Chapeau l’artiste ! Les Français sont-ils des veaux ?
Il y a dans ce mélodrame social que nous vivons un truisme, la France, en dépit de l’évolution du monde, reste la France. On peut le déplorer comme s’en réjouir, la France est bien un pays unique, exceptionnel, incompréhensible pour la plupart de nos partenaires, capable dans ses excès de foutre en l’air une partie de sa croissance et qui serait incapable de résoudre ses problèmes d’adaptation au monde qui bouge.
La France, en effet, n’est pas un pays pragmatique mais un pays sensible, un pays qui réagit non pas en fonction d’une analyse objective des faits mais qui interagit face aux évènements comme une personne qui se ferait submerger par l’affect. C’est pourquoi la France est une contrée étrange dont les citoyens, toutes origines confondues, sont les plus pessimistes au monde (il est vrai, sans tenir compte des pays dans la misère et ceux qui sont en guerre).
De tous les pays riches et développés, la France ne peut, on le sait, avancer sans soubresauts, elle progresse de révolte en révolte, de révolution en révolution, il faut que le socle sur lequel elle s’étend se brise, que le tremblement de terre surgisse après une rupture violente, alors, elle se reconstruit sur les ruines. Nous savons tous que nous allons progressivement vers cette rupture et que nous ne pourrons reconstruire éventuellement qu’après.
C’est à mon sens l’analyse faite par un Hollande, dont on devrait beaucoup plus se méfier que se moquer. Il est intelligent, le bougre, calculateur, beaucoup plus que ce lourdaud de Sarkozy, qui est tombé dans tous les pièges qu’on lui avait tendus. Cette analyse, le président de « tous »les Français, l’a faite depuis longtemps et nous assistons à la première phase de son plan. Laisser pourrir la situation jusqu’au point de rupture, récupérer la mise au dernier instant en se positionnant comme seul recours. Le tempo des évènements s’y prête, bientôt, la France va bouffer foot, penser foot et Martinez, le CGtiste brûleur de pneus et de palettes, le sait bien : les grèves en cette période deviendront vites impopulaires, d’où ses petites avancées de ces derniers jours.
Alors, sur sa montgolfière à la faucille et au marteau, il commence à lâcher du sable, et tente de repérer une aire d’atterrissage sans trop de casse. Il sait bien que toutes les grèves doivent finir un jour, le tout est de savoir comment et dans le cas contraire, s’il persiste dans sa tentative suicidaire de bloquer le pays, il y laissera sa peau et ouvrira un boulevard aux syndicats réformistes comme la CFDT. Le discours se fait donc moins radical puisque le blocage total est impossible, et il le sait bien. Ce fouteur de merde loin d’être suicidaire, cet hidalgo sans noblesse retournera bien vite à ses caisses à sable, nourri par l’argent du contribuable et des « salauds » de patrons. (1)
Cette attitude, d’apparence intransigeante, n’est donc que posture de la part d’une CGT qui n’est pas autant suivie qu’il n’y parait. La loi Khomeri n’est qu’un prétexte pour défendre ses intérêts mercantiles et de pouvoir qu’elle estime menacés par la remise en question de la hiérarchie des normes. Et d’ailleurs, dans les fiefs que sont la RATP, la SNCF, les dockers, le syndicat du livre, le front syndical est loin d’être solide, ça tangue entre non-grévistes et grévistes. Quant aux petits patrons, les PME, ceux qui créent des emplois commencent, et c’est nouveau, à se faire entendre.
C’est ainsi que la caricature d’un monde du travail faisant face au monde des nantis et des fainéants, nourrit peu à peu la conscience collective. Les syndicats le savent et s’en inquiètent. Minoritaires, ils risquent d’en payer le prix.
Le gouvernement joue donc habilement sur cet enlisement voulu. Il donne des signes de fermeté tout en négociant en sous-main. Il démine le terrain en signant des chèques qui devront être assumés par les successeurs. Il faut le dire, Hollande est un artiste, en augmentant les fonctionnaires et singulièrement les profs du publique, (dans le privé les avantages et notamment dans le calcul des retraites ne sont pas automatiquement répercutés) il trouve là le moyen le plus sûr de conserver une partie de son électorat. Car pour lui, tout est désormais dicté par la future élection présidentielle de 2017.
La stratégie est donc finalement plus transparente qu’il n’y parait. D’un côté, agir sur les peurs en ne réprimant que mollement les manifestations, voire en mettant ici ou là de l’huile sur le feu, de l’autre, en agitant le hochet et en promettant des lendemains qui chantent.
Hollande se prépare à un second tour d’une élection présidentielle hors norme, au cours duquel par un retournement dont il a le secret, il effectuera un repositionnement à gauche toute, dans l’espoir que les petits rats suivront le fameux joueur de flûte de Hamelin, dans le célèbre conte de Grimm. (2)
Ainsi, Hollande fera tout pour éliminer la droite au premier tour et favorisera autant que possible la candidature de Sarkozy, qu’il juge comme étant prenable. Alors, face au FN selon lui il sera possible de jouer l’élection de 2002 à l’envers... Chapeau l’artiste ! C’est un trou de souris, un pari risqué, mais cela risque de marcher... Les Français ne sont-ils pas des veaux ?
De Gaulle disait: « Les Français sont comme ça depuis les Gaulois. Hannibal qui recrutait des légions pour battre Rome écrivait à son frère Hasdrubal, qui levait des mercenaires en Espagne et dans les pays voisins: « Ne prends pas trop de Gaulois. Ce sont des ivrognes. Ils sont courageux dans l’action, téméraires au combat, mais vite découragés et jamais contents. » César disait à peu près la même chose. Il ajoutait: « Ils sont palabreurs et n’arrivent à s’unir que face au danger. » Tu vois, concluait-il, deux cents ans avant Jésus-Christ, on définissait assez bien les Français d’aujourd’hui. » conversation avec Philippe de Gaulle.
Le danger est-il suffisant pour que les Français se serrent les coudes ? Rien n’est moins sûr. L’avenir le dira. Dans l’attente, je m’installe au balcon et attend la suite avec sérénité, le pire n’est jamais certain.
Roland Pietrini
(1) A lire le rapport Peruchot : http://www.lepoint.fr/economie/argent-des-syndicats-le-rapport-interdit-16-02-2012-1431943_28.php
(2) La légende de Hamelin :
Alors que la ville de Hamelin était envahie par les rats et que les habitants mouraient de faim, un joueur de flûte vint et se présenta comme un dératiseur. Le maire de Hamelin promit au joueur de flûte une prime de mille écus pour les débarrasser des rats qui infestaient la ville. L'homme prit sa flûte et, par sa musique, attira les rats qui le suivirent jusqu'à la Weser, la rivière qui arrose la ville, où ils se noyèrent. Bien que la ville fût ainsi libérée des rongeurs, les habitants revinrent sur leur promesse et refusèrent de payer le joueur de flûte en le chassant à coup de pierres.
Il quitta le pays, mais revint quelques semaines plus tard. Lors d'une nuit paisible, il joua de nouveau de sa flûte, attirant cette fois les enfants de Hamelin. Cent trente garçons et filles le suivirent hors de la ville jusqu'à une grotte qui se referma derrière eux. Selon certaines versions, le joueur de flûte aurait aussi emmené les enfants de Hamelin à la rivière ou au sommet d'une montagne. Les parents, eux, ne les revirent jamais.
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