ATHENA-DEFENSE

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Affaire Mahé, audition du général Poncet

Cinq ans après les faits, les lenteurs de la justice laissent  tout le temps pour reconstruire l’histoire, et l’interpréter ou l’arranger, selon sa propre vision des choses et de l’usage que l’on veut en faire. C’est le sentiment que me donne, à la lecture des comptes rendus, l’intervention très attendue  du général Poncet.

"Je n'ai jamais tenu ces propos, monsieur le président». Selon lui, le colonel, de même que l'adjudant-chef Guy Raugel, qui a exécuté l'ordre, ont sans doute souffert d'un "décrochage du sens moral", phénomène bien connu selon lui, des psychiatres militaires, lié au stress de la mission, au désarroi, à l'empathie avec la population...

Et du coup les explications du général paraissent, en effet logique : "Mahé m'intéressait vivant et pas mort !" ."Un mort ne m'arrangeait pas»,  et le général d’indiquer  que son objectif était celui d'obtenir que les Nations Unies désignent des juges internationaux et installe une prison. L'arrestation de Mahé  « un coupeur de route » permettait donc au général,  de mettre  les Nations Unies devant leurs responsabilités de laxisme,  qui faisait que conformément aux accords de Marcoussis les bandits et autres  délinquants soient remises à leur ethnie, ce qui se traduisait  par une libération certaine.

Et pourtant, le colonel Burgaud, de retour à la barre affirme : "Je ne savais pas avoir été commandé par un psychiatre, je pensais avoir été commandé par un chef, je m'aperçois que ce n'est pas le cas", "J'affirme devant vous que le général Poncet ici présent m'a bien donné l'ordre dont j'assume la totale responsabilité de l'avoir transmis, moi, mais pas cet homme-là".

Un dernier témoignage,  celui de l’adjoint du général Poncet à l’époque, le général Renaud de Malaussène ;  Selon lui, le général Poncet était "connu pour ses emportements en opérations extérieures", avec  "un style de commandement très violent, très pousse au crime". Pour lui, il ne fait pas de doute que le colonel Burgaud a "reçu l'impulsion pour que Mahé n'arrive pas vivant".

 

Voilà, ce que l’on peut dire, en l’état, de ce procès en cours, sinon que la justice a un avantage, celle de mettre à jour des réalités qui pour certains d’entre nous prennent des aspects palpables.. Mais au-delà des confrontations entre hommes,   ce qui apparait  c’est la fragilité du commandement lorsque celui-ci est exercé par des hommes, dont l’objectif est plus de se faire valoir, de se servir, avant de servir..

 

Il faut se souvenir des rivalités entre chef  qui ont illustré notre histoire.. Celles de Henri Navarre et de René Cogny, après Dien Bien Phu,  les auditions  de Navarre, Cognies, de Castries qui se déchirent.  Les conclusions qui accablent Cogny.  Mais le rapport final de la commission d’enquête restera secret. 

 

Qui n’a pas connu, certes à des niveaux bien plus modestes, les luttes de pouvoir, les jalousies, le mépris.  L’exercice du commandement est l’occasion de mesurer les limites  de l’âme humaine, car cette histoire, n’en doutons pas s’est déroulée dans un climat exécrable. Le général Henri Poncet (Comanfor)  qui commande l'opération Licorne depuis un an. Le général de Malaussène. Arrive avec des éléments de la 27° brigade alpine. L'enquête montre que "la relation entre le général Poncet et son adjoint le général de Malaussène était empreinte de défiance". "Ainsi, redoutant d'être effacé par un commandement direct du Comanfor, le général de Malaussène avait adressé avant leur départ en Cote d'Ivoire, à ses deux chefs de corps qui devaient commander les deux GTIA, des instructions écrites sous forme de courrier, leur demandant d’assurer son information, nonobstant les ordres que le général Poncet pourrait leur donner directement". Il décrit le commandement du général Poncet comme "totalitaire" ou "oppressif". ¨Propos réitérés à la barre du tribunal, ce 4 décembre.

 

Quant au GTIA2, commandé par le colonel Burgaud. L'enquête y montre l'existence de "difficultés relationnelles patentes". "Le colonel Burgaud ne cachait pas son manque d'estime et de confiance pour son adjoint, le lieutenant-colonel Neviaski, chef du centre opérations". "Le considérant comme incompétent, il le contournait plutôt que de chercher à l'aider et à le guider, alors qu'il s'agissait de sa première mission en opération extérieure, tout en lui faisant subir une pression permanente au point que leurs subordonnés ne craignent que Neviaski craque". "Burgaud commandait donc lui-même la plupart des opérations délicates." 

 


Quant au  peloton commandé par l'adjudant-chef Raugel." Celui-ci fonctionnait "en électron libre, sans rendre systématiquement compte à ses supérieurs, ce qu'avait déploré, semble-t-il, à plusieurs reprises son commandant d'escadron". Ce peloton "bénéficiait du soutien du chef de corps (col. Burgaud) qui confortait l'adjudant-chef Raugel dans son autonomie à l'égard de sa hiérarchie immédiate, le capitaine Le Segretain du Patis et son adjoint le capitaine Ricard". Par ailleurs, le peloton Raugel était en "rivalité" avec la Section de recherches (SR) du 13ème BCA...

 

 

Les cours d’Ethique militaire qui sont  désormais dispensés à Coët. et à Saint Maixent, sont nécessaires, mais il faut avoir  constamment conscience, de la dimension humaine de l’exercice du commandement.. Et probablement faire en sorte de ne confier des responsabilités de chef qu’à ceux qui savent s’en montrer digne.  Ceux qui possèdent une solidité émotionnelle forte. On ne gravit pas les échelons en marchant sur les autres.. 

 

Source: Le Monde -Secret Défense



04/12/2012
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