Etat de violence et violence d’Etat
Etat de violence et violence d’Etat
Les derniers évènements qui secouent notre Pays démontrent, s’il en était besoin, que certains de nos représentants n’hésitent pas à manier, sans grande précaution, des éléments de langage empreints d’un mépris certain envers ses opposants. C’est donc promis, je n’emploierais pas dans ce billet certains mots et expressions de notre riche langue afin de pas suivre cette tendance.
Ainsi, je bannirais de mon vocabulaire les mots radicalisation, haine, mais aussi, terroristes, liberticides, antidémocratiques, casseurs, fachos, voire talibans, employés par le gouvernement et ses ministres, à propos des gilets jaunes, mais aussi par le Président de la République qui, lors de ses vœux, a prononcé cette phrase : "Que certains prennent pour prétexte de parler au nom du peuple (...) et n'étant en fait que les porte-voix d'une foule haineuse, s'en prennent aux élus, aux forces de l'ordre, aux journalistes, aux juifs, aux étrangers, aux homosexuels, c'est tout simplement la négation de la France", amplifiant ainsi un discours réducteur et caricatural pour désigner les hommes et les femmes de ce mouvement qui partit de rien et sans parti, fera que désormais ce rien risque de former un différent de tout. Car, l’oligarchie après avoir tenté vainement de dénaturer cet élan démocratique et contre lequel il fourbit ses armes, ne peut que le haïr puisqu’il représente tout ce qu’ils ne sont pas. Au fond, même si ce mouvement a des aspects contestables, comment cela pourrait-il en être autrement, replace l’humain au centre du débat. Cela fait des décennies que cet humain est réduit à la portion congrue des décisions prises et des orientations proposées, en raison des soi-disant impératifs économiques et financiers. Ce peuple bafoué, à qui on conteste y compris le qualificatif de peuple, méprisé par une partie des élites et moqué par ceux qui sont censés détenir la vérité en toute chose, ceux-là même qui ont été incapables de sortir la France du chômage endémique, de la paupérisation et du déclassement, osent encore donner des leçons, alors qu’ils ont tout raté.
Oui, leur légitimité est en cause, car le système démocratique qui est le nôtre n’est plus représentatif, ils le savent et paniquent. Alors, sous couvert de faire régner l’ordre dit « républicain » qu’ils sont incapables de faire respecter dans nos banlieues, ils utilisent la police et la justice de manière discriminatoire.
A titre personnel, j’ai lutté contre les totalitarismes de l’est bien avant la chute du mur de Berlin, et je m’aperçois que je suis désormais contraint d’employer un langage qui ne fut jamais le mien, contre lequel j’ai toujours lutté. Il faut donc que ma colère soit profonde et grande pour me surprendre ainsi.
Les dernières arrestations, que je considère comme dépassant la cadre de la loi, les violences policières qu’il faut dénoncer toute autant que celles des casseurs, ne peuvent se justifier dans un état de droit. La violence d’état, la seule légitime, ne saurait se légitimer pour la seule et unique raison de servir le pouvoir en place, tout semble en démontrer la funeste liaison.
En réponse, dès le 17 novembre, à la crise profonde qui secoue notre pays, la seule réponse fut celle de tenter de radicaliser le mouvement des Gilets Jaunes, en laissant les casseurs casser, puis en essayant de créer l’amalgame dans l’opinion publique entre violence et GJ et en les accusant d’être récupérés en premier lieu par l’extrême droite. Or, ces tentatives ont toutes échouées, l’opinion publique est raisonnable, elle sait faire la différence entre la vérité et le mensonge et les réseaux sociaux, que l’on voudrait museler, remplissent leur rôle de faiseurs d’opinion. Les médias ont perdu la bataille de l’information, BFM et les autres chaines, dites d’information en continue, n’arriveront plus à manipuler l’opinion par leurs seules images tronquées. L’opinion désormais se fait ailleurs et cette prise de pouvoir par les non-institutionnelles représente pour eux un réel danger.
Les mises en scène outrancières de la part d’un ministre de l’intérieur provocateur n’y feront rien. Ils veulent reprendre la main, mais ils ne se rendent pas compte que tout ne sera qu’illusion. Faire taire ce mouvement en le muselant ne fera pas disparaitre la colère. Elle se traduira , soit dans les urnes, soit dans la rue. La responsabilité des gouvernants est totalement engagée, mais qu’ils s’en persuadent, rien ne sera plus comme avant.
Ce Président qui n’a pas su se faire aimer par le peuple et qui a cumulé depuis un an toutes les maladresses, les erreurs et les provocations, est isolé et n’existe que parce qu’une cour l’entoure et le croit César alors qu’il n’est que « pompé ». Cette allusion à ce qui est arrivé à Felix Faure ne saurait lui échoir, mourir pour avoir trop « sacrifié à Vénus » après tout n’est pas si immoral, et je ne fais de comparaison. Elle traduit cependant une réalité crue, celle de son immense fatigue, il devrait se ménager, car d’illusion en désillusion, Lui qui se croyait si fort, Lui, ce premier de la classe dont la grande intelligence est indéniablement complexe, devra apprendre l’échec et la remise en cause. Lui qui a cru que ceux qui l’avaient élu, croyaient en son programme, alors qu’il n’est qu’un élu par défaut, par rejet de l’autre candidate, comment n’a-t-il pu ne pas le comprendre ? Se serait-il menti à Lui-même ?
Dans cinq ans, si le quinquennat va à son terme, il y a fort à parier que le scénario sera différent. Car les « alliances dites républicaines » contre le Rassemblement National, que l’on accusera certes une nouvelle fois d’irresponsabilité et de dérives fascistes, mais qui pose depuis des années les vrais problèmes de notre société, risque cette fois-ci de ne plus prendre. Car partout en Europe et dans le monde, la peur est en train de changer de camp. C’est pourquoi le Pouvoir utilise tous les moyens pour désamorcer cette révolte populaire, qu’il décrit comme populiste et réfractaire au changement, alors qu’elle n’est que changement et populaire.
Certes, cette révolte est brouillonne, parfois exaspérante, mais donne une respiration nouvelle dans ce monde politique totalement corrompu par des années de pouvoir et d’échecs, ces marchands d’illusions semblent avoir atteint les limites de leurs incompétences, ce qui restait de leur crédibilité a sombré dans la crise de ce début du XXI° siècle. Seraient-ils morts qu’ils l’ignoreraient encore !
Attention, le pire est à venir si la violence d’Etat imite celles des grandes répressions de notre histoire. Celles de la commune (1), celles du juin 1848 (2), celles des grèves de mai-juin 1936 (3)... Aucune répression, qu’elle soit ou non physiquement violente, n’a solutionné aucun des problèmes posés. La grande concertation à venir sur des thèmes décidés d’en haut est vouée à l’échec, car une fois de plus on veut orienter le peuple vers des questionnements qui ne sont que partiellement les siens.
Dans six mois auront lieu les élections européennes, la vraie question sera celle de la place du citoyen et du retour de l’humain dans les priorités européennes, sans quoi cette Europe-là, déjà moribonde, ne survivra pas à l’élan de rénovation des peuples de l’Union Européenne.
La violence de l’Etat ne saurait être l’état de violence. La démocratie devient dictature lorsque les appareils d’état ne servent plus que l’état de l’appareil, sa conservation et son système. Un référendum d’initiative populaire n’y suffira pas. Qu’on se le dise !
Roland Pietrini
-
18 mars 1871 Paris, de l'insurrection à la Commune https://www.herodote.net/18_mars_1871-evenement-18710318.php
-
Le 23 juin 1848 éclatent à Paris de violentes émeutes de la faim provoquées par la fermeture des Ateliers nationaux. Leur répression, très brutale, consacre la rupture entre la classe ouvrière et le régime républicain issu des journées révolutionnaires de Février
-
D’une ampleur sans précédent, cette explosion sociale spontanée est le fruit de la conjugaison de plusieurs facteurs: à l’enthousiasme suscité par la victoire électorale des socialistes s’ajoutent en effet la méfiance populaire vis-à-vis de la classe politique, née des frustrations qui suivirent les victoires de la gauche en 1924 et en 1932, et les aspirations révolutionnaires qui animaient une partie de la classe ouvrière. Mobilisant deux millions d’ouvriers, ces grèves revêtent un caractère nouveau, comme le montrent bien diverses photographies de l’époque
A découvrir aussi
- A propos des Harkis
- Affaire MAHE. Procès en assise, rappel des faits
- Trois salopards pour une révision de notre politique de défense (actualisé)
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 1192 autres membres