ATHENA-DEFENSE

J’ai écrit il y a 7 ans cette page dans un livre, un internaute l’a ressorti, sur Facebook, si je devais la réécrire, je pense que je n’y changerais pas grand-chose… A ce relire on est parfois surpris  de se redécouvrir, comme si l’écriture était d’une oublieuse mémoire. Mais ce texte a le mérite de relier les crises d’aujourd’hui à celles du passé. L’histoire ne se coupe pas en tranches, c’est un continuum qui puise ses racines profondément dans l’inconscient du monde.

Roland Pietrini

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« La Pologne celle de ma micro-histoire n’est plus celle que j’ai connu, elle s’interfère parfois avec l’autre, celle qui intéresse les historiens. Pourtant quelques impressions me restent comme des traces de fulgurance. Le discours du pape devant cette immense foule à Gdansk. J’étais derrière les cardinaux dans les cinquante premiers rangs. Le commentaire d’un jeune prêtre sur le danger de solidarnoscz. « Le communisme a rempli les églises, qu’en sera-t-il si le communisme disparaissait ».Avec le recul on peut dire que l’église n’a plus la première place en Pologne, mais qu’elle a ressurgi du néant en Russie…La ferveur des croyants devant la tombe du père Jerzy Poplielusko. Mon déjeuner à Gdansk avec l’entourage immédiat de Walesa. Mon approche à Gdansk de l’entourage de Mitterrand, reniflant ainsi les réalités des entourages présidentiels et la clique des profiteurs en tout genre. 
Expérience, sans importance pour une analyse scientifique de l’histoire. Et pourtant ces faits m’ont donné une approche différente de la compréhension du monde. 

En ce début de XXI siècle les conflits ont changé de nature, la guerre froide souterraine n’est plus. Son histoire n’est pas écrite. Le monde bipolaire s’est transformé, le danger de confrontation majeure en Europe est dans le monde s’est muté en guerres insidieuses et multipolaires. Pourtant les conflits locaux d’aujourd’hui ne sont que la continuation de ceux du XX° siècle qui n’étaient eux-mêmes que le continuum des conflits précédents. Pire encore, l’affrontement est devenu plus culturel que politique, et plonge ses racines dans ce qui est le fond même du monde, sa propension a ne régler ses problèmes que dans le sang et les larmes. 

Le technicien que je suis ne peut que constater les faits. L’occident se doit de défendre ses valeurs, mais comment le pourrait-il s’il n’était conscient de l’importance à les défendre. 

« Le retour sur Varsovie s’effectue sans encombre. Aux abords de la grande ville, la route s’élargit soudainement en grande voie. Puis ce ne sont que perspectives d’avenues tristes et mornes, croisées de rues sans lumière et sans magasins. Tristesse et uniformité, la Pologne semblait s’enfoncer dans une vie où l’espoir s’est enfui ». 

« Dans le quartier de Hohenschönhausen à l’est de Berlin, un vaste bâtiment gris abrite la prison de la Stasi…vaste corridor au sol peint de cette couleur beige jaune indéfinissable, cela respire la propreté et de chaque côté du corridor les cellules se succèdent »… 

Mes souvenirs se mêlent aux réalités d’aujourd’hui. 

Dans les archives de l’ex RDA les plans d’invasion de l’Europe et plus précisément ceux de la prise de Berlin dorment à jamais. La liste des personnalités devant être immédiatement arrêté n’est plus mise à jour. 
Les administrateurs allemands communistes désignés, sont maintenant à la retraite ou hommes d’affaires fortunés. 604 personnes dont 343 officiers futurs gauleiter des quartiers du nouveau Gross Berlin étaient prêts à prendre en main l’administration nouvelle. 

Les hommes qui prévoyaient cela, sont les mêmes qu’aujourd’hui. Tout a changé, rien n’a changé. Combien de fois ai-je dû marcher sur les tombes enfouis des charniers juifs dans ces endroits ignorés? Combien de fois ai-je dû dormir sur les restes d’un cimetière ? Combien de fois ai-je surveillé des voies ferrées qui menaient au camp de la mort ? L’Europe n’est qu’un immense champ de bataille et de cadavres sans sépultures. 

La RDA a disparu parce qu’elle n’était qu’une province d’Allemagne destinée un jour ou l’autre à rejoindre la nation mère. Simple avatar de l’histoire, petite Prusse occupée par le grand libérateur venu de L’Est ou bien « grand frère montrant la voie du socialisme pacificateur et gage de paix pour la jeunesse du monde » La propagande a des mots si étrange que bientôt peu de gens pourront la comprendre. 

La Russie de Poutine n’est pas encore expansionnisme, mais elle prend peu à peu conscience que son rôle ne peut être celui d’un immense géant, gargantua a la tête minuscule, sans réel pouvoir sur la scène du monde. La Russie se réveille, et cela passera par une puissance militaire renouvelée. 

L’Ecole de droit et de formation des cadres de la MFS (SB) à Potsdam au 301 de la Grossbeeren strasse instruisait des gens tout aussi normaux que nous le sommes nous-mêmes afin qu’ils deviennent des serviteurs zélés au service d’un système entièrement perverti et sans moral. Et pourtant ces hommes et ces femmes ont mis en place et ont fait fonctionner un système de surveillance du citoyen aussi efficace qu’inadapté, qui n’a eu aucun effet sur la survie du système totalitaire communiste. Je me méfierais toujours de tous ceux qui ici ou là ont un pouvoir sans contrôle et sans sanction. 
L’Etat « démocratique », voilà encore un terme mensonger, s’est effondré après plus de quarante ans d’existence, parce que plus personne ne croyait aux mensonges officiels et au premier de leurs rangs les cadres du parti chargés de les décliner. La désinformation, la manipulation des consciences a mené à une perception irréelle d’un monde entièrement bâti sur le mensonge. La RDA s’est effondrée grâce à la passivité immense d’un peuple qui tout à coup a déserté, est devenu autiste, enfermé au sein même de son propre territoire dans un huis clos pathétique. 


J’ai pourtant cette espèce de fascination pour ce monde disparu. Ce monde de l’Est entrevu. 


Je n’ai pas oublié 


Extrait de Vostok -Missions de renseignement au cœur de la guerre froide-