ATHENA-DEFENSE

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Pologne, Europe et élections

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Les Polonais nous ressemblent, ils ont pris tous nos défauts, et quelques-unes de nos plus rares qualités, parmi lesquelles,  je placerais en premier la résistance sous toutes ses formes mais qui peut être un défaut lorsque cette résistance est celle de l’attachement à des orthodoxies dépassées. Ils sont aussi comme nous inventifs et possèdent une forte capacité à la résilience. Quant aux défauts, ils sont nombreux et nous avons le choix en égal partage entre la suffisance, la prétention, l’inconstance, voire la nonchalance et l’attachement à des  acquis d’autant moins légitimes qu’ils sont souvent le résultat des compromissions politiques. Pour ce qui nous concerne, les avantages donnés en gage aux « syndicats rouges » après la libération et qui continuent à perdurer, le syndicat du Livre, communiste et cégétiste qui détient le monopole de l’embauche dans les imprimeries parisiennes et qui est toujours aussi stalinien dans ses actes, les régimes spéciaux et celui des dockers,  en sont des exemples... Pour ce qui concerne la Pologne, il faut constater les liens suspects entre l’église et Solidarnosc et la droite dure traditionnaliste ce qui n’a d’ailleurs, pas empêché certains membres de Solidarnosc, comme certains cadres de l’église polonaise, d’avoir des « compromissions » avec le pouvoir communiste.  

 

Une anecdote me revient en mémoire, j’étais à Gdansk en juin 1987 dans les premiers rangs réservés aux diplomates lors de la visite du pape Jean Paul II. Devant nous, deux jeunes prêtres échangeaient dans l’attente de l’arrivée du pape dans cet immense espace où plus de  1,5 million de polonais patientaient. Nous avons saisi leur conversation (le chef de poste et moi)  par intermittence. Elle n’était pas inintéressante, l’un  des deux s’adressant à l’autre indiqua  « si demain Jaruzelski et le communisme tombent,  nous risquons de perdre notre influence et nos églises vont se vider ». L’autre répondit, « il faut que  le père Jerzy Popiełuszko (1) ne soit pas mort en vain »... A cette époque, l’église jouait un double jeu, d’un côté un clergé tout acquis à Solidarnosc et à la lutte contre le communisme, de l’autre, une part plus réduite d’une hiérarchie catholique craignant que la chute du communisme entraîne l’affaiblissement de l’église. Cette église catholique polonaise, qui n’avait jamais été aussi forte que sous le régime totalitaire communiste, contrairement aux autres pays de l’est où le communisme avait tenté d’éradiquer les églises qui renaitront de leurs cendres encore plus fortes, notamment l’église orthodoxe en Russie,  en Ukraine et en Roumanie. Cette différence fondamentale de la Pologne par rapport aux autres pays de l’est n’était pas la seule. L’agriculture en Pologne ne fut quasiment jamais collectivisée...  

 

Il semble qu’un, retour en arrière se dessine, la lutte  des femmes en ce pays pour maintenir le droit à l’avortement en est un exemple et démontre probablement la collusion à la marge, mais active, d’une église catholique politisée avec une extrême-droite traditionnaliste et populiste forte et renaissante.    

 

Oui, la Pologne ressemble par certains côtés à notre France, compromissions, coups tordus, et corruptions, épuisement du fait politique nous partageons cela.

 

L’attitude plus que réservée de la Pologne  envers l’Europe, son atlantisme renforcée par  sa haine de la Russie et des slaves en général, qui profitent à une politique américaine et otanienne offensive vue de de Moscou sont bien évidemment la conséquence de son histoire plus que compliquée et sanglantes aux limites Est de l’Europe catholique, face à ce monde slave et orthodoxe que tout oppose.

 

Ne pas intégrer cela,  démontre l’incapacité de nos dirigeants  à accepter un trait de caractère constant des polonais,  celui d’une méfiance partagée envers l’Europe et la Russie. 

 

La Pologne et les Polonais n’ont pas encore réglé ce contentieux terrible qui les rend plus que méfiants envers une Allemagne redevenue première puissance européenne et une Russie qui se réarme et montre ses muscles et qui agit en Géorgie, en Ukraine et en Crimée.  

 

Le massacre de Katyn (3) attribué aux nazis par le NKVD, a profondément marqué les esprits,   d’ailleurs, ce n’est qu’en 1990 que la Russie a reconnu que ce massacre avait été ordonné par les responsables soviétiques.  

 

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Ils se souviennent aussi du pacte de non-agression  germano-soviétique signé le 23 août 1939, soit une semaine avant l’invasion de la Pologne par la Wehrmacht, pacte qui contenait une clause secrète prévoyant un partage de la Pologne entre les deux puissances le long de la ligne dite Curzon (du nom du ministre des affaires étrangère britannique lors de la guerre russo-polonaise de 1920) donnant les territoires les plus à l’est de la Pologne à l’URSS.  

 

Le 17 septembre 1939,  l’armée rouge de Staline pénètre en Pologne sans déclarer la guerre (soit 17 jours après l’invasion de la Pologne par les allemands), sous prétexte de protéger les minorités biélorusses et ukrainiennes et défont l’armée polonaise, en faisant 250000 prisonniers dont 10000 officiers... Varsovie se rend aux Allemands le 28 septembre. Ainsi, l’armée polonaise sous-équipée, réduite à quelques unités épuisées, se battra seule sur deux fronts à l’ouest comme à l’est.

 

Les Polonais conservent en leur mémoire le quasi abandon de la Grande-Bretagne et de la France qui tout en ayant déclaré la guerre à l’Allemagne le 3 septembre, restent l’arme au pied sur nos frontières de l’est face à un front allemand ouest totalement dégarni. Une offensive franco-britannique aurait pu, peut-être,  soulager la Pologne en déroute, et changer le cours de la guerre,  elle ne viendra jamais. Que dire de la non-réaction franco-anglaise de l’invasion de la Pologne par les Russes, qui  ne  déclarera pas la guerre à l’URSS qui avait signé, faut-il le rappeler à nouveau,  un pacte avec les allemands ?   

 

Quelques années plus tôt, le capitaine Charles de Gaulle lors de ces deux séjours en Pologne, d'avril 1919 à mai 1920, puis de juin 1920 à la fin du mois de janvier 1921,  avait compris toute la complexité de la question polonaise.

 

Parmi les trente-sept lettres qu'il adressa à ses parents entre le 21 janvier 1919 et le 3 juillet 1920. Il disait que le pays était épuisé par la guerre, (celle de 1919-1920)  un cinquième environ du patrimoine national en biens matériels et en capitaux était détruit. Les Polonais,  eux,  étaient mécontents du traité de Paix : « Le règlement de Versailles a été dicté à la Pologne victorieuse comme à l'Allemagne vaincue » disaient-ils et d’ailleurs, le retrait des troupes allemandes des territoires qu'elles occupaient du golfe de Botnie jusqu'à la mer d'Azov avait créé un vide qui, en l'absence de toute ligne de démarcation entre Russes et Polonais, fournissait les conditions d'un conflit entre les deux peuples. La guerre soviéto-polonaise, de février 1919 à  mars 1921, l'une des conséquences de la première guerre mondiale avait donc laissé des traces en 1939 et remontait au désir  de récupérer les territoires perdus lors des partages de la Pologne, à la fin du XVIIIe siècle.

 

L’oublieuse mémoire des politiques et des intellectuels ne rejoint que rarement la mémoire inscrite dans les gènes des peuples.   

 

Pour Trotski, la Pologne de Pilsudski n'etait que celle de « l’oppression et de la persécution qui se déguise sous des phrases patriotiques et des airs d'héroïsme. A l'Ouest, les alliés, qui s'expriment à travers la Commission des affaires polonaises créée au sein de la Conférence de Paris, souhaitent limiter l'expansion territoriale polonaise à l'Est aux seules régions purement polonaises. Pour Clemenceau, qui parle au nom de la Commission des     affaires polonaises,  le 8 décembre 1919, la frontière orientale de la Pologne doit passer par Grodno, Valovska, Nemurov, Brest-Litovsk et l'est de Przemysl.( référence : Frédéric GUELTON : Directeur d'études au Service historique de l'Armée de Terre (SHAT) "Le capitaine de Gaulle et la Pologne (1919-1921)", article dans Charles de Gaulle, la jeunesse et la guerre 1890-1920 [Colloque], Plon, 2001.

 

La dénonciation anecdotique,  par la Pologne d’un contrat avec la France d’une cinquantaine d’hélicoptères Caracal faisant  suite à l’insistance par celle-ci (et les US) de ne pas vendre les navires Mistral à la Russie, ce qui était une sorte de compensation,  démontre deux aspects de notre faiblesse. Le premier  est la légèreté de notre politiqué étrangère et européenne et singulièrement vers les pays de l’est auxquels nous ne portons qu’un intérêt très limité, en tout cas pas à la hauteur des enjeux. Le second aspect est celui de notre incapacité, mais nous ne sommes pas les seuls en Europe, à faire des choix clairs.

 

Il sera donc nécessaire de repenser en profondeur notre capacité à traiter d’égal à égal avec nos partenaires surtout s’ils sont nos amis...  Cela passe par une reconquête de notre indépendance nationale, en refondant l’Europe, une Europe des nations autour d’un noyau dur. Nous payons l’erreur fondamentale d’avoir élargi l’Europe à 28, (27 sans la Grande-Bretagne) alors qu’à 7,  il était déjà difficile de s’entendre. 

 

Il faudra, alors que la menace semble venir de l’Orient compliqué comme disait de Gaulle, penser que le danger peut venir aussi de l’est, de l’Extrême-Orient et de l’Asie.

 

Il faudra aussi cesser de croire à une paix immuable et éternelle en Europe, après avoir d’une manière imbécile pensé récolter les dividendes de la paix en baissant notre garde.

 

Il serait illusoire de croire aujourd’hui à l’immuabilité de nos frontières. Les répliques dues à l’effondrement de l’URSS et des pays-satellites de l’est ne sont pas encore terminées. Aux  Balkans, la Bulgarie, la Roumanie, la Moldavie, la Slovaquie, la Hongrie, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, le Monténégro, la Macédoine  sont des pays  qui restent fragiles ou en passe de devenir des enjeux.

 

La Mer Noire redevient une  mer stratégique, on l’avait oublié,  elle est bordée par la Turquie, la Géorgie, la Russie, l’Ukraine, la Roumanie, la Bulgarie. Au nord-est, la Mer Baltique devient un autre enjeu majeur avec l’Allemagne, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, la Russie, la Finlande, la Suède et le Danemark.  

 

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Jamais,  depuis la fin de la guerre froide, notre monde n’a été à ce point menacé par un retour des fantômes du passé  mêlés dans une danse macabre à ceux du présent.  Dans cette phase de fragilité, dans cette zone de danger, alors que des élections s’annoncent aux EU, en France et en Europe, nous voyons défiler des hommes et des femmes sans vision, probablement instruits et compétents,  mais sans réelle  capacité à  alerter l’opinion sur l’impérieuse nécessité de reprendre la main sur le cours des évènements,  et sans volonté de donner un cap.

 

Je pense que redonner la main à ceux qui ont prouvé leur incommensurable incompétence, les deux présidents de la République française, un ancien et un autre sur le point de le devenir, soit un choix judicieux. Au premier, on doit le retour aveugle dans l’OTAN, seul espace illusoire de liberté qui nous restait encore avec la destruction de notre outil de défense, parmi d’autres ministères régaliens tous aussi affaiblis, petit homme agité et agitant, sans cesse en mouvement mais toujours immobile,  au second, on doit l’incompétence généralisée, danseur aux petits pas,  penseur étriqué  de niveau déplorable à la dégaine d’un apollon représentant en province de culottes et soutien-gorge.  

 

J’attendrais un peu pour me prononcer sur les autres, la piste aux étoiles est ouverte, Monsieur Loyal a revêtu son costume à paillettes. Les clowns feront leur entrée bientôt, lequel sera le clown blanc, lequel sera l’auguste ?  Lequel ou laquelle, derrière le rire, saura-t-il m’émouvoir, je veux bien jouer le contre-pitre. (2)

 

 

 

  1. Jerzy Popiełuszko (Alfons Popiełuszko) est un prêtre catholique polonais né le 14 septembre 1941 et assassiné le 19 octobre 1984. Aumônier du syndicat Solidarność, il est l'une des figures emblématiques de la lutte contre le régime communiste en Pologne. Il a été béatifié le 6 juin 2010 à Varsovie

  2. Katyn Le massacre de Katyń est l'assassinat, par la police politique de l’Union soviétique (le NKVD), au printemps 1940 dans la forêt de Katyn, village russe proche de Smolensk et de la frontière biélorusse, de plusieurs milliers de Polonais, essentiellement des officiers, mais aussi des étudiants (officiers de réserve), des médecins, des ingénieurs, des enseignants et divers membres des élites polonaises considérées comme hostiles à l’idéologie communiste.

 

L'URSS a nié sa responsabilité dans le massacre dès qu’il fut révélé par les militaires allemands ainsi que durant toute la Guerre froide, et en a rendu l’Allemagne nazie responsable. En 1990, l'URSS a reconnu que ce massacre avait été ordonné par les responsables soviétiques

 

  1.  Le contre-pitre est le second de l'auguste et son contre-pied. « Auguste de l'auguste », c'est un clown gaffeur qui ne comprend rien, oublie tout, et dont les initiatives se terminent en catastrophes, relançant les rires.

 

Roland Pietrini

 

 

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10/10/2016
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