Mistral ou l’art de transformer un outil d’importance diplomatique en bâton merdeux !
Alors que les nouvelles les plus alarmistes provenant de Kiev à propos d’une invasion russe imminente, dont certaines sont largement sujettes, sinon à question certainement à caution, il faut se souvenir qu’en matière d’agit-prop, les ukrainiens et les russes sont issus de la même école et les occidentaux ne sont pas non plus exempts d’utiliser manipulation et mensonge ( Irak)
En effet, plus les ficelles sont grosses, plus cela marche, il est donc de bon sens élémentaire en cette période plus que délicate de recommander un minimum de prudence sur les informations provenant des uns et des autres concernant les provinces dissidentes ukrainiennes ralliées à la Russie et l’action militaire. D’ailleurs, qui a eu envie de mourir pour Odessa ou Marioupol ? Qui veut mourir pour Lugansk et Donetsk ? Probablement pas plus l'OTAN qu’un Obama fragilisé. L'Europe ? Pourtant il est probable que l’on continue, jusqu’à ce que la crise débouche sur un affrontement direct avec des conséquences difficiles aujourd’hui à mesurer, à faire semblant de posséder des arguments économiques suffisamment forts, l’option militaire étant exclue, pour faire plier un Poutine accusé de tous les maux et à qui on ne laisse finalement qu’un choix, celui de durcir sa position.
Dans ce contexte particulièrement tendu, un homme, président d’un pays qui fut d’une importance non négligeable, réussit à transformer un outil d’ordre diplomatique en bâton merdeux. Désormais quelle que soit l’option retenue nous serons considérés comme perdants.
En effet, en transformant un contrat d’armement en outil diplomatique, François Hollande s’est pris les pieds dans le tapis. Poutine se frotte les mains, il n’est jamais meilleur que lors d’un affrontement et les Américains par un simple froncement de sourcils ont fait changer d’avis notre Président. - « Nous ne pouvons même plus nous retrancher derrière Bruxelles», regrette une source bien informée. Le contrat des BPC serait en outre «déséquilibré». Très favorable aux Russes, il n'inclurait notamment aucune clause suspensive en cas de violation du droit et des traités internationaux – (Le Figaro Mistral : Hollande au pied du mur). Outre le fait que la livraison ou pas de ces navires ne changera pas la donne stratégique, le piège dans lequel est tombé notre président sensé défendre les intérêts de la France est pitoyable. Comment au plus haut niveau de l’Etat est-il possible de perpétrer une telle erreur ?
Lier la livraison de ces navires en partie déjà payés, dont une partie de la coque est construite en Russie, au règlement de la crise ukrainienne est non seulement imbécile, mais totalement inefficace. Penser un seul instant que Poutine pourrait changer de politique en Ukraine en cédant à cette pression française est pathétique. Cette décision contre-productive qui ne laisse désormais aucune marge de manœuvre m’apparait pitoyable. C’est une stratégie perdante qui donne un coup d’avance à Poutine, qui se délecte déjà au prochain coup qu’il portera. Au jeu d’échec, cela s’appelle le roque ? Cela consiste en un seul coup, de mettre le roi à l'abri tout en centralisant une tour. Poutine est, livraison ou pas des « mistral », à l’abri et Hollande est à quai. Belle manière de se mettre en position d’échec et mat.
Quelle que soit l’issue, rajouter une crise franco-russe qui ne réglera pas la crise ukrainienne à une crise qui prend la forme et le fond d’un affrontement Est-Ouest est d’une maladresse coupable. Elle fera de la France, n’en doutons pas, au pire un pays sans parole, incapable de respecter un contrat avec une nation de premier rang, au mieux un élève un peu fayot de l’Amérique. Quant aux spéculations sur des contrats hypothétiques que l’on pourrait signer en compensation avec la Pologne, je me méfierais, le premier geste de la Pologne lorsqu’elle a rejoint l’Otan a été de choisir le F16 plutôt que le Mirage 2000.
A contrario avions-nous réellement le choix même si la marge de manœuvre était mince? Possible : en restant ferme vis-à-vis de nos alliés en affirmant que la signature de la France ne pouvait être remise en cause et qu’elle respectera son contrat, puis créer les conditions d’un dialogue ferme avec Poutine en se servant de cette affirmation d’indépendance et de crédibilité pour revenir dans le jeu diplomatique en dehors des pressions de l’Otan des Etats-Unis et d’un Europe Merkélisée.
L’ONU penche aujourd’hui sur deux scénarii, l'un «catastrophique», qui consisterait en une alternance d'affrontements très violents et de faible intensité à l’Est et au sud de l’Ukraine et le second, qualifié de «préoccupant», qui verrait le sud-est de l'Ukraine se transformer en un nouveau conflit sur le territoire de l'ex-URSS. Dans cette perspective, la France s’est mise hors-jeu en s’alignant sur les Etats-Unis pour une politique qui n’est pas la nôtre et qui ne peut que nous desservir.
La porte-parole du département d'État, Jen Psaki, a déclaré récemment, «Nos alliés se préparent avec nous à élargir et à approfondir les sanctions existantes.» Notre président, homme d’inexpérience, serait-il sous influence ? Le match de boxe Hollande - Poutine risque de réserver encore quelques surprises, et sur les gradins un certain nombre d’invités se frottent les mains en suçant des glaçons, je ne parierais pas un kopek de l’issue du combat : et vous ?
Roland Pietrini
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