A propos de Poutine, Etats-Unis et Europe : les loups ne se mangent pas entre eux.
Hollande entame en ce début de mai 2014 une tournée dans le Caucase, avec l’ Azerbaïdjan, puis l’Arménie et la Géorgie, trois pays aux premières loges de la crise ukrainienne situés sur le flanc sud de son puissant voisin russe. Selon notre Président, "ce n'est pas une visite de combat", sauf que la Géorgie entend rejoindre l'UE mais aussi l'Otan, et que cette perspective suffit à donner un signe fort et provocateur à la Russie de Poutine. L’Elysée en est probablement conscient puisque dans l’entourage de François Hollande, selon Le Point, on estime que "le pire" serait de "polariser" ces pays en les conduisant à choisir entre Moscou et l'UE.
Reste à comprendre l’opportunité d’une telle visite pour un président qui n’a pas démontré jusqu’à présent, à l’exception de l’Afrique, une réelle autorité internationale. Une Afrique où la France a les coudées franches, compte tenu du peu d’intérêt qu’ont les autres pays à se mêler de crise à répétition et à haut risque.
Les Etas-Unis y jouent leur propre partition et regardent amusés ces Français se dépatouiller avec leurs anciennes colonies qui collent à leur passé comme un vieux chewing-gum usé.
Mais revenons à ce qui nous concerne tout autant, l’Ukraine et la Russie.
Qui songerait, un seul instant, que l’Europe et les Etats-Unis seraient prêts à s’engager dans un affrontement armé face à une Russie déterminée, pour défendre quelle idée, celle d’une Ukraine une et indivisible, démocratique et solidaire ? De qui se moque-t-on ?
Dans cette hypothèse peu crédible, n’en doutons pas, nous verrions alors, l’ensemble du peuple russe rassemblé derrière leur chef, Poutine, qui a su avec habilité réveiller un sentiment patriotique fort pour une nation qui s’estimait dans son inconscient profond, humiliée par l’occident, après la chute de l’URSS.
La Biélorussie, l'Ukraine, la Moldavie, la Géorgie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Turkménistan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Kirghizistan, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie représentaient l’ensemble des 15 républiques socialistes soviétiques fédérées au sein de l'URSS.
En 1991, à la chute de l’empire soviétique, les liens économiques et culturels dont l’origine remontait tout autant à l’époque impériale qu’à l’époque soviétique, ne pouvaient pas disparaître totalement sans détruire ce qui restait d’une économie orientée vers le militaro-industriel et inadaptée au monde réel. Tout était à reconstruire.
L’idée d’une Russie préservant son pourtour allait de soi en concevant une communauté forte de ses anciennes républiques entre et avec elle.
Le concept de zone d’influence de « son étranger proche » était né. C’était sans compter sur les enjeux géopolitiques des Etats-Unis qui regardent au-delà de l’horizon à l’orée de 2050 et qui misent sur l’Asie et l’Amérique du sud dans un nouveau partenariat. Mais une Russie forte contrarie ses vues. La politique dite de l’encerclement qui n’a pas changée depuis Kissinger parait donc une réponse adaptée à défaut d’être originale. .
Ainsi, la Russie, dans sa logique, devait se préserver de nouvelles relations d’intérêts avec ses anciennes républiques, à l’exclusion des pays baltes profondément attachés à leur indépendance, en créant la Communauté des États indépendants, la CEI. Les Etats-Unis ont répondu en projetant de déployer des éléments de leur système de défense antimissile en Pologne conformément à l'échéancier établi jusqu’en 2018, (chacun sait que c’est pour répondre à une menace iranienne, qui est dupe ?) en promettant à la Géorgie une entrée dans l’Otan, même si cela ne s’est pas concrétisée et plus récemment, en souhaitant y intégrer l’Ukraine et en se servant de l’Europe comme point de passage obligé.
Du côté russe, la manière la plus radicale, pour rassembler les peuples est celle de matérialiser une menace et de désigner un adversaire. Cette doctrine, vieille comme le monde utilisée sans vergogne, par les deux grands blocs est la seule qui fédère les masses. Et opportunément, cette menace c’est l’OTAN..
Ainsi la constante de la diplomatie russe qui est celle de conserver son influence dans son « étranger proche » depuis la chute de l’URSS est contrecarrée par une politique américaine d’encerclement. Les Etats-Unis considèrent l’Europe faible comme un pis allé « a stupid joke » nécessaire et provisoire, qui pour l'instant sert ses intérêts. Une vieille Europe commode lorsqu’elle est soumise, conglomérat de pays nations à intérêts divergents, où la France, pays fantasque et imprévisible, obéit au diktat de la banque mondiale et de la BCE, de la grande finance et se voit dépecer de son industrie, pied et poings liés.
L’humiliation toute relative des Russes en Géorgie a permis à Poutine, en tirant les leçons tactique et stratégique de sa demi-défaite, de faire un sans faute en Crimée. Son retrait de ses 30000 hommes aux frontières permet de démontrer qu’il a toutes les cartes en main, en tout cas il décide et la communauté internationale suit. La politique de l’Anschluss, sans invasion visible, de la Russie répond à une vision jugée comme étant impérialiste des Etats-Unis.
Du point de vue de la Russie et de Poutine, la ligne rouge a ne pas franchir a été dépassée en Ukraine. L’Ukraine sera fédérale ou ne sera pas. L’Ukraine ne fera pas partie de l’Otan ou ne sera pas. Qu’on se le dise! Et ce n’est pas la menace de sanctions aussi inutiles qu’inefficaces qui feront dévier Poutine de cette politique.
Ainsi, nous aurions été prêts à accueillir une Ukraine à l’agonie économique, pourrie par la corruption jusqu’à l’os, dans notre Europe sans vision et incapable de nous donner espoir. Au profit de qui ? Même pas de sa population favorable qui aurait dû se serrer la ceinture jusqu’à la suffocation afin de répondre aux fameux critères d’adhésion, sans comprendre que ceux qui ont pillé le pays seraient de toutes façons non concernés par la cure d’amaigrissement.
Cette Europe, qui a fermé les yeux sur la naissance de ce nouvel Etat, toute réflexion faite, pas si légitime que cela. Au fanatisme des uns la réponse fut donc le fanatisme des autres. A qui jeter vraiment l’opprobre et la pierre ? Quand le diable est sorti de sa boite, il est difficile de la faire rentrer.
J’accuse le double jeu mené par les Etats-Unis en Europe qui ne sert que ses intérêts primordiaux sans souci de notre avenir et qui met en danger notre destin.
J‘accuse l’Europe sans diplomatie indépendante, incapable de parler d’une seule voix, d’avoir bradé son devenir au nom d’une Europe marchande balkanisée.
J’accuse nos gouvernants français de mensonge et de manipulation et de nous entraîner dans une impasse diplomatique. D’avoir choisi une politique du renoncement, d’avoir choisi une adhésion à une politique otanienne dont on mesure aujourd’hui les dégâts. Pour une fois Hollande paye vraiment le goût immodéré de Sarkozy pour les hamburgers.
Après la chute de l’URSS, il fallait choisir la politique de la main tendue à la Russie, l’intégrer à une politique de collaboration et d’association avec l’Europe, afin de contrebalancer une Amérique trop puissante, dans un monde déséquilibré et bipolaire. Une Amérique, colosse aux pieds d’argile, qui gère avec sa planche à billets une dette colossale mais qui impose la rigueur aux autres après avoir été à l’origine de la crise des subprimes qui a déclenché la crise financière de 2007 à 2011 et que l’on paye en partie aujourd’hui, en dépit du fait que notre dette est structurelle, mais pas seulement.
L’Europe est nue, et la France en Europe est devenue un pays de seconde importance. Le faible à toujours tort ; nous sommes devenus faibles. Nous ne pouvons que constater le retour d’une Russie souveraine et exigeant sa place, toute sa place, au sein d’une communauté internationale étonnée. Les loups ne se mangent pas entre eux.
Roland Pietrini
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