à la stabilité, pour développer égoïstement nos richesses et consommer sans cesse, en oubliant les réalités du monde, les tensions culturelles et religieuses et ethniques. Depuis 1989, nous avons vécu  aussi en Europe plusieurs crises ou conflits majeurs. (3) et ces crises sont loin d’être résolues.  Nous avons obtenu une stabilité d’apparence, les conflits en Géorgie, en Crimée et au Donbass devraient nous alerter. Sur le plan économique,  nous avons obtenu des résultats inverses, une instabilité plus grande et des pans entiers de nos économies se sont effondrés, pas toujours pour être remplacés par de nouveaux eldorados.  Or,  nous sommes face à une seconde révolution, celle de l’imminence de l’intelligence artificielle dans nos vies. Cette révolution sera encore plus violente et profonde et personne pour l’instant, n’en mesure les conséquences.

    

Nous sommes aujourd’hui à l’heure de vérité,  « Le prix de la paix, c'est l'effort de guerre », écrivait le général Pierre de Villiers, nous avons raté comme le disait Pascal Boniface en 2014 dans le Monde, une « occasion historique d'établir un véritable système de sécurité collective au sortir de la guerre froide ». Dans le bal des occasions manquées, ce n’est pas la seule.

Alors, Monsieur le Président, la peur n’est pas seulement de notre côté elle pourrait bien l’être du côté de ceux qui, dans leur confort et leurs illusions, estiment encore que ce sont les soldats qui font les guerres alors qu’elles ne sont la plupart du temps que la conséquence de la lâcheté des politiques devant les responsabilités qui sont parfois les leurs.

 

Démontrez-nous que vous échappez à cette règle et tenez vos engagements pour notre sécurité et la grandeur de la France à laquelle, sans nul doute, vous tenez avec la diplomatie et la géopolitique qui vont ensemble. Les Armées ne sont qu’un élément de la défense d’une Nation, mais elles sont le reflet du peuple, et la France ne fut jamais aussi grande que lorsque  le peuple eu cette volonté de relever les défis du monde.   

 

Roland Pietrini

 

 

 

(1)   La  phrase est la suivante : « N’ayez pas peur ! ». Il ne s'agit pas de faire moins, il s'agit de faire mieux ensemble. Je crois, vous le savez, en une Europe plus efficace qui protège ses intérêts et ses valeurs et qui se donne les moyens de sa défense et de sa sécurité.

http://www.elysee.fr/declarations/article/discours-du-president-de-la-republique-emmanuel-macron-v-ux-aux-armees/

 

(2)   Selon les théologiens,  cette  parole  est citée  trois cent soixante-cinq fois dans les Écritures, (je n’ai pas vérifié).  Elles sont attribuées à Jésus de Nazareth, notamment dans l'évangile de Matthieu, lors de l'épisode de la Transfiguration ou encore dans l'épisode de la Marche sur les eaux, rapportée entre autres dans l'évangile de Saint Jean.

 

(3)   Conflits  depuis 1991

 

Extraits du discours du Président de la République en date du 19 janvier 2018

 

connaissance-anticipation, intervention, prévention, coopération

 

« La loi de finances votée par le Parlement s'élèvera en 2018 à 34,2 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,8 milliard d'euros par rapport à 2017. Le projet de loi de programmation militaire que j'ai validé en conseil de défense mercredi dernier portera la trajectoire des ressources à 2% du produit intérieur brut en 2025, avec des marches d'ores et déjà garanties de 1,7 milliard d'euros chaque année jusqu'en 2022 et de 3 milliards d'euros en 2023. »

 

« Au cœur de cet effort de « sincérisation », il y a la dotation annuelle pour les opérations extérieures, qu'il convient d'ajuster. Depuis des années, nous sous-estimons systématiquement le coût des opérations extérieures, ce qui nous donne droit à des débats incompréhensibles pour le commun des mortels mais parfaitement connus pour tous les acteurs de celui-ci. Il s’ensuit des batailles budgétaires de fin d’année pour savoir qui va absorber le surcoût, batailles parfois vives qui laissent des cicatrices profondes et parfois lourdes de conséquences en termes de confiance mutuelle.

 

Ces batailles, là aussi, je n’en veux plus. L'ajustement de la dotation pour les OPEX sera réalisé en portant progressivement la dotation annuelle qui était fixée jusqu'alors à 450 millions d'euros à 1,1 milliard d'euros en 2020. » (C’est bien là le problème, est-ce à prendre sur le budget, qui sera diminué d’autant ?)

 

La  priorité sera donnée au renouvellement de nos capacités militaires les plus critiques dans les trois milieux.

Pour l’armée de terre, par un effort important sur le segment des véhicules blindés médians, celui qui est le plus engagé en opérations. Pour la marine, en renouvelant et en augmentant le nombre des pétroliers ravitailleurs tout en renforçant sa capacité de prévention. Je pense ici aux patrouilleurs qui manquent aujourd'hui cruellement, en particulier outre-mer. Enfin pour l'armée de l'air, l'effort sera porté sur l'accélération et l'augmentation du programme d'avions ravitailleurs et sur les capacités de renseignement aéroportées.

 

Un effort important, je vous l’ai dit, sera également réalisé dans le domaine du renseignement, avec là aussi des engagements clairs et des priorités

 

Je veux, par des mesures pragmatiques et de bon sens, régénérer nos armées et redonner une pleine cohérence à notre modèle, un modèle tourné vers l'action et la coopération, avec des effets visibles à court terme et crédibles à long terme.



31/01/2018
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