Armées : et si on changeait de paradigme ?
la conviction que l’immense majorité des Hommes (terme générique incluant les femmes) qui composent l’institution militaire sont remarquables par leur capacité d’adaptation et de résilience.
Déjà, lors de son audition au Parlement mi-octobre 2019 dans le cadre du PLF 2020 concernant les forces armées, le général d'armée François Lecointre, chef d'état-major des armées (CEMA), avait exprimé ses craintes dans le domaine capacitaire et précisé que l'actuel modèle des armées n'était plus suffisant.
Ce constat, après l’éclairage de notre incapacité à réagir de manière efficace à la crise sanitaire que nous subissons, (même si nous ne sommes pas les seuls) se traduit tout de même par le constat qu’en matière de vaccination nous sommes les meilleurs dans le pire, et démontre s’il en était nécessaire, l’urgence à aborder le domaine de la défense aussi de manière différente, avec pragmatisme.
Car la source de nos maux provient essentiellement du même constat, ceux de notre impréparation agrémentée par un discours qui justifie certains choix qui ne sont pas voulus mais subis. Notre résilience à réagir aux crises d’origines diverses qui ne manqueront pas de surgir dans un avenir proche est inversement proportionnelle aux bavardages que nous subissons. L’Etat est faible, réagit sous la contrainte, n’offre aux populations apeurées que des soins palliatifs à défaut de lutter pour réellement soigner le mal en ne prenant pas en compte l’ensemble des paramètres.
Le domaine de la défense n’échappe pas à ce constat.
La fondation Ifrap a fort bien résumé dans un article de novembre 2019, les différences qui pouvaient exister entre le diagnostic, la montée des menaces et la réalité des actes, celles du format et de l’équipement de nos armées, cette fameuse masse critique que nous devons retrouver et qui inclut la nécessité de disposer de stocks stratégiques et d’en accepter les coûts.
Ce nouveau langage, qu’un certain nombre d’entre nous tenait déjà depuis de nombreuses années et pour lequel nous étions souvent considérés avec mépris, est donc désormais officielle. Nous verrons si cela se traduira par des faits.
Or, la Défense, toujours selon l’Ifrap, fait face à ce qu'on appelle la loi d'Augustine, (1) du nom d'un ancien secrétaire de l'US Army des années 1970. Cette loi remet en cause beaucoup de nos choix. Elle est illustrée par le coût exponentiel de l’acquisition des matériels au sens global, incluant la recherche, l’expérimentation, l’industrialisation, la MCO, et nous amène à nous poser la question de la pertinence de notre format.
Il suffit d’évoquer l’extraordinaire facture du nouveau destroyer de l’US Navy le USS Zumwalt entré en service en avril 2020 avec six ans de retard. Ce navire et les deux autres seront facturés 22 milliards de dollars (18 milliards d’euros) soit 3 fois plus que le prix de départ (6 milliards) soit plus cher que le prix certainement sous-estimé mais annoncé de 5 milliards pour le futur successeur du CDG. La série de 32 bâtiments de ce type a été finalement abandonnée.
Le F35 est aussi symptomatique de cette dérive et d’ailleurs l’US air force, confrontée au même problème de la masse critique, songe à commander de nouveaux F16.
Entre 2020 et 2022, le prix d'un F-35B passera de 108 millions à 101,3 millions de dollars alors que le F16 ne coûte que 20 millions de dollars. Autrement dit avec le prix de 1 F35 on peut acquérir 5 F16 du dernier modèle qui suffirait largement à nombre de forces aériennes y compris européennes. L’exemple de la Belgique est remarquable, pour l’acquisition de 34 F35A elle paiera au trésor américain 4 milliards d’euros, pour le même prix, elle aurait pu acquérir, 120 F16 ou 68 Rafale au coût unitaire de 52,8 millions.
Nexter a testé un char Leclerc doté d’un canon de 140mm
En suivant cet exemple, il serait temps aussi de se poser la question de l’opportunité de construire un MGCS (char système censé remplacé le Léopard et le Leclerc) super sophistiqué qui arrivera trop tard et sera construit, s’il voit le jour, compte tenu de son prix, en nombre ridicule. Il arrivera dans nos forces, à un coût prohibitif, bien trop tard, alors qu’un Leclerc rétrofité, en nombre suffisant, équipé d’une canon de 140, accompagné d’un engin blindé chenillé multi capteurs taillé pour le combat de haute intensité suffirait largement.
Même remarque pour le SCAF, qui, selon un rapport sénatorial, devrait être 5 à 8 fois plus cher à développer que le Rafale, du fait de sa complexité technologique. Soit un coût du programme estimé entre 50 et 80 milliards d'euros.
Pourquoi le futur avion de combat européen Scaf coûtera cher, très cher
Or, tous ces projets pharaoniques, sont censés répondre aux menaces, mais lesquelles ? À quel horizon et pour quel type de guerre ? La recherche sur des scénarii, confiée à des auteurs de science-fiction n’est pas pour me rassurer. D’ici là, il est vrai, on parlera chinois ou autres langues plus proches dans une Europe désindustrialisée, qui fabriquera des tee-shirts pour des asiatiques, après tout c’est chacun son tour.
Pour revenir sur des sujets plus actuels et terre à terre si je puis dire, à quoi peut bien servir un char de combat considéré comme l’un des meilleurs du monde, si nous n’en possédons que 200 accompagnés de malheureux VBL ?
À quoi peut bien servir un camion équipé d'un système d'artillerie (CAESAR) si on en possède que 72, 109 en 2030) sans suffisamment de tubes de rechange et surtout sans stock de munitions suffisant ?
Cette liste loin d’être exhaustive pourrait être complétée à l’envi.
420 avions de combat en 2007 mais une cible pour 2030 de 185 avions polyvalents, pour un coût bien supérieur, qui sert pour l’instant à traquer des loqueteux armés de kalachnikov à moto. Je force le trait, cela n’enlève rien à la valeur de nos pilotes et au fait que nous avons besoin de plus de Rafale pour un conflit de haute intensité ou comme lors de leur engagement en Libye et au Levant. Mais pour ce genre de travail, dans la bande sahélo-saharienne un bon turbopropulseur armé de canons et de roquettes ne suffirait-il pas, complété par un nombre suffisant d’hélicoptères ?
Cela ne veut pas dire que l’on aurait dû conserver le format ancien, cela ne veut pas dire que la nécessité économique, qui existe et que l’on ne peut nier, mais qui est mal maitrisée, (cf l’exemple des FREMM) n’existe pas.
Cela veut dire que toutes les options doivent être étudiées en ayant un seul souci, celui de faire face aux réalités de notre devoir de défense.
Or, on ne construit pas un outil de défense pour satisfaire tel ou tel lobby industriel ni en en raison d’impératifs politiques guidés par des choix électoraux mais en fonction des menaces réelles estimées et calibrées.
On ne sacrifie pas la loi du nombre qui réduit le coût unitaire en raison de calculs malthusiens, (par analogie à la catastrophe malthusienne qui désigne un effondrement démographique qui suit une croissance exponentielle de la population).
Prévoir 17 FREMM pour en construire finalement 8 en multipliant quasiment par deux le prix d’une seule en est un exemple, mais n’est pas unique. On pourrait citer l’équipement de notre AAe en Rafale qui dépend de nos exportations, le sous-équipement en moyens d’artillerie, l’oubli scandaleux de notre protection sol-air basse couche et moyenne altitude pour nos forces terrestres, notre retard dans le domaine des drones, notre choix contestable de faire reposer notre corps terrestre sur des blindés uniquement à roue, notre incapacité pour notre reconnaissance de disposer de blindés de reconnaissance amphibie, notre course sans fin à l’alourdissement de nos moyens sans prévoir une logistique suffisante, notre incapacité à acquérir une réelle indépendance dans le domaine de production de munitions de petits calibres, notre niveau inquiétant de stock guerre en missiles et munitions (artillerie, chars)…
L’indécision ou le retard de décision a eu pour conséquence de creuser des manques capacitaires que l’on s’empresse de justifier en indiquant qu’il s’agit d’un choix éclairé alors qu’il ne s’agit que d’une contrainte imposée par une politique de pénurie souvent plus couteuse que nécessaire. Discours désormais rodé dans tous les domaines.
Si le fameux principe de précaution était appliqué dans la défense, alors on changerait radicalement de paradigme, en mettant en avant l’urgence de les combler sans sous-estimer le temps long.
Par exemple, une des leçons les plus évidentes des opérations turques dans le nord de la Syrie et en Libye, de même que durant la guerre du haut Karabakh, est que la protection antiaérienne des forces a largement fait défaut aux Syriens, aux Artsakhiotes et aux Arméniens, de même qu’aux forces du maréchal Haftar. Drones tactiques et munitions rôdeuses ont frappé avec une liberté d’action quasi totale et avec pour effet de sérieusement réduire les capacités contre lesquelles ils étaient engagés. Pour nos forces, c’est clairement un avertissement. Quel enseignement allons-nous en tirer ? Dans l’immédiat probablement aucun. Nous savons depuis fort longtemps que nous avons sacrifié notre protection sol-air pour des raisons faussement budgétaire.
L’excellent article de Laurent Lagneau paru le 1° février 2020 sur OPEX 360 en résume parfaitement la situation. Je cite « Initialement, l’armée de Terre devait compter six « sections » dotées du système SAMP/T [Sol-Air Moyenne Portée / Terrestre encore appelé Mamba, pour Moyen de défense Anti-Missile Balistique et Aérobie] afin d’être en mesure d’assurer la « défense aérienne élargie des forces terrestres projetées ».
« Puis, les plans changèrent, au gré des contraintes budgétaires, avec une réduction à 10 du nombre de SAMP/T devant être mis en service. Et il fut décidé que seule l’armée de l’Air disposerait de cette capacité. Une décision que l’Italie, partenaire de ce programme, se garda de prendre. La décision de retirer du service les missiles ROLAND, les capacités de l’armée de Terre en matière de défense aérienne reposent désormais exclusivement sur le missile sol-air à très courte portée MISTRAL [missile transportable anti-aérien léger]. Ce dernier est mis en œuvre notamment par le 54e Régiment d’Artillerie [RA], dont la mission est d’assurer la défense anti-aérienne basse et très basse altitude des unités engagées en opération [mais aussi par le 35e RAP, le 68e RAA et le 11e RAMa. »
Je rajoute que ce système porté par camion ne répond à aucun critère a minima de mobilité et de protection.
La réponse à cette question est pour le moins surprenante de la part du CEMA : « La question aujourd’hui est de déterminer la vraie menace dans la troisième dimension. Alors que j’étais raisonnablement couvert en très courte portée, moyenne portée et courte portée par une adaptation des procédés de la très courte portée, comment vais-je prendre en compte dans les années qui viennent la menace qui apparaît de plus en plus forte ? Je pense aux technologies ‘nivelantes’ qui se retrouveront très prochainement sur les théâtres où nous sommes déployés, en particulier en Afrique. Nous lançons une réflexion sur ce thème », a conclu le général Lecointre. »
Autrement dit, la solution n’est pas prête de devoir aboutir et nos forces sous prétexte que les drones font désormais partie de la menace, ne saurait faire oublier la nécessaire protection de nos corps de bataille dans le cadre d’un engagement dans un conflit de haute intensité. Nous avons pris l’habitude d’oublier le danger aérien, le réveil risque d’être douloureux.
Par ailleurs, le discours consistant à affirmer qu’avec moins on serait capable de faire mieux en raison de notre supériorité technologique ne tient plus face à la Chine et la Russie, qui s’équipent de matériels nouveaux et pas moins avancés que les nôtres, à la différence près qu’eux, en sont déjà équipés alors que nous, nous les posséderons au mieux qu’en 2040 ou pas du tout. Munitions d’artillerie longue portée et de précision, missiles hypervéloces, munitions rodeuses, satellites tueurs, drones et robots tueurs.
TIANLEI 500, LE NOUVEAU SYSTÈME D’ARMEMENT DE LA CHINE
Il suffit d’évoquer un exemple parmi d’autres, le Tianlei 500, traduisible en français par « tonnerre du ciel 500», est un missile de type air-sol de 500 kg composé de munitions guidées de précision. Cette arme de nouvelle génération permettrait, d’après les reportages diffusés à la télévision chinoise, de transporter six types de sous-munitions et d’attaquer différentes cibles en même temps. Par ailleurs, la Russie sera la première puissance à équiper ses sous-marins de missiles hypersoniques de croisière, quasiment invincibles par leur vitesse (Mach 20), et leur aptitude à changer de cap et d’altitude.
Nous risquons là aussi de perdre la bataille de l’innovation qui semble être l’alpha et l’oméga de notre volonté d’exister, mais qui est néanmoins mise en doute par un étude du Sénat intitulée : « Innovation de défense : effets de mode ». Je cite « l'innovation se trouve donc au centre des préoccupations du pouvoir politique, des autorités militaires, des industriels de l'armement et des startups civiles. Elle innerve tout l'écosystème de défense et cherche à s'étendre au-delà. La volonté politique affichée est-elle pour autant garante de succès ? Cela semble peu probable tant les plans de soutien en faveur de l'innovation se succèdent dans notre pays, rendant les dispositifs instables, peu lisibles, et sans doute moins efficients qu'espérés » et plus loin, « la globalisation et la facilité d'accès aux nouvelles technologies, y compris civiles détournées en un usage militaire, ont profondément modifié les champs d'opérations militaires. Les exemples les plus connus en sont l'utilisation des drones dans le Donbass, et l'appropriation de ces engins par Daech. La capacité des acteurs non-étatiques à utiliser des innovations civiles sur les terrains de confrontation s'affirme depuis la guerre en Afghanistan et a pu donner une supériorité technologique, temporaire, à nos ennemis sur les théâtres extérieurs. »
Or si l’innovation est nécessaire le nombre est aussi une arme, d’autres pays et non des moindres, considèrent que l’effet de masse est un élément décisif d’un rapport de force. Les Etats-Unis sont en train de perdre cette bataille face la Chine.
La Russie, quant à elle, maintient un juste équilibre entre masse et sophistication et reste en cette matière, qu’on le veuille ou non, un exemple.
Cette ignorance feinte ou réelle, des capacités offensives de certains pays, je l’ai constaté à de nombreuses reprises, elle est consubstantielle de la culture militaire française et de l’état d’esprit de nos états-majors, qui préfèrent nier l’évidence pour justifier certains choix. (C’est un réflexe culturel bien français de nier l’évidence, cela nous a valu au cours de l’histoire bien des déboires. (1870, 1914, 1940, Indochine…) Combien de temps avons-nous attendu pour répandre les mitrailleuses dans l’infanterie, le dégivrage sur nos chasseurs Dewoitine, la radio sur nos chars, la tenue camouflée ? Les exemples font florès.
La procrastination devrait être inscrite au fronton de nos ministères.
C’est ainsi que dans les exercices virtuels nous faisons bonne figure avec des moyens que nous ne possédons quasiment pas face à un ennemi toujours fortement dégradé et modélisé selon des critères parfaitement inactuels. Cela permet toujours de sortir vainqueur et de justifier des choix tactiques dictés plus par notre impuissance que par les réalités. Nous avons perdu la guerre de 1870 parce que notre armée avait au cours des guerres coloniales oubliée de se préparer pour une guerre en Europe face à un ennemi autrement plus organisé et armé que les peuplades auxquelles nous faisions face. La débâcle de Sedan et l’humiliation qui s’en est suivie reste dans les mémoires de ceux qui ont de la mémoire. Ce scenario a failli se répéter en 1914, il se renouvèlera avec une autre cuisante défaite en 1940. Pourtant nous étions prêts, plus que prêts. L’histoire jugera.
Le silence est souvent la seule et unique réponse.
Je ne me fais aucune illusion, cet écrit, sorte de lancement d’alerte, ne changera rien, mon influence est lilliputienne, d’ailleurs, les sachants qui daigneront me lire mépriseront mon discours, je ne fais pas partie de leur cercle.
Il est vrai qu’ils ont parfois tout intérêt à se taire, afin de conserver leurs postes de conseillers plus que confortables chez les grands industriels, à moins qu’ils attendent la énième distinction. Mais leurs discours changent parfois en aparté et leur manque de courage me sidère parfois.
L’honnêteté cependant m’impose de contrebalancer mon propos et je le fais volontiers.
Nous conservons encore des capacités résiduelles importantes, (Porte-avions nucléaire, Rafale, Frégates, système scorpion s’il parvient à son terme, drones, renseignement satellitaire, cyberdéfense en devenir), mais j’ai surtout la conviction que l’immense majorité des Hommes (terme générique incluant les femmes) qui composent l’institution militaire sont remarquables par leur capacité d’adaptation et de résilience.
Toutes les institutions régaliennes de notre nation se sont effondrées les unes après les autres, police, justice, éducation nationale, système social et de santé. C’est un fait. Mais, il reste encore une institution, qui en dépit des énormes difficultés, tient encore, c’est l’institution militaire.
La diminution drastique des budgets qui a amené celle des effectifs et de son organisation et qui a diminué ses capacités n’a pas entamé ce qui fait la force de nos armées, la compétence et le courage des Hommes. Ceux-ci sont une fierté, j’utilise volontiers le mot employé récemment par le président Macron.
J’y associe l’ensemble de la hiérarchie du petit gradé, aux cadre de contact jusqu’aux généraux de terrain. Généraux, souvent jeunes et compétents, cela est indéniable, qui savent porter un treillis et une arme et qui ont une haute exigence sur la valeur de leur commandement, mais qui au fur et à mesure de leur progression sont contraints de composer avec le politique et de tenir un discours consensuel en utilisant la langue de bois.
Au fond, ils savent que, dans un conflit de haute intensité et dans une coalition dirigée par nos « amis » américains, nous ne serions que des supplétifs contraints à se plier à leur décision. Nous ne pourrions pas aujourd’hui nous offrir le luxe de dire non aux américains dans le cadre d’un engagement comparable à celui de la seconde guerre d’Irak. Nous avons dissous notre souveraineté dans une pseudo Europe elle-même asservie à l’Otan, alors que nous sommes membre du conseil de sécurité et que nous disposons en toute indépendance de la dissuasion nucléaire. Il y a quelque part une dichotomie entre ce que nous pourrions être et ce que nous sommes et j’aurai tendance à penser qu’il s’agit là d’une incompétence de nos politiques qui, sans vision, sans courage, sans sagacité réelle pour ne pas dire plus, ont bradé, par une vision mondialiste, européaniste, partisane et sectaire, ce qui restait de notre souveraineté à des organismes supranationaux non élus le pouvoir de nous engager.
Il faudrait un réel courage pour reconquérir une part de notre souveraineté.
Alors si on changeait de paradigme, si par un miracle hasardeux, "ne placet deu" (3), je me retrouvais dans la position de décideur ce qui en tout état de cause ne risquera à aucun moment d’arriver, je proposerai de revoir radicalement notre politique de dépendance à l’OTAN et à la communauté européenne.
Le traité de Lisbonne baptisé « Politique européenne de sécurité et de défense commune (PSDC) », traité censé renforcer la défense européenne, en appliquant la règle de l’unanimité, (art. 24 TUE), n’affecte pas le caractère spécifique des politiques de défense des États membres en respectant leurs obligations à l’égard de l’OTAN. Ce qui fait que la plupart des pays européens continuent à acheter américain en raison de leur soumission aux standard OTAN, cas de l’Allemagne avec ses F18, de la Pologne avec ses F16 et du F35 pour le Danemark, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique et pour mémoire le Royaume-Uni.
Or, dans le cadre de cet PSDC, la logique serait d’imposer une obligation de préférence européenne pour tous les matériels majeurs, frégates, chars de combat, véhicules de combat d’infanterie, missiles et artillerie. Ce n’est pas le cas. Construire une Europe de la défense en se soumettant à l’Otan est totalement schizophrène.
La France est l’un des pays fondateurs en 1949 de l'Alliance atlantique. Or l'OTAN au-delà des frontières de ses états membres s'est auto-assigné un nouveau rôle de maintien de la paix dans le monde, avec les résultats que l’on connait. Ce n’était pas l’objectif premier de l’OTAN qui avait un rôle uniquement défensif.
D’ailleurs, la France, (à l’époque on parlait de France et pas encore uniquement de République) par la voix du président Chirac s’était opposée à l'élargissement de l'Alliance souhaitée par les États-Unis à des pays qui n'appartiennent pas à l'Europe. En effet, au sommet de Riga en 2006, Jacques Chirac bloque toute avancée dans ce sens : « dans certains cas, l'OTAN associe certains pays à sa contribution pour des opérations militaires, d'un commun accord. C'est ce qui se passe en Afghanistan. Mais il n'a jamais été question d'étendre l'OTAN à l'Asie, pas plus qu'ailleurs. (...) l'OTAN ne peut fonctionner convenablement qu'en tant que structure militaire de défense entre les États-Unis, le Canada et l'Europe. »
Aujourd’hui nous avons définitivement perdu cette capacité (depuis 2007) à parler haut et fort, à moins que nous ressortions à nouveau du commandement intégré, dont le terme veut bien dire ce qu’il veut dire.
De mon point de vue, cette intégration est incompatible avec notre indépendance stratégique et nucléaire. Oui à une coopération, non à une soumission.
Je proposerai aussi de revoir totalement nos priorités en fixant un plan court sur dix ans, pour la reconstruction d’une armée (Terrre -Air et Espace –Marine) construite selon un modèle incluant muscle et souplesse. Je proposerai aussi la reconstruction d’une défense opérationnelle du territoire basée sur une forme de conscription. J’y reviendrai.
La crise du Covid a révélé l’état de notre nation et de cet état profond qui bride les initiatives et ralentit fortement notre capacité à la réaction.
Nous sommes tous responsables, mais le sursaut viendra comme toujours lorsque nous aurons atteint le fond. Peut-être, l’atteindrons-nous bientôt, c’est paradoxalement la seule note d’espoir que je puis exprimer.
Roland Pietrini
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