ATHENA-DEFENSE

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Politique internationale, la France aux petits bras…

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Faute de vision, notre politique étrangère nous apparait de moins en moins crédible, à un point tel que notre ministre des affaires étrangères est surnommé dans les couloirs du quai d’Orsay ministre étranger aux affaires.

Cette saillie ferait sourire si elle n’était que méchante, elle s’appuie malheureusement sur des faits.

Ici c’est un Président favorable à une loi réprimant la négation du génocide arménien alors que son ministre qui est pour un rapprochement avec la Turquie tempère et le contredit, là c’est un François Hollande à propos de l’assaut israélien contre Gaza qui insiste sur le droit d’Israël à se défendre, sans aucune mention des pertes civiles palestiniennes et qui, le lendemain rame pour tempérer sa position. Plus récemment on se dirige vers une reconnaissance de la Palestine qui obéit plus à des motivations de politique interne que d’une réelle analyse y compris, dans l’intérêt même des Palestiniens.  La position de la France serait donc basée « sur l’équilibre » mais, elle est souvent perçue comme non responsable et ne satisfait ni les uns, ni les autres. Lorsque l’on cherche l’équilibre il faut savoir mettre un pied devant l’autre, il faut savoir être fort et prévoyant. Qualités que l’on a perdues depuis des décennies.  Or, cet équilibre dans un certain nombre de crises  n’est pas du tout respecté. Dans la crise russo-ukrainienne,  le choix de faire confiance à l’Ukraine de Kiev qui serait un modèle de vertu,  en ne tenant pas compte des réalités de ce pays multiculturel, tout en soulignant la seule et unique  responsabilité de la Russie, montre  une  attitude plus partisane, qu’équilibrée,  celle d’un suivisme otanien,  outil quasiment exclusif au service des Etats-Unis. Serait-ce le reflet ultime de notre  faiblesse et de notre irresponsabilité ?

Il est temps de prendre conscience que l’effacement de la France sur le plan international qui ne fait plus entendre sa voix de puissance singulière depuis le discours de de Villepin  à l’ONU le 14 février 2003 lors de la crise irakienne est un renoncement coupable.  

Nos politiques d’aujourd’hui n’ont pas l’étoffe, n’ont pas de courage, ils ne donnent même pas  l’illusion du discours.

Paradoxalement, alors que nous avons choisi la politique du renoncement et du suivisme, nous nous impliquons de plus en plus dans des conflits périphériques sans issue dans une Afrique instable, persistante dans ses contradictions, néanmoins porteuse d’avenir mais que l’on infantilise sans cesse.  

La conduite de la lutte contre le Daesh est inadaptée et contre ce mal il faut savoir choisir ses alliés, ce que nous ne savons pas faire, ou ne voulons pas faire, ou pire nous ne pouvons plus faire.

On murmure que Fabius lors de la conférence des cinq plus un à Vienne à propos de nucléaire iranien n’a pas été informé par John Kerry des ultimes  propositions, serait-ce une vexation de plus pour un partenaire plus crédible ?  Or, nous le savons  bien, les Etats-Unis sont pragmatiques, (ils peuvent se le permettre),  leur changement de stratégie face à l’intervention contre el Hassad en Syrie, conjugué avec le changement de cap britannique  nous a ridiculisé. De temps en temps en politique comme en diplomatie,  il est bon de se retourner lorsqu’on est seul à courir devant. La gestion de la crise ukrainienne obéit à la même logique : transformer la suspension de la livraison des BPC Sébastopol et Vladivostok en outil diplomatique sous la pression des Etats-Unis, de la Grande Bretagne et de la Pologne implique de subtils calculs de l’après et du comment. On est loin de donner l’impression de maîtriser quoi que soit en la matière.

Les Américains sont sur le point d’orienter différemment leur politique au Moyen Orient, car pour eux l’objectif est désormais celle de l’élimination du Daesh. Après avoir semé le vent un peu partout, l’oncle Sam  récolte la tempête, sans grand risque d’ailleurs  de revivre un 11 septembre. Pour nous, cela est différent, nous sommes désormais en première ligne et en guerre y compris sur notre propre territoire. Cet objectif  étatsuniens  de lutte contre l’islamisme radical et le califat passe désormais par des alliances de circonstances et le jeu est subtil. Comment à la fois, considérer l’Arabie Saoudite comme un allié alors qu’il arme et soutient le terrorisme ? Comment gérer le problème nucléaire iranien alors que l’Iran chiite lutte activement contre le Daesh,  et pour cause,  les membres du daesh sunnites dénient aux chiites tout comme aux alaouites – dont est issu Bachar el-Assad-  la qualité de musulmans, ce qui en fait,  des apostats passibles de mort. D’ailleurs,  la République islamique utilise le qualificatif de « takfiri », c’est-à-dire « excommunicateurs » les membres sectaires du Daesh. Comment soutenir sans faillir un Israël  de moins en moins en position de gagner la bataille de l’opinion face au problème palestinien et la bande de Gaza, et leurs offensives de moins en moins utiles et de plus en plus sanglantes ?

La France,  au petit bras,  risque dans une Europe désarmante autant que désarmée  d’y laisser quelques plumes. La récente perte par Peugeot du marché iranien en est un exemple flagrant.   Peugeot, présent en Iran depuis les années 1990, a quitté ce qui était son deuxième marché en volume au printemps 2012, ( 450 000 véhicules produits)  après l'annonce de nouvelles sanctions occidentales contre Téhéran en raison de son programme nucléaire  controversé. Le retour sur le marché, lors de la prochaine levée prévisible de l’embargo, est moins facile que prévu, d’autres sociétés sont sur les rangs, y compris américaines en sous-main. La  consigne donnée par le quai d’Orsay d’attendre, (une récente visite de PME  en Iran s’est soldée par des remontrances gouvernementales)  conjuguée à la prudence excessive de nos banques, augurent  de quelques défaites à venir. Nous partirons trop tard, alors que nous savons que l’Iran pourrait accueillir favorablement certaines de  nos entreprises. Notre commerce extérieur se ressent de ce manque d’intelligence diplomatique (dans les deux sens du terme) et de ce manque de volontarisme. A force de ne vouloir vendre qu’à des pays fréquentables on ne vendra plus rien à personne, pas même à la Suisse.

Mais notre incohérence ne date pas d’aujourd’hui, la politique de Sarkozy a été tout autant destructrice.  On peut se souvenir aussi  que   Jacques Chirac le 19 janvier 2006 lors d’une déclaration sur les nouvelles missions de force nucléaire française, considérait que l’Iran était une menace directe pour la sécurité du pays. On se souvient tout autant que nous avions expliqué en 1974 à l’Iran du Shah que le pétrole était trop précieux et rare pour être brûlé. Il est vrai qu’à l’époque on était prêt à vendre du nucléaire à l’Iran comme nous l’avions fait à l’Irak.  Autre temps, autre époque, certes, mais « mon Dieu, gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge »  est toujours aussi vrai surtout lorsqu’on a cessé d’être libre et indépendant. Alors il faut se plier. Parfois on peut le faire avec intelligence. Ce n’est définitivement plus le cas.

 

Roland Pietrini 



29/11/2014
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