ATHENA-DEFENSE

Je me méfierais toujours de ceux qui ont le pouvoir de faire appliquer la loi, comme de ceux qui ont le devoir d'appliquer la justice, et pourtant il en faut. Mais sous le régime de Vichy comme sous d'autres régimes, le serment de servir et de faire appliquer le droit n'est pas celui de faire appliquer le Juste. Les Corps régaliens, préfectorale, gendarmerie, police, justice, éducation nationale et armées, furent chargés d'appliquer la légalité des décisions prisent à l'encontre des juifs. Je ne porte aucun jugement, je constate simplement que les hommes qui tenaient le glaive, l'appliquèrent avec plus ou moins de zèle. La rafle du vêl-d'hiv, l'organisation des convois vers les camps de la mort, l'emprisonnement des innocents sont une tache indélébile. Qu'aurais-je fait moi-même si j'avais été dans ces conditions ? J'ai

l'honnêteté de dire que je n'en sais rien.

Alors je suis surpris de certains commentaires qui jugent cette époque avec les yeux, les sensibilités et la faconde d'aujourd'hui.  Je suis pour les mêmes raison contre les repentances diverses et désordonnées qui détruisent peu à peu la conscience d'appartenir à une nation lourde de ses fautes comme de ses générosités. Les historiens sont avant tout des politiques au sens noble du terme, alors que certains débattent sans beaucoup de succès il est vrai sur l'identité nationale, ils ont un rôle essentiel, celui  d'apporter du recul dans le jugement des faits, sans lesquels ils est impossible de comprendre le monde d'aujourd'hui. En 1944 Saint Exupéry écrit  photo de A. Jacquemont

"D'ailleurs mon crime est toujours le même : j'ai prouvé aux États-Unis qu'on pourrait être bon Français, anti-allemand, antinazi et ne pas plébisciter cependant le futur gouvernement de la France par le parti gaulliste. Et, en effet, ce problème-là n'est pas rien. C'est à la France de décider. De l'étranger, on peut servir la France, non la gérer. Le gaullisme devrait être une arme au combat, au service de la France. Mais on les injuriait en leur disant ça. Depuis trois ans, je ne les ai jamais entendus parler que sur le gouvernement de la France. Mais moi, je ne trahirai jamais "sa substance". La France n'est pas Vichy et la France n'est pas Alger et la France est dans les caves. Qu'elle s'offre les hommes d'Alger pour chefs si ça lui plaît. "Mais ils n'ont aucun droit". Je suis d'ailleurs absolument certain qu'elle les plébiscitera. Par haine d'un Vichy malpropre et par ignorance de leur essence. Ça c'est la misère d'un temps où manque toute lumière. On n'évitera pas la terreur. Et cette terreur fusillera au nom d'un Coran informulé. Le pire de tous".

Saint Exupéry ne s'est pas rallié à de Gaulle pas plus qu'il ne fut vichyste, il existait pas lui-même, il n'a pas choisi, il fût simplement un ambassadeur de la France. Je recommande l'excellent article à relire et à méditer de Raymond Aron dans le Monde du 1°octobre 1982. http://www.samuelhuet.com/index.php/kairos/38-nekros/453-stex

Les écrivains ont un avantage sur le commun des mortels, leurs écrits restent, ils marquent de leur sceau le temps qui passe et laissent aux générations futures l'envie de mieux comprendre ses racines. Je pense comme Saint Exupéry, que « ce n'est point dans l'objet que réside les choses, mais dans la démarche » Et cette démarche comme celle de Malraux critiquable sur bien des points, comme celle d'Aron, qui garda toujours un ton modéré,  en dépit de la conscience qu'il avait de  l'aveuglement et de la bienveillance malsaine des intellectuels à l'égard des régimes de Staline, Mao et autres, dont Jean Paul Sartre qui fût son ami,  resta le chantre en dépit des évidences et Camus, que je place au dessus de tous les autres, et tous les moins connus que je ne peux citer tant la liste est longue.

L'ambition de créer un salon du livre différent des autres trouve sa justification dans ce désir de mettre en avant les œuvres sans jugement sur leurs auteurs. ATHENA devra démontrer que cela est possible. 

Roland PIETRINI