ATHENA-DEFENSE

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Point de vue russe sur la situation au Mali

Synthèse d’un point de russe sur la crise au Mali : Texte original de Valeri Meknikov de Ria Novosti  suivi d’un reportage au Mali d’Alexeï Eremenko.

 

Ces textes que je reproduis dans leur quasi intégralité  résument de manière simple, sans apporter cependant  d’éléments nouveaux,  mais qui ont le mérite de se révéler objectif et proche de  la situation qui a précédé l’intervention au Mali de notre pays..  Il faut aller chercher ailleurs ce que l'on trouve pas dans nos propres médias qui sont d'un pauvreté affligeante..   Passé l'intérêt des premiers jours, le soufflé médiatique est retombé, il faut aller sur CNN ou Euronews pour trouver des reportages sur notre intervention. Les Russes s'intéressent au Mali, au moins autant que les Français...  Ces textes  sont donc à  lire et à commenter..

 

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Selon Evgueni Korendiassov, ambassadeur russe au Mali de 997 à 2001 qui est aujourd’hui chercheur auprès de l'Académie des sciences de Russie, le président Amadou Toumani Touré, renversé alors qu’il était au pouvoir depuis 2002, avait pour habitude de neutraliser ses opposants politiques en leur offrant des postes au gouvernement plutôt que de les jeter derrière les barreaux. Ce  "consensus démocratique" avait un défaut, à savoir l'absence de compromis et de ligne politique claire. Pire encore, beaucoup de hauts fonctionnaires n'avaient pas reçu de formation administrative et se remplissaient les poches au lieu de diriger le pays, déclarent les experts maliens. La corruption a également sapé les efforts menés pour réduire le niveau de pauvreté parmi les Touaregs car la majeure partie des investissements publics dans cette région a été simplement volée. En 2012, l'ONG Transparency International a publié l'étude "Indice de perception de la corruption", où le Mali occupe la 105ème place sur 174 pays classés.

"Nous avons un gouvernement très faible et notre démocratie est très superficielle", résume Dicko. L’armée, dernier échappatoire pour les chômeurs, a souffert d'une gestion inefficace et d’un manque de subventions. Beaucoup de Maliens se sont engagés même s'ils n'étaient pas aptes à servir ou même s'ils ne voulaient pas participer aux opérations militaires, déclare Diallo.

Les militaires professionnels n'avaient eux-mêmes pas vraiment l’esprit guerrier, irrités par le traitement de faveur accordé aux officiers touaregs en vertu des accords de paix signés antérieurement. RIA Novosti a obtenu ses informations de certains officiers de l'armée malienne qui ont préféré garder l'anonymat.

L’efficacité de l'armée malienne était encore réduite par son matériel obsolète, principalement d'origine soviétique. L'armée de l'air malienne continue d’utiliser les chasseurs MiG-21 fabriqués à partir de la fin des années 1950.

Le soulèvement rebelle a rompu la patience des militaires. Face à l’absence de réaction de Bamako après la mort de plusieurs dizaines de soldats au début de la révolte, les militaires irrités ont renversé le président Touré. Au moment du coup d'Etat on annonçait que les soldats ne prévoyaient pas de renversement et voulaient simplement donner libre cours à leur colère.

La situation a échappé au contrôle du pouvoir et Touré a fui au Sénégal. La junte militaire s'est emparée des moyens de décision et continuerait à diriger secrètement le Mali.

 

La vie secrète du Sahara

Ces dernières années, Bamako continuait à s’affaiblir tandis que les Touaregs se renforçaient, confortés par  les  opérations commerciales via le Sahara - qui ont beaucoup changé depuis l'histoire médiévale du Mali et de l'empire du Ghana, qui vendait de l'or et du sel.

 

Extraction d'or au Mali

Le trafic prospère dans le Sahara contemporain. Diverses marchandises, y compris de l'électroménager, arrivent en Afrique depuis l'Europe. La ville de Gao, au nord du Mali, est réputée pour être le meilleur endroit du pays où il est possible d'acheter une parabole. De plus, un flux constant de migrants clandestins qui espèrent arriver jusqu'à l'Europe passe par le Sahara.

Plus important encore, le Sahara est une plateforme vitale pour le trafic de cocaïne entre l'Afrique du Sud et l'Europe. Près de 60 tonnes de drogue passent chaque année par le désert, selon les représentants de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) en 2009.

Hormis les barons du narcotrafic, le désert a commencé à attirer les islamistes qui voulaient achever la mise en place d'un "Arc d'instabilité" du Sahara à l'Afghanistan, déclare Korendiassov, ex-ambassadeur de Russie au Mali.

Oussama Ben Laden et certains de ses associés s'étaient installés au Soudan en 1991-1996.

De plus, plusieurs organisations extrémistes en Algérie, en Libye, au Soudan et en Somalie reconnaissaient ouvertement entretenir des liens avec Al-Qaïda depuis le début des années 1990.

Quant au Mali, les appels au djihad contre les infidèles s'accompagnent d'incitations financières. Une nouvelle recrue se joignant à une organisation islamiste pouvait compter sur un salaire d'environ 900 dollars par mois, selon les sources locales citées par Korendiassov, sachant que le PIB annuel par habitant au Mali s'élève à 1100 dollars.

Les partisans du djihad finançaient également des projets pour la population locale dont la construction de puits d'eau, a déclaré Korendiassov. Cependant, il n'a pas pu évaluer l'ampleur de ces investissements.

Enfin, le retour des mercenaires touaregs qui ont servi aux côtés du colonel Kadhafi fut un facteur important dans le déclenchement du soulèvement.

La Libye avait des intérêts commerciaux au Mali et Kadhafi avait engagé plusieurs milliers de Touaregs pour qui le service au sein de l'armée libyenne ouvrait des perspectives de carrière. Jusqu'à récemment, ils ne pouvaient pas prétendre à cela au Mali.

Kadhafi a été tué en 2011. Entre 800 et 4000 vétérans touaregs sont ensuite tranquillement rentrés à la maison, déclare l'analyste Keenan. Ils sont revenus avec des armes, y compris des lance-roquettes sol-air et d'autres armements dont les Touaregs ne disposaient pas lors des révoltes antérieures, pour lesquelles ils ne pouvaient utiliser que des épées touaregs Takouba et des fusils d'assaut Kalachnikov.

 

 

 

 

Autre reportage au Mali d’ Alexeï Eremenko

 

 

Dieu est français", déclaraient fin janvier à RIA Novosti les réfugiés du camp de Sévaré, une ville poussiéreuse au centre du Mali. Cette exaltation s'est répandue à travers de nombreuses régions du pays, résistant à la pression des rebelles financés par les organisations islamistes. Tout cela grâce à l'intervention-éclair de l'armée de l'air française en janvier 2013. Partout dans le pays flottent aujourd’hui des drapeaux bleu-blanc-rouge - la première fois depuis 1960, date à laquelle cette ancienne colonie française est devenue indépendante.

Les militaires français ont stoppé l'offensive des rebelles contre la capitale du pays, Bamako. Mais le soulèvement qui a débuté il y a un an n'est pas encore réprimé. Les troupes gouvernementales affrontent toujours les rebelles dans des combats localisés et les officiers maliens sont préoccupés : les insurgés se sont repliés dans le désert du Sahara pour se fondre dans la population. Ils pourraient lancer une nouvelle offensive immédiatement après le retrait de l'armée française.

Les rangs des rebelles islamistes sont très diversifiés. On y trouve notamment beaucoup de ressortissants d'autres pays ainsi que des séparatistes touaregs qui vivent dans le désert et prônent un Etat laïque. Tous proposent des programmes différents. D'autant que leurs rangs sont divisés après qu'il a été impossible d'obtenir la reconnaissance internationale d’un Etat autoproclamé dans la région d'Azawad au nord du Mali, en avril 2012.

Le gouvernement et les séparatistes modérés ont laissé entendre qu'ils étaient prêts à négocier mais ils refusent d’associer les islamistes aux discussions. Ce courant radical, dans les rangs des rebelles, posera un très grand problème au Mali. Mais ce problème est loin d'être le seul obstacle à la paix dans la région. Hormis le séparatisme des Touaregs, le gouvernement est inefficace et corrompu, le trafic de stupéfiants bondit dans le Sahara et les combattants qui ont servi auprès de l’ex-dirigeant libyen Mouammar Kadhafi sont revenus au pays. Selon la majorité des experts, l'apparition de ces hommes armés a donné une nouvelle impulsion à l'insurrection.

Une politique de réconciliation nationale pourrait être nécessaire dans un futur proche mais ce n'est pas une mince affaire : le soulèvement des Touaregs a creusé un fossé profond entre les Touaregs et le peuple malien, qui a cessé de faire confiance à ses voisins du nord.

"Je reviendrai à la maison mais je ne serai plus jamais ami avec mes voisins touaregs", déclare Safet Maïga, réfugié de la ville de Gao prise par les rebelles. A l'heure actuelle, Maïga vit dans le camp de réfugiés de Sévaré.

Le rêve d'Azawad est resté un rêve

Les Touaregs sont d'origine berbère. Ils vivent en Afrique du Nord et représentent la majorité des habitants de l'ouest du Sahara depuis au moins 1 500 ans. Les tribus touaregs élèvent des chèvres et des chameaux, commercent également à travers le Sahara et perçoivent une rente des 
paysans - qui font partie des castes inférieures de l'oasis et du Sahel, au sud du Sahara.

 

© RIA Novosti. Valeri Melnikov

Cocaïne, islam et fierté nomade : les origines de la crise malienne

 

Au total, 1,2 million de Touaregs vivent dans cinq pays d'Afrique. Environ 500 000 d'entre eux sont installés au Mali, selon le député Assarid Ag Imbarcaouane, lui-même d'origine touareg. Les Touaregs n'ont jamais eu leur propre Etat, hormis un minuscule sultanat dans les hauts massifs de l'Aïr au nord du Niger.

 

Depuis 1960, les Touaregs se sont soulevés à quatre reprises. Cependant, les révoltes antérieures n'étaient pas explicitement séparatistes. Leurs organisateurs appelaient à faire cesser la discrimination exercée par le gouvernement central de Bamako.

Suite aux précédents soulèvements, la représentation des Touaregs au sein du gouvernement et de l'armée a augmenté. Des subventions supplémentaires ont été également accordées aux Touaregs pour leur développement, déclare le politologue Mohamed Diallo. Néanmoins, les habitants de la région ont continué à accumuler les rancunes.

La révolte actuelle, qui a éclaté en janvier 2012, est partie d'un mouvement séparatiste mené par les partisans d'un Etat laïque pour se transformer en mouvement pour l'adoption des lois de la charia. En six mois, les appels à l'autodétermination ont cédé la place à la prohibition forcée de l'alcool, du tabac, de la musique occidentale et d'autres "vices".Comment ? Difficile de donner une réponse claire à cette question.

L'insurrection était, dès ses premières étincelles, dirigée par le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA). Cette mouvance séparatiste prônait la formation d'un Etat laïque et grâce à cet argumentaire, les rebelles ont connu un certain succès entre janvier et avril 2012. En avril 2012 ils contrôlaient les trois régions du nord du pays, soit 60% du territoire malien.

Dans ces régions vivaient pourtant moins de 10% de la population du Mali, qui compte 14,5 millions d'habitants. L'armée du pays a subi d'importantes pertes qui, selon les médias, s'élèvent à environ 160 morts et 400 prisonniers. Les défaites militaires ont entraîné un coup d'Etat militaire dans la capitale malienne en mars 2012, après quoi le MNLA a proclamé la création de l'Etat indépendant de l'Azawad, qui n'a pas été reconnu au niveau international.

Pendant ce temps, entre le printemps et l'été 2012, la situation s'est renversée. En juillet 2012 les alliés islamistes, notamment le mouvement Ansar Dine, ont repoussé le MNLA sur le bas-côté de la vie politique. Jérémie Keenan, expert londonien de cette région, a déclaré sur Al Jazeera en mars 2012 que le MNLA était en supériorité numérique et pouvait opposer entre 2 500 et 5 000 hommes. Néanmoins, les combattants islamistes - dont le nombre ne dépassait pas 1 000 hommes  selon la presse - étaient bien armés et entraînés. De toute évidence, leur noyau était composé d'étrangers particulièrement motivés, à savoir des mercenaires ou des soldats professionnels du djihad.

 



13/02/2013
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