ATHENA-DEFENSE

ATHENA-DEFENSE

Un monde en basculement inéluctable.

 

 

Jusqu’à ce jour, envisager la possibilité d’une confrontation directe entre l’OTAN et la Russie, était considérée comme étant le fait de quelques esprits séniles qui avaient connu la guerre froide et probablement tout autant déçus par le fait qu’elle ne se transforma pas en guerre chaude, en Europe cela s’entend.

 

Mais les mêmes qui considéraient cette hypothèse impossible estiment désormais que la France, protégée par sa force de dissuasion, ne sera jamais directement concernée, ou a minima, en coalition.  En effet,  la France est placée à l’extrémité de l’Eurasie et  profite à l’est d’États tampons, Pologne, Slovaquie, Hongrie, Roumanie en premier rideau, et en second rideau Allemagne, Tchéquie, Autriche et autre menus États idéalement placés en forme d’arc.

 

Une France qui serait directement menacée, sans que ses alliés le soient aussi, semble exclu, s’est oublier un peu vite que la France ne se résume pas à l’Hexagone mais qu’elle est présente dans les deux hémisphères.

 

 

 

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L’Europe

 

 

C’est aussi un peu vite oublier que nous avons des frontières, au sud et à l’ouest, et que ces frontières peuvent être aisément, notamment au sud, menacées par des pays alliés à la Russie qui pourraient nous être hostiles.  

 

Le fait, par exemple, d’évoquer que l’Algérie a un certain tropisme envers la Russie relève du tabou. Or, notre voisin possède depuis 1962 des dirigeants dont la légitimité repose à la fois sur  son hostilité envers son ancien « colonisateur » et sur l’amitié indéfectible envers son modèle, l’URSS.

 

Le 27 février 2023, le secrétaire du Conseil de sécurité russe, Nicholaï Patrouchev, à la tête d’une importante délégation a rencontré le général Saïd Chanegriha, le chef d’état-major des forces algériennes, afin d’évoquer « l’état de la coopération militaire entre les armées des deux pays et les moyens de son renforcement ». La visite de M. Patrouchev « représente, pour nous, l’expression de la ferme et franche volonté qui anime les deux pays pour renforcer davantage le partenariat stratégique et historique qui caractérise leurs relations bilatérales, particulièrement dans le domaine de la coopération militaire », a commenté le général Chanegriha, on ne peut mieux dire.

 

Mais nos dirigeants semblent regarder ailleurs et considérer que l’Algérie par ses liens historiques avec la France doit continuer à profiter d’un traitement particulier, notamment dans le domaine de l’immigration.

 

Cette inconséquence souligne un certain niveau d’incompétence, voire une lâcheté coupable et risque de mettre la sécurité extérieure et intérieure de notre nation en danger. Mais, lorsqu’on ne veut pas voir un problème, dans ce domaine comme dans d’autres, on fait en sorte qu’il n’existe pas dans la formulation.

 

Notre éviction de l’Afrique est la conséquence de cette même attitude, ne pas voir, ne pas dénoncer et subir. On en mesure le résultat et cette attaque par le sud n’est que le début d’une vaste manœuvre de contournement russe et de déstabilisation des démocraties occidentales, la France étant jugée comme étant le point faible.

 

Dans cet ordre d’idée, il n’est pas certain que notre réorganisation militaire résolve le problème de notre influence et de notre efficacité de lutte contre le terrorisme islamiste, car cette problématique ne peut se résoudre sans les pays concernés, à condition qu’il existe des structures étatiques, ce qui est loin d’être le cas pour certains.  Notre aide doit être conditionnelle, or, elle ne l’est pas. Nous sommes passés d’un statut de protecteur à celui de demandeur. On voit le résultat.

 

 

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Mais nos dirigeants semblent regarder ailleurs et restent dans la gesticulation stérile plus que dans la prise d’initiative volontariste. La communication n’est jamais une fin en soi si elle n’est pas liée à l’action.  

 

Nous aurions pu penser que le conflit ukrainien remette en question un certain nombre de certitudes, la paix se défend plus par la nécessité d’affirmer sa volonté que par la passivité coupable. Or, en voulant sauver la paix nous sommes constamment dans la compromission..

 

Cette nouvelle donne, qui aurait dû changer radicalement l’approche à la fois politique et militaire d’une confrontation entre la Russie et l’Occident sur le territoire européen, passée la stupeur de cette attaque que nous aurions dû voir depuis 2012,  se transforme peu à peu en une aide somme toute limitée envers l’Ukraine.  Elle est conditionnée par le fait qu’on lui reconnait le droit à se défendre sur son territoire et de reconquérir les territoires perdus du Donbass, tout en excluant la Crimée.

On lui retire le droit légitime d’attaquer l’agresseur sur le sien, lequel systématiquement détruit le leur en commençant par les infrastructures.

 

Pourtant, la Russie,  qui se considère agressée par un discours inversé de propagande, évoque sans complexe sa volonté d’aller au bout de ses objectifs afin de replacer l’Ukraine dans  le giron russe.

 

Le second discours, loin d’être subliminal, est bien celui de déstabiliser l’Occident partout où cela est possible, celui de construire un contre modèle afin de fédérer une partie du monde anciennement sous influence occidentale sous sa propre influence.  

C’est un but avoué, assumé, cohérent et après tout, les Russes en ont le droit légitime et ont l’intention d’y mettre les moyens, militaires et politiques.

 

Face à cette Russie, nous montrons une volonté de façade sans prendre en compte l’ensemble de la problématique, comme si, une fois encore on pense que cela n’est qu’une crise passagère et que la Russie reviendra dans le cercle des Nations raisonnables, c’est-à-dire qui accepterait nos règles du jeu.

 

Il faut s’y faire, le monde vu de Moscou n’est pas le même que celui vu d’Europe et encore moins que celui vu par les Etats-Unis.  

 

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Nous n’avons pas suffisamment mesuré quels étaient les nouveaux enjeux et les conséquences de ce qui se dessine aujourd’hui.

 

Un nouvel ordre du monde se met en place, que nous le voulions ou pas, et cela ne se fera pas sans la Russie et la Chine, mais sans non plus l’Inde, l’Iran, l’Afrique…  

Nous avons atteint le point de bascule entre le monde du XX° siècle, conséquence directe des deux guerres mondiales qui n’ont rien résolu vers un monde du XXI siècle.

 Nous avons déjà vécu le basculement des décolonisations et d’un monde atlantico-centré vers un monde asiatico-pacifico-centré.

 

Nous allons droit vers un autre basculement, celui de la « maghrébisation » et de « l’africanisation » de l’Europe et celui de la confrontation avec la Russie impériale, le monde orthodoxe et arabo-musulman.  

 

La guerre en Ukraine n’en est que le révélateur.

 

Roland Pietrini  



05/03/2023
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