ATHENA-DEFENSE

ATHENA-DEFENSE

Il ne peut y avoir de défense sans Nation!

 

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Palais des NATIONS Unis à Genève.

 

 

En ces instants où le programme majeur de coopération franco-allemand MGCS suscite de nombreuses questions dans un camp comme dans l’autre, il apparait judicieux de poser à nouveau, la question de l’intérêt d’un tel programme. Lors de mon précédant article, - Projet MGCS (Main combat ground system) Pour quoi faire ? -  j’avais choqué un petit nombre de lecteurs qui me faisaient remarquer sinon mon scepticisme au moins mon pessimisme, basé selon eux sur une hostilité de ma part envers nos « amis » allemands et mes doutes sur leur loyauté.

 

 

Je continue à penser que cette coopération est la conséquence de la volonté d’une réflexion inaboutie dictée principalement par une vision européiste « Jamais, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'Europe n'a été aussi nécessaire. La construction d'une Europe de la défense, en lien avec l'Alliance atlantique dont nous fêtons les 70 ans, est pour la France une priorité » déclarait le 14 juillet 2019 en présence d’Angela Merkel le président Macron, semblant oublier ainsi la place particulière de la France au sein de l’Europe et dans le monde et son héritage gaullien, car elle est la seule, Russie et Grande-Bretagne exclues,  à posséder une force nucléaire indépendante et à être membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU.

 

Ce club fermé des cinq, qui aiguise la jalousie de nombreux pays dont l’Allemagne ne saurait être sacrifié sur l’autel de l’évolution du monde et certainement (au hasard) pas avec les 27 du traité de Maastricht.

Pourtant des voix se font de plus en plus insistantes pour réformer ce statut et notamment celle proposée par le G4 -Allemagne, Brésil, Japon, Inde. L’élargissement du conseil de sécurité, en l’état, vise en premier la France qui pourrait laisser sa place à une entité européenne et aurait pour conséquence une fois de plus notre affaiblissement.

 

 

Je crains que le Président Macron ne cède aux sirènes dogmatiques du partage équitable, ce mot qui caresse tant les oreilles des doctrinaires mondialistes dont l’objectif est de constituer l'unité politique d’un monde uniforme, multiculturel et sans frontières. A ce jeu, les plus nombreux mangeront les plus faibles.  

 

Toutes les initiatives pour une Europe de la défense se heurte aussi à notre appartenance à l’Otan.  Affirmer qu’une Europe de la défense peut exister en lien avec l’Alliance Atlantique, nous oblige en réalité à accepter une politique étrangère dictée par les Etats-Unis qui va en à l’encontre de nos intérêts, et singulièrement en Europe. Cet abandon constant de notre souveraineté accéléré par le Président Macron nous annonce beaucoup de déconvenues et risque de nous entrainer vers des conflits que nous ne souhaitons pas.   

 

Certains projets sont censés aller dans ce sens, dont celui des dix pays membres de l'Initiative européenne d'intervention (IEI) avec la France qui en est l’initiatrice, avec l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni -, réunis sous le mot d'ordre « Agir ensemble », n’est en fait qu’une coquille vide. Sans réels moyens, sans convergence d’intérêts, nous verrons  si ces pays auront une position commune face aux crises qui s’annoncent, dont la crise ukrainienne. Ce machin (1), un de plus, créé en en 2018, et dont personne ne parle plus, était pourtant une initiative appuyée fortement par nos chantres pro-européens. Le dogmatisme des uns frise parfois le ridicule des autres.

 

Ainsi lorsque l’un, Monsieur Macron pour ne pas le citer, pense industrie de défense européenne afin de servir sa vision emphatique d’une Europe fédérale dont la France en serait le leader, l’autre, Merkel pense, à juste titre, défense de son industrie et des intérêts allemands. Celui qui a vendu Alstom à General Electric est donc dans sa logique de dilution de notre souveraineté au nom d’un mondialisme qui a démontré dans la crise de la covid toute sa pertinence…

  

Pire encore, ce projet MGCS, (comme le projet SCAF) qui, au mieux, se concrétiserait aux alentours de 2040 est censé répondre aux réels besoins de nos forces armées terrestres. J’en doute.  Pour cela, il faudrait, en premier, s’entendre sur les menaces et les forces qui dans l’éventualité d’un conflit de haute intensité nous feraient face, afin de calibrer nos besoins.

 

Or, ce calibrage n’est jamais évoqué et pour cause, personne aujourd’hui n’est capable de savoir avec qui et contre qui nous serions engagés dans ce type de conflit, surtout à l’horizon 2040-2050.

La seule force « étalon » aujourd’hui en Europe, (il en faut une), indépendamment de toute réflexion stratégique et de la réalité de sa menace, est celle de la Russie.

Dans l’éventualité, où celle-ci, contrainte par une poussée de l’Otan à sa frontière en Ukraine par exemple, déciderait de mener un conflit préventif en Europe centrale, nous serions face à une problème majeur.  Tout cela, j’insiste, n’est qu’une hypothèse.

 

Quelle serait, en effet, l’intérêt de la Russie de précipiter les évènements alors qu’il suffit d’attendre.

L’analyse de Poutine est simple, l’occident est décadent et il sera submergé par les maux qu’il a lui-même semés.  La crise du covid semble lui donner raison, elle est révélatrice de la passivité et de la soumission des populations européennes lors d’une crise majeure. Elles ne résisteront pas plus à une conflit armé car la volonté de résister et de se battre ne fait plus partie de leur ADN.

Michel Houellebecq dans Soumission en préfigure l’augure. Le fruit tombera, lorsqu’il sera mûr, sans combattre, comme est tombé celui du communisme avec l’URSS en 1991.   

 

Or, si on projette les capacités actuelles de la Russie vers 2040 (on pourrait faire de même pour la Chine), on pourra noter que celle-ci conservera une supériorité quantitative autant que qualitative quasiment impossible d’ici là à rattraper tant le décalage est énorme.

 

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Face aux 12950 (22000 en comptant les stocks) chars et aux 10000 pièces d’artillerie, roquettes et autres missiles, en ligne, complétés par la multitude de drones, munitions rodeuses et autres unités de robots en cours de constitution, sans compter la logistique et la résilience du peuple russe bien supérieure à la nôtre, (2) l’Europe est nue et il n’y a aucune possibilité que cela change.  

 

La France et l’Allemagne réunies peuvent aligner à grand peine environ 500 chars de combat et 200 pièces d’artillerie. Les forces de l’Otan en Europe, en comptant Reforger peuvent aligner environ 6000 chars, à condition de pouvoir les acheminer, avec sa logistique, par les voies maritimes de l’atlantique, et cela demande des mois. Nonobstant le fait que l’on ne fait pas la guerre uniquement avec des chars et des pièces d’artillerie, il faudrait donc pallier cette infériorité absolue et pérenne par une réelle supériorité technologique aérienne et navale.  Or,  cette supposé supériorité n’est plus.   Nous avons perdu, il y a déjà fort longtemps cette bataille du nombre et de la qualité et nous regardons la Russie s’équiper en missiles hypervéloces, avions de 5° génération, sous-marins lanceurs de missiles, satellites tueurs, et nous avons un retard abyssal dans les domaines de la guerre psychologique et la cyberguerre, nous sommes dans tous ces domaines à la ramasse.

 

Nous serions, comme l’ont constaté les Polonais lors de simulations censées étudier de quelle manière la Pologne pouvait faire face à une attaque russe, tout comme eux, submergés.

La manœuvre sur simulateur, intitulées « Zima 20 » (Hiver 2020), s’est visiblement soldée par un fiasco.   Elle consistait à tenir les lignes de défense le long de la frontière orientale de la Pologne pendant une durée d’au moins 22 jours, le temps que les renforts otaniens arrivent, (comme si les Russes, dans cette hypothèse les auraient laissé arriver). Mais, au terme de cette guerre virtuelle, les Russes avaient atteint les rives de la Vistule, en seulement quatre jours.

 

La réalité est difficile à digérer, après des décennies de diminution des budgets de la défense, des effectifs, des matériels, la baisse du moral des populations, les crises qui se sont succédées, après la destruction systématique de toute idée de nation, après des décennies de remise en cause de nos valeurs, après nous être couchés devant nos anciens colonisés en développant un sentiment de culpabilité et de repentance, nous ne pouvons concevoir une participation à un conflit de haute intensité. 

 

On ne mourra pas pour Taïwan, pas plus que pour le Donbass, (pour Dantzig - Gdansk non plus) pas plus que pour les Pays Baltes.  Nous sommes devenus ce que la Russie était à la chute de l’URSS, faible et vulnérable, une glasnost et une pérestroïka à la française s’imposent, mais contrairement à la Russie qui a trouvé en Poutine, un chef sachant « cheffer », et qui a su réveiller un pays humilié, nous avons les dirigeants que nous méritons, des médiocres et des faibles.

« Si les gens savaient par quels petits hommes ils sont gouvernés, ils se révolteraient vite » disait Talleyrand,  apparemment ce temps n’est pas encore venu.

 

Les USA se retirent d’Afghanistan après 20 ans de guerre sans honneur. L’Amérique face à la fois à la Chine et à la Russie avec ses 750 milliards de dollars de budget des armées ne fait plus peur à personne, n’est un bouclier pour personne et ne peut qu’aligner la longue série de ses défaites et de ses guerres parfois inutiles, souvent perdues.  Corée, Vietnam, Irak, Afghanistan, car s’ils ont gagné des batailles, tout comme nous, ils n’ont gagné aucune guerre et elles perdront les suivantes. Car le modèle occidental n’est plus.

 

Les partisans de la mondialisation sont dévorés par le modèle qu’ils avaient eux-mêmes créé. Ils ont enfanté un monstre il les dévorera.

   

Vous l’aurez compris le sujet de construire ou pas un char franco-allemand est largement dépassé par les enjeux qui sont les nôtres.

 

Il s’agit d’ailleurs là, d’une erreur stratégique qui ne comblera pas la faiblesse de nos moyens. Car à quoi cela servirait-il d’investir des milliards d’euros pour un système qui sera finalement construit à 300 ou 400 exemplaires face des systèmes qui seront sans doute comparables construits à un nombre 100 fois supérieur ?  Il faut trouver d’autres solutions, elles existent, j’ai développé quelques pistes que l’on peut relire avec les commentaires, Armées et si on changeait de paradigme ?  La tâche est gigantesque mais elle n’est pas inatteignable.

 

C’est en croyant à son histoire, que l’on bâtit une Nation. Ils ont tué cette référence à l’histoire, ils ont tué la Nation.  Alors construire un char, un avion, ne servira à rien si nous n’avons pas la volonté de nous battre, corps et âme pour défendre nos valeurs.

    

La force de la chaine est dans le maillon et c’est en cherchant le maillon faible de l’ennemi qu’il est possible de le vaincre; lui, le sait. 

 

Il n’y a pas de défense possible sans volonté de défense.

 

Aucune armée, aussi sophistiquée soit-elle, ne peut combattre s’il elle ne s’appuie sur des valeurs à défendre.

 

Ces valeurs-là, il est nécessaire de les reconstruire, de les valoriser, de les comprendre, de les enseigner. En 2040 il sera trop tard, car une armée sans Nation (3) n’existe pas, une Nation sans territoire non plus, et il n’est pas de Nation qui au cours de son histoire n’ait pas eu à subir ou à combattre une puissance ennemie. Il n’y a aucune raison que cela change, sinon dans l’esprit de ces faiseurs de rêves qui croient à une monde virtuel sans frontière et sans culture, sinon celle des autres.  Il est temps de se réveiller.

 

Roland Pietrini

 

(1)  L’Initiative européenne d’intervention (IEI) a été lancée le 25 juin 2018 par la signature d’une lettre d’intention par les ministres de la défense de 9 pays européens. Initiative ambitieuse à caractère résolument opérationnel, l’IEI vise à favoriser l’émergence d’une culture stratégique européenne commune et à créer les conditions préalables pour de futurs engagements coordonnés et préparés conjointement sur tout le spectre de crise. Construite autour d’un socle restreint d’États européens ayant démontré leur volonté politique et leur capacité militaire d’assumer un engagement en opérations au service de la sécurité européenne, l’initiative pourra être élargie à d’autres États européens remplissant ces mêmes conditions, une fois l’initiative consolidée.

(2)  Classement des États du monde par forces terrestres (nombre de chars et véhicules blindés) (atlasocio.com)

(3) Un État-nation est un concept théorique, politique et historique, désignant la juxtaposition d'un État, en tant qu'organisation politique, à une nation, c'est-à-dire des individus qui se considèrent comme liés et appartenant à un même groupe. faire Nation est un impératif. 



17/04/2021
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