ATHENA-DEFENSE

ATHENA-DEFENSE

Défense et élection présidentielle, constats et interrogations.

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La capacité de tous nos candidats à l’élection présidentielle, quelle que soit leur appartenance politique à parler des problématiques de sécurité et de de défense, est inversement proportionnelle à la taille de leurs ambitions.

 

Il n’est pas complétement exclu de supposer que ceux qui sont destinés à jouer en première division n’évoqueront que de manière succincte ce sujet, tant il est considéré totalement inaccessible au bon peuple, lequel, comme le disait Louis XVI, à la lecture du verdict funeste, « Ô mon peuple, Que vous ai-je donc fait ? J’aimais la vertu, la justice. Votre bonheur fut mon unique objet, et vous me traînez au supplice ! »

 

Ce bon peuple qui se révèlerait en toute circonstance d’une si grande ingratitude, vaut-il la peine qu’on lui explique un tant soit peu les menaces dont il serait l’objet ?  À moins que, et l’hypothèse ne peut être totalement exclue, ces candidats ne se considèrent comme incompétents dans le vaste domaine de la sécurité extérieure et intérieure de notre nation.  

 

Ces postulants[RP1], qui revendiquent les plus hautes fonctions, qui constitutionnellement seront chefs des armées et de la diplomatie et possédant l’ultime et effrayant privilège de déclencher le feu nucléaire devraient se souvenir que ce n’est pas en cachant au « bon peuple » la nécessité impérieuse de contrecarrer les menaces qu’ils se grandissent ! Il est vrai que pour la plupart en substituant le mot République à celui de Nation, cela leur évite aussi de parler de la France. 

 

Ainsi, ceux qui se réfèrent à la vertu et à la justice, qui souhaitent le bonheur des gens, que n’ont -ils l’ambition de parler de leur sécurité collective et de leur défense face aux dangers extérieurs qui les menacent ?

 

En réalité, un seul, par le fait de sa fonction actuelle se démarque, le Président Macron, qui a eu cette volonté astucieusement perfide de reporter l’essentiel de l’effort de la énième LPM après avril 2022, c’est-à-dire après l’élection présidentielle.  

 

Aurait-il la certitude d’être réélu afin de parfaire sa volonté d’aller au bout de son projet de rénovation et de modernisation ?

 

Cette LPM 2019 – 2025 pour un montant de 295 milliards d’euros sur 7 ans, devra donc profiter d’une augmentation de 6 milliards sur les deux dernière anuités ?  Mais dans l’hypothèse où il ne serait pas réélu, que feraient les autres candidats ?

  

Nous verrons s’il assume les renoncements d’ores et déjà identifiés et l’incertitude des programmes dits européens de défense, avec essentiellement notre partenaire allemand qui est probablement le moins fiable.  Le doute persiste sur les programmes  SCAF et MGCS reportés aux calendes grecques, c’est-à-dire après 2040, si on reste optimiste et qui, selon toute probabilité,  ne correspond ni à l’urgence ni aux enveloppes budgétaires projetées.

 

Pire encore, une dérive et report de certains programmes sont en cours, mais qui parmi le bon peuple sait que 14 Rafales interdits de vol servent de réservoir de pièces pour maintenir les 50% restant en état de voler ?

 

Nous pouvons donc nous réjouir de vendre des « Rafale » d’occasion pris sur le stock de l’armée de l’air de l’espace, il n’en demeure pas moins qu’il faut croiser les doigts pour qu’un conflit majeur ne se déclenche avant 2025[RP2] , ce qui relativise le tout nouvel intérêt à se soucier de l’adaptation de nos Armées aux conflits de haute intensité dans lesquels nous pourrions être entrainés par le biais de nos accords croisés de défense ou de notre appartenance à l’OTAN. (Autre sujet à débattre).

 

Ainsi, pour ne citer qu’un seul exemple, le parc de Rafale de l’AAE passera de 143 en 2019 à 159 en 2025 au lieu de 171.

Ce tableau des écarts entre le parc début 2019, le parc prévu fin 2025 et le parc actualisé ne reflète qu’une partie de la réalité. Dans le détail, la situation est plus inquiétante et sur le long terme tout autant alarmante.   Ce tableau ci-dessous montre déjà l’écart entre les prévisions et les ambitions.

 

 

 

Les écarts entre l'actualisation 2021 et la cible du parc fixée par la LPM à la fin 2025

 

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 Source Assemblée nationale et Sénat

 

Frégates, drones, Griffon, Tigre, VBL, VLFS, PLFS, mais aussi déficit en munitions petits calibres, gros calibres, missiles AA-AS-SS…, et en sous-équipements dont on ne parle pas en artillerie sol-sol et surtout sol-air, en engins blindés d’accompagnement, en engins blindés du génie, la liste est longue…

 

L'équation complexe de la disponibilité opérationnelle d'un parc de Rafale réduit de 9 % ne trouve pas de réponse à ce stade, selon les termes du chef d'état-major des armées, sauf à améliorer l'activité du parc existant et prolonger la durée de vie des Mirage 2000C[RP3]  au prix d'un surcoût en EPM et MCO.

 

Il faut donc reconnaitre l’effort qui fut celui de cette mandature afin de stopper la destruction de notre outil de défense qui fut constant depuis 1994. Mais l’arbre ne peut cacher la forêt.

 

Si l’on remonte plus loin, depuis 1960 sur les objectifs budgétaires des treize LPM [RP4] votées, le bilan est symptomatique de notre manque de constance et de volonté.  
En effet, dans trois cas, il y a eu sur-exécution de la programmation militaire, dans quatre cas, les ressources effectivement disponibles n'ont pas pu garantir le financement au niveau prévu, créant ainsi une « bosse » des reports de crédits de paiement.

 

Par cinq fois, la LPM, ­ qui a normalement une durée d'application de quatre à six ans, ­ a été abrogée. Alors que les trois premières abrogations étaient dues à un niveau de crédits en LRB notablement inférieur à la programmation pluriannuelle, les LPM de 2009-2014 et de 2014-2019 ont été abrogées. La mission principale des LPM, qui est celle d'anticiper et d'assurer une défense crédible, a donc rarement été remplie.

 

Ce fait n’est pas contestable et a entrainé le déclassement progressif de nos Armées qui sont devenues des Armées à « hauteur d’homme », ce qui veut aussi dire, sans trop forcer le trait, sans grande perspective, moins on est haut moins on voit loin.  Sans muscles, presqu’à l’os, nos Armées valent fort heureusement par la valeur de nos hommes et par leur expérience mais elles manquent singulièrement de résilience. 
Nos stocks de munitions et de missiles sont au plus bas, notre service de santé démantelé, nous sommes une armé de témoignage.

 

Quitte à se répéter, la seule loi de programmation qui a été respectée, (jusqu’en 2022), est à mettre au crédit d’Emmanuel Macron, à un hiatus près, qui n’est pas négligeable, celui de savoir si cet effort continuera après les élections de 2022, d’autant plus que les annuités les plus importantes seraient celles de 2023 et de 2024 ! 41 milliards en 2022 pour 2023 et 44 milliards pour 2024 sur les 295 milliards d'euros prévus sur 7 ans !

 

Cela n’aura échappé à personne, nous n’avons aucune garantie sur la continuité de l’effort. Les budgets 2023 et 2024 seront votés par une autre assemblée, quant à l’identité du futur président, permettez de poser cette question fort judicieuse. Qui sera-t-il ?
Aucune élection n’est jouée d’avance et surtout aucun candidat à ce jour ne s’est prononcé sur cet effort.  Quant au président actuel, dans l’hypothèse où il se succéderait à lui-même, rien n’indique qu’il sera suivi par une assemblée nationale nouvellement élue et rien n’indique qu’il ne changera pas de politique.  

 

Il est donc parfaitement légitime de s’interroger sur l’avenir de cette LPM et sur la sincérité des discours.  

 

 

crédits de paiement loi de programmation 2019-2025.JPG
Source assemblée nationale (Loi de programmation militaire 2019-2025 — Wikipédia (wikipedia.org)
 
Plusieurs article, rédigés par Fabrice Wolf, [RP5]  parus sur son blog Meta- défense, décrivent les forces et faiblesses de nos trois armées [RP6] et de notre industrie de défense.  Ces articles très complets rejoignent parfaitement les préoccupations de ceux qui prennent le temps de dépasser l’apparence trompeuse des simples chiffres.
Nos Armées possèdent en dépit de leurs moyens limités un savoir-faire indéniable, mais ce savoir-faire et être, s’il est unique en Europe de l’Ouest, n’en est pas moins marqué par une expérience forgée sur des théâtres d’opérations extérieurs dont la caractéristique depuis les années 90 est celle de la lutte contre des groupes armés terroristes. Certes, ces conflits ont aguerri les hommes face une certaine forme de combat mais les a éloignés de la réalité des conflits de haute intensité. Je ne peux m’empêcher d’évoquer une de nos défaites forcément glorieuse.  

 

Souvenons-nous de la débâcle de Sedan en 1870, où la meilleure armée du moment - en Afrique-, s’est vue infliger la pire des défaites.

 

Le maréchal Le Bœuf, ministre de la Guerre, à qui on attribue cette formule « pas un bouton de guêtre ne manque au fourniment du soldat » reflétait bien l’état d’esprit de nombre d’hommes politiques, de la presse de l’époque.

 

L’armée française, fière de ses victoires en Algérie, Crimée et Italie, qui passe, au milieu du siècle, pour la meilleure d’Europe, avait simplement oublié d’évoluer. L’empereur, qui souffrait de la « maladie de la pierre »[RP7] ,  ne partageait pas cet optimisme, se méfiait très justement de la puissance de l’armée allemande.

 

Bref, l’armée française se reposant sur ses lauriers est sous-équipée, elle est enfermée dans ses certitudes, elle n’a pas fait évoluer, par exemple, son artillerie et les Prussiens ont su tirer tous les enseignement de la guerre contre l’Autriche… Ils avaient su s’adapter à une guerre de haute intensité de l’époque, pas nous !

 

C’est pourquoi, aujourd’hui nous devons totalement changer de paradigme et nous préparer à d’autres combats.  Nos chefs militaires l’ont compris, mais ils sont soumis légitimement aux politiques, la démocratie est à ce prix.

 

Combattre avec une maitrise du ciel incontestable, face à une ennemi qui refuse tout combat frontal, en des conflits asymétriques, génère un faux sentiment de supériorité qui serait vite tempéré par la réalité d’un conflit où l’ennemi utiliserait l’ensemble de ses moyens.

 

Par ailleurs, la richesses du vocabulaire pour désigner les conflits modernes traduit en réalité cette incapacité à en définir les complexités. Or, la menace de l’intégrité d’une nation ne peut plus être définie uniquement par la confrontation entre deux nations ou groupes de nations.

 

« Le concept de guerre hybride [RP8] est apparu au milieu des années 2000 pour décrire la stratégie employée par le Hezbollah lors de la guerre du Liban de 2006. Bien qu’il n’existe pas à ce jour, ni au sein de l’OTAN, ni dans la doctrine française, de définition convenue des termes relatifs à la guerre hybride, on comprend généralement ce type d’engagement comme étant un conflit mêlant l’emploi de modes d’action conventionnels et non conventionnels, d’adversaires réguliers et irréguliers, et d’affrontements étendus aux champs immatériels (cyber, opérations d’influence, de désinformation et de subversion) »

 

Ce type de guerre, qui semble aujourd’hui la plus probable, demande une remise en cause en profondeur de nos concepts.

 

Or, il semble que nous ne soyons pas encore en mesure de le faire tant les résistances sont profondes et les normes auxquelles nous sommes soumis, en raison de nos alliances, sont paralysantes.

 

C’est pourquoi, il sera plus que nécessaire d’interroger les candidats à la future élection présidentielle pour évaluer leur capacité en tant que futurs chefs des armées à se confronter aux réalités des guerres futures, qui ont pour principales caractéristiques d’être déjà celles d’aujourd’hui.
Un chantier indispensable nous attend. Demain, sera-t-il trop tard ?
 
Roland Pietrini
Athéna défense
 
 
 

 


 [RP1]Terme générique qui inclue les postulantes faut-il le préciser ?

 [RP2]Dans ces conflits possibles, nous pouvons souligner quelques zones de tension… Algérie- Maroc, Russie Ukraine, Russie-Pays Baltes, Méditerranée orientale, Moyen-Orient, Inde- Chine, Chine-Taïwan, haut Karabakh, la liste est ouverte…  

 [RP3]En 2017 Général André Lanata, chef d'état-major de l'armée de l'air, déclarait : je pense qu'il ne faut pas réduire davantage le format dont nous disposons aujourd'hui. Dans le précédent Livre blanc le format de l'aviation de chasse avait été arrêté à 225 avions de chasse, dont une quarantaine réservée à la marine et 185 pour l'armée de l'air. Cet objectif devait être atteint après le retrait de service des Mirage 2000N et des Mirage 2000C donc à l'horizon 2021. Je demande de porter ce format de 185 appareils réservés à l'armée de l'air à 215 avions de chasse.

  •  [RP4]A lire l’excellent article les budgets de défense en France : une difficulté chronique du respect des lois de programmation militaire ?

 De Friederike Richter. Les budgets de défense en France : une difficulté chronique du respect des lois de programmation militaire ? | Cairn.info

 

 [RP5]Rédacteur en chef de Meta défense, ancien pilote de l’aéronavale, consultant dans le domaine de la défense. Meta-Defense.fr – Plus que l'actualité Défense

 [RP7]Maladie de la vessie

 [RP8]Par le colonel Clée, chef du pôle études et prospective du CDEC retourdelahauteintensite.pdf (penseemiliterre.fr)



11/12/2021
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