ATHENA-DEFENSE

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La défense française face au futur et aux urgences d’aujourd’hui.

La défense française face au futur et aux urgences d’aujourd’hui.

 

 

 

Aviso

Des Avisos hors - d'âge devenus patrouilleurs....

 

 

 

 

Les élections européennes du mois de juin suivies par la dissolution de l’Assemblée nationale et par les élections législatives plongent la Nation dans une période d’incertitude majeure.  Le nouveau gouvernement quel qu’il soit et qui en sortira aura une tâche difficile et devra tenir le temps nécessaire à stabiliser une situation plus que délicate.

 

Dans le domaine de la défense, de nombreuses questions se posent et elles ne sont pas uniquement liées au volume du budget et à sa constance, car l’évolution des conflits en cours implique la nécessité de répondre aux menaces actuelles tout en prévoyant les moyens nécessaires pour répondre aux problématiques des guerres futures. L’urgence du temps court ne peut éviter la préoccupation du temps long et cela est vrai pour nombre d’équipements majeurs.

 

 

Les cinq fonctions stratégiques (connaissance et anticipation, dissuasion, protection, prévention et intervention) identifiées en 2008, ont peu évolué. Ce qui a changé, notamment à cause du conflit en Ukraine, c’est probablement une prise de conscience plus aigüe de l’urgence à transformer les armées pour les adapter à l’émergence de nouvelles menaces, après des décennies d’évolution capacitaire à la baisse.

Entre 1999 et 2014, les pays européens ont réduit de 66 % leurs parcs de chars de bataille, de 45 % leur aviation de combat et de 25 % leur flotte de bâtiments de surface », constatent les chercheurs de l’IFRI, Michel Pesqueur et Élie Tenenbaum.

Entre 2009 et 2014, les Armées françaises perdent quasiment le quart de leurs effectifs. C’est l’armée de terre qui a subi la déflation la plus dure, 240 000 personnels en 1996 au moment de l’abandon de la conscription et aujourd’hui 121 000, soit une diminution de 50 pour cent, avec un corps de bataille à 80 000 hommes environ.

 

La prise de conscience tardive de cet état de fait n’en est pas moins réelle mais le besoin d’une économie dite - de guerre - pour simplement réparer les Armées se heurte à des capacités industrielles peu préparées à ce changement de paradigme et ne survivant que par l’exportation, compte tenu de la faiblesse des commandes étatiques. Quant aux effectifs, les Armées peinent à recruter et à fidéliser pour des raisons qui mériteraient un développement particulier. 

 

Par ailleurs, la transformation met du temps à se concrétiser dans les faits, le poids des habitudes et des structures se traduisent par une approche brouillonne dans la fixation des priorités, un saupoudrage des crédits, compte tenu de la multiplicité des urgences, une appétence à produire « français » qui ne se justifie pas toujours et en corollaire l’abandon de certaines filières, dont les munitions de petit calibre et les armes individuelles d’infanterie, qui pousse à des achats sur étagère parfois redondants et inutiles ; à cela on peut rajouter une politique de gribouille poussant à faire  des économies sur le court terme qui se traduisent in fine par des surcoûts élevés sur le long terme (CF : l’exemple des FREMM).

 

Il en résulte notamment une armée terrestre dimensionnée pour des guerres asymétriques qui a profondément transformé notre culture militaire et les réflexions concernant son dimensionnement face aux guerres de haute intensité qui d’improbables redeviennent possibles.

 

Nous avons une macrocéphalie sur un corps cachexique, alors que le poids de la dissuasion nucléaire dans le budget des Armées spécifique à la défense française pèse un peu plus de 20% (13% sans l’environnement nécessaire à la protection classique des SNLE) sur les crédits d'équipement de la défense. Cette assurance-vie supportée par le seul budget des armées devrait faire l’objet de crédits spécifiques témoignant de la volonté de l’ensemble de la Nation.

 

Hors nucléaire, le budget des armées (AAE-Marine-Terre-DGA) pèse en réalité environ 1,6 % du PIB, bien loin des 2%, alors que chacun sait qu’un budget à 3% serait le minimum minimorum pour que la France, 7° puissance mondiale, tienne son rang et protège ses intérêts partout dans le monde.

 

Des avisos hors d’âge devenus des patrouilleurs…, hors d’âge

 

Un recul nécessaire

 

Mais il n’est pas inutile de prendre un peu de recul sur un sujet aussi complexe.

Le 31 janvier 1947, le maréchal Jean de Lattre de Tassigny donne une conférence devant les cadres de l'École d'état-major. Quelques éléments parmi beaucoup d’autres sont à retenir : « Devant les inconnues redoutables des inventions nouvelles, il est difficile de bâtir une architecture militaire sûrement valable si l’on ne s’appuie pas, en premier lieu, sur ces constantes. « Première constante : la guerre totale, deuxième constante : le territoire, troisième constante : le dynamisme humain » En conclusion, il insiste sur cinq points et ces cinq points sont aujourd’hui totalement d’actualité :

  • De la notion de guerre totale, on tire la nécessité d’une adaptation gouvernementale et législative, se traduisant notamment par une nouvelle loi sur l’organisation de la nation en vue de la mobilisation totale ;
  • De même, la notion de défense « en surface » permet, dès à présent, de bâtir le cadre d’ensemble de la défense du territoire avec ses catégories principales et son articulation générale ;
  • Deux notions entraînent une conception nouvelle du devoir du citoyen en vue du temps de guerre conduisant à un Service National, formule élargie de l’ancienne mobilisation et peut-être du Service Militaire en temps de paix ;
  • La nécessité de s’adapter à l’évolution du progrès conduit à susciter dans l’armée un courant intellectuel qu’il convient d’appuyer sur une forte organisation de la Recherche scientifique et du renseignement.
  • Le domaine de l’instruction, on peut, dès à présent, dégager une doctrine capable d’exalter le dynamisme humain et de développer les facultés d’adaptation aux matériels modernes comme aux situations imprévues de l’avenir.

On ne peut mieux dire et le « gagner la guerre avant la guerre » n’est en réalité qu’une adaptation des constances de défense incluant la Nation dans sa totalité. Encore faudrait-il ne pas remettre en cause le concept même de Nation pour le diluer dans un projet de supranationalité éloigné de ce qui constitue la réalité de la cohésion nationale, fondement de l’esprit défense.

 

1991 une illusion collective

 

 

chute du mur de Berlin

 

 

 

                            Chute du mur de Berlin 1989

 

 

Le 5 mars 1946, Winston Churchill prononce au Westminster College, à Fulton (Missouri), un discours célèbre dans lequel il met les Occidentaux en garde contre l'avancée du communisme dans les pays d'Europe centrale et orientale et la construction d'un "rideau de fer" ouvrant une période de guerre dite froide qui a précisément duré  (44 ans, 9 mois et 7 jours)  du 12 mars 1947 lorsque le président Harry Truman expose devant le Congrès des États-Unis une approche géopolitique qui préconise le soutien des États-Unis aux régimes démocratiques en opposition aux régimes autoritaires, jusqu’au au 26 décembre 1991, chute de l’URSS.

 

Or, durant ces décennies la décolonisation s’achève, élément essentiel parfois minoré par les analystes, qui a bouleversé profondément les rapports de force et la géopolitique mondiale. Il s’ensuit une période d’illusion collective de paix et de mondialisation forcenée, entrainant la désindustrialisation singulièrement de la France, alors que partout dans le monde des conflits explosent et que l’équilibre des forces en Europe n’est nullement résolu. 

 

Cela eut pour conséquence l’émergence de ce fameux concept des dividendes de la paix, qui fut le mantra de ces 30 dernières années afin de justifier la déconstruction programmée des armées, puisque la diminution des dépenses militaires devait permettre de dégager des crédits afin d’améliorer les services publics, réduire la dette et les impôts.

 

Or, le résultat d’aujourd’hui est à la hauteur des espérances, la France se retrouve avec une dette abyssale, un régalien en lambeaux, des impôts stratosphériques et une armée en bonzaï. 

 

Et ce ne fut même pas une parenthèse enchantée, car l’Europe post guerre froide depuis 1991, est un foyer incessant de guerres en Europe et aux marges de l’Europe. La liste est en impressionnante.  Quelques exemples : Ossétie-Géorgie, Slovénie, Bosnie, Kosovo, Moldavie, Ossétie du Nord, Abkhazie, Tchétchénie, Daguestan, voir liste en annexe….

 

  

conflits internationaux depuis 1990

 

Les conflits internationaux, guerres civiles et troubles intérieurs qui ont bouleversé le monde dans les années 1990.

 

 

 

C’est pourquoi l’idée généreuse de régler les conflits entre des forces contraires par d’autres moyens que le recours à la violence reste une hypothèse, et l’hypocrise qui consiste à dire que tout peut se régler par la diplomatie alors que précisément nous faisons le contraire -  avec l’aide « éclairée » des Etats-Unis - qui pouvaient s’appuyer alternativement sur  le terrorisme islamiste (Afghanistan), créer les conditions de son développement (Irak) sous couvert d’exporter la démocratie tout en renforçant le  totalitarisme.

 

Pour rester mesuré, il n’est pas certain que la sécurité et la démocratie en eussent été renforcées et que le monde soit devenu meilleur depuis 1991.  Ce qui ne veut pas dire qu’il conviendrait d’avoir la nostalgie de l’époque ante 1989.

 

La vision stratégique du CEMA, le général Thierry BURKHARD  est parlante : « Le contexte international s’est considérablement dégradé, Il est marqué par le durcissement de la compétition entre grandes puissances – et de fait, la remise en question du multilatéralisme et du droit –, le réarmement et la désinhibition de certaines puissances régionales, la multiplication des foyers de crise – et son corollaire l’augmentation des flux migratoires – et l’expansion de la menace terroriste. Face à cette tendance de fond, il faut en permanence faire preuve de la plus grande agilité : embrasser les changements contre lesquels on ne peut agir, et saisir toutes les opportunités pour défendre les intérêts stratégiques de la France et de l’Europe »

 

Ainsi, ce monde devenu multipolaire est celui de l’affrontement des civilisations et des cultures (ce qui est nié par certains) et l’hystérisation exponentielle des compétitions avec l’émergence des nouvelles puissances Chine-Inde-Russie- Brésil, à fort potentiel de développement économique, alors que le monde occidental est sur une voie de décroissance programmée.

 

C’est pourquoi, on peut commettre une proposition toute provisoire, les guerres d’aujourd’hui tout comme celles du futur seront dans leur dimension humaine identiques à celles des conflits du passé, mais probablement à front renversé.

En un mot, nous sommes en position de faiblesse.

 

Une réflexion globale nécessaire

 

« Croiser le monde du possible à celui du temporairement impossible pour imaginer les menaces qui pourraient mettre en danger la France et ses intérêts à horizon 2060 » : fut la mission confiée en 2019 à un groupe d’auteurs de Science-Fiction par le Ministère des Armées.  Cette - Red Team - a imaginé plusieurs scénarios de conflits prenant place entre 2030 et 2060. À l’exception de quatre scénarios, l’ensemble reste protégé par le Secret Défense. 

 

Sans nier l’intérêt d’une telle démarche, il n’est pas inutile de rappeler que l’urgence se situe à un autre niveau.

 

Les menaces d’aujourd’hui obligent à une remise en cause de notre approche envers ce qui caractérisent les conflits en y incluant d’autres espaces d’affrontement, l’espace, le cyberespace, les fonds marins, sans oublier, les affrontements informationnels jusqu’à inclure la lutte informatique offensive au niveau des unités tactiques. La ministre des Armées, Florence Parly déclarait le 19 janvier 2019 : « la France est en proie à suffisamment de menaces. N’y ajoutons pas notre propre naïveté. La guerre cyber a commencé et la France doit être prête à y combattre ».

 

Par ailleurs, la lutte contre l’agit-prop, terme largement daté mais qui offre l’avantage de traduire que la désinformation est une arme au service de la déstabilisation et de l’atteinte au moral des combattants et des populations fait partie des réflexions stratégiques avant l’engagement, pendant et même après, en écrivant l’histoire.

 

L’innovation technologique est aussi l’un des domaines majeurs de compétition entre les Etats à intérêts divergents, ne faudrait-il pas constater que le plus sophistiqué n’est pas forcément le plus efficient sur le champ de bataille.  La démonstration en est faite par l’Ukraine qui réclame sans cesse des armes de plus en plus sophistiquées mais qui, sur le champ de bataille utilise des armes bricolées localement telles que des drones issus du commerce et des simples jet skis transformés en robots aquatiques armés de torpilles.

 

La culture américaine qui soutient une dérive ethnocentriste et technologiste, qui s’appuie sur cette idée fausse que l’ennemi tendra à répondre aux pressions militaires de manière rationnelle, en répondant par des armes sophistiquées aux mêmes armes sophistiquées en voulant ainsi reproduire le bluff de la guerre des étoiles prônée par  Reagan  en 1983, qui annonçait en pleine Guerre froide vouloir étendre à la stratosphère la rivalité nucléaire avec l'Union soviétique alors qu’il n’en possédait pas les moyens afin d’épuiser dans cette nouvelle course de l’armement, l’URSS.  

 

À l'époque, le programme du président américain s'appelait officiellement "Initiative de défense stratégique" (IDS), les nouvelles armes spatiales américaines étaient censées garantir la pulvérisation de tout missile nucléaire soviétique lancé vers les États-Unis. Ce n’est toujours pas le cas.

 

Un rapport otanien intitulé : l’innovation technologique au service des guerres de demain, signé au demeurant par un auteur islandais (l’Islande n’a pas d’armée), indique que le fait « d’envisager ce que sera la guerre de demain est une gageure, puisque son évolution sera conditionnée par un certain nombre de facteurs géopolitiques, sociétaux, technologiques, économiques, environnementaux et militaires ». Les guerres futures seront donc différentes de celles d’aujourd’hui, mais à la fin des fins se sera toujours l’homme qui guidera et utilisera les armes que celui-ci soit à distance au chaud dans un shelter ou sous le feu direct de l’ennemi.

 

Mais revenons à aujourd’hui !

 

Nous avons raté un certain nombre d’évolutions par manque d’intelligence prédictive, par immobilisme, voire pour des raisons faussement morales, (souvenons-nous des atermoiements à propos de la possibilité ou non d’armer les drones) ce qui nous a fait prendre de nombreux retards dans des domaines pourtant parfaitement prévisibles.

Il y a plus de dix ans, nous avions, lors d’études auxquelles modestement j’ai participé pour Scorpion, insisté sur la nécessité d’équiper les armées françaises de drones en commençant par l’artillerie terrestre. Cette simple recommandation bousculait les habitudes, seule la guerre en Géorgie, Haut Karabach et Ukraine et la démonstration de leur indispensable utilité a permis aux Etats-majors d’obtenir ce changement d’approche et la révolution qui s’en suivit.

 

Il en est de même pour l’urgence de s’équiper en drones suicides rebaptisés "munitions rôdeuses", ce qui a poussé, pour combler le retard français, l’Agence d’innovation de la défense de lancer en urgence deux compétitions dénommées Colibri et Larinae. Nexter, MBDA, Eos et Novadem sont concernées.

 

Un autre combat est en cours, celui de l’introduction de l’intelligence artificielle dans les systèmes d’armes et les armées en général. Et cette fois-ci, il semblerait que l’ambition affichée serait de devenir, pour la France, la première puissance militaire de l’IA en Europe et dans le top 3 mondial.

 

La création d'une agence dédiée à l'intelligence artificielle militaire, ainsi que l'achat d'un super calculateur pour faire de l'IA « classifiée » à partir de données secret-défense annoncée par le ministre démissionnaire des armées Sébastien Lecornu (à l’instant où j’écris cet article, il serait reconduit) qui donne quelques exemples - un drone doté d'IA qui serait capable de continuer sa mission une fois qu'il a perdu le contact avec son pilote, serait bien plus redoutable qu'un drone sans IA ! Le canon Caesar est un autre exemple intéressant. On a des problèmes d'obus en Ukraine. Le meilleur remède serait d'en consommer moins. S'il vous faut 10 obus pour marquer votre cible ou si vous arrivez à le faire dès le premier coup, cela change la donne -. En résumé, « Soit l'armée française prend date, soit elle décroche.

 

 

Une fois de plus, l’heure des choix

 

Les Armées françaises ne sont pas exemptes d’immobilisme culturel, comme tant de strates de la société, mais avec un déficit de 3400 milliards, un budget 2025 soumis aux réalités et qui comportera nécessairement des économies, il ne serait pas inutile de se poser la question des choix concernant certains équipements de long terme en commençant par les plus couteux. 

 

La liste n’en est pas exhaustive :

 

Les voies de la coopération choisies pour des raisons essentiellement politiques concernant le SCAF et le MGCS sont-ils judicieux, alors que nous avons la capacité de produire moins cher des équipements équivalents qui seront eux exportables ?

Un unique porte-avions du futur qui passe désormais à 80 000 tonnes, dont le coût est estimé aujourd’hui à 5 milliards et qui, au mieux sera opérationnel en 2040-45, alors que deux porte-avions plus modestes copies modernisées du CDG à la fois porte drones et porte-avions seraient amplement suffisants.

 

Il manque aujourd’hui à l’Armée de l’air 95 Rafale et à la Marine 12 Rafale pour remplir les contrats opérationnels dont les 40 avions de chasse prêts au combat que la France se doit de fournir à l’OTAN.  Pour avoir une disponibilité de 40 avions, il faut en posséder 80, en faisant fi de l’attrition éventuelle. (Accueil Meta-defense.fr - Actualités et analyses Défense)

 

Or, dans le cas d’un conflit il sera impératif de préserver le ciel français et Outre-mer, d’appuyer les unités engagées au sol, d’effectuer des relèves et de former et d’entrainer les pilotes… On ne fait pas de guerre sans perte et d’entrainement sans perte aussi. Sauf erreur, la Marine a perdu 4 Rafale et l’armée de l’air 5, soit 9 en 23 ans, ce qui est peu et qui souligne la qualité de nos pilotes et la fiabilité des avions. Mais un certain nombre a été endommagé, tous ne sont pas équipés de radars performants ou capables de délivrer les derniers missiles.

 

L’objectif du nombre de Rafale n’a cessé de diminuer : La LPM de 2004 prévoyait 294 Rafale : 234 pour l'Armée de l'air et 60 monoplaces M pour la Marine, en 2008, nous passions à un objectif de 228 pour l’Armée de l’air et 58 pour la Marine, La LPM 2023-2019 ne prévoyait plus que 255 avions de combat en parc Rafale et Mirage 2000 confondus puis  en 2030 à 225 avions de chasse Rafale et Mirage 2000  dont 171 Rafale en 2025 avec les  40  de la marine ; nonobstant le fait que nous céderons généreusement nos MIRAGE 2000-5 à l’Ukraine lesquels assurent aujourd’hui la quasi-totalité de notre défense aérienne haute altitude au-dessus de notre territoire et seul avion qui nous reste qui peut dépasser mach 2+.

 

L’Armée de l’air et de l’espace a perdu, tout comme les autres Armées, un quart de ses effectifs un peu plus d’un quart de ses moyens, les dépenses de fonctionnement ont baissé, tout comme les dépenses d’investissement. De 5,4% du PIB en 1960, faisant passer les dépenses militaires de la France à 3,5% en 1970, 2,8% en 1990, 2% en 2000 et 1,8% en 2018. 

 

Pour la Marine, nous possédons désormais moins de frégates que l’Italie qui n’a pas de vocation mondiale mais qui aligne 12 FREMM et 2 frégates anti-aérienne de type Horizon, toutes mieux armées que les frégates françaises, ce dont il faut se réjouir, puisque l’amiral CEMM, Vaujour admet   $que la Marine française a besoin des Marines alliées pour remplir sa mission et que le temps d’une marine forte et indépendante appartient au passé.

 

109 canons Caesar programmés pour le corps de bataille est totalement hors sujet, il en faudrait deux fois plus pour atteindre un seuil comparable aux critères OTAN. Il y a des limites à compter sur les autres, à moins que l’on conditionne le nombre de pièces en fonction des obus qui leur seraient alloués !

 

Cette baisse des dépenses s’est accompagnée d’une hausse des interventions militaires. Les Opex (opérations extérieures) françaises ont été plus importantes depuis 1991 qu’entre 1962 et 1991 et la guerre en Ukraine a rappelé cruellement l’incapacité que nous avons à tenir un front (en partage avec nos allées), dont la durée dépend en réalité de notre capacité à alimenter en munitions et pièces détachées les éléments engagés, soit une semaine à peine à l’aune des consommations constatées en Ukraine.  

Dans cette hypothèse le sous-dimensionnement de notre corps blindé six divisions 1200 chars de combat en 1990, deux brigades 120 chars en 2024 avec aucune perspective de renforcement nous situe à la 13° place en Europe avec la Grande-Bretagne, qui faut-il le rappeler est une île.     

 

Bien évidemment, cette hypothèse d’engagement somme toute classique a peu de chance de se traduire dans la réalité, mais le stratège n’a pas pour vocation d’éliminer une hypothèse sous prétexte qu’elle ne serait que peu probable : qui pouvait imaginer une guerre navale entre deux membres du camp occidental en 1982 lors de la guerre des Malouines avec la perte du destroyer Sheffield du côté britannique et du croiseur léger Belgrano du coté argentin ? Qui pouvait imaginer le retour de la guerre des tranchées en 2023 et 2024 en Ukraine ? Qui pouvait imaginer que l’Azerbaïdjan interviendrait aujourd’hui dans la déstabilisation de la Nouvelle-Calédonie ? Qui pouvait croire au fait que les Houthis posséderaient des missiles balistiques mettant en danger le commerce international justifiant la présence de frégates françaises sur zone ? 

 

La situation nouvelle oblige à des comportements nouveaux, l’armement de nos frégates devra être renforcé, la prise en compte de la protection anti-aérienne (avions-hélicoptères-drones-munitions rodeuses) basse-couche de nos brigades est urgente, le remplacement  et le renforcement des LRU pour la frappe dans la profondeur l’est tout autant, nous avons toutes les briques techniques et le savoir-faire pour aller très vite à partir des missiles air-sol ou mer-mer, ce qui éviterait un temps de recherche et développement et un coût trop important. La mobilité et la contre-mobilité sont des savoir-faire à reconquérir. La tâche est immense, c’est une affaire de volonté et les commandes doivent accompagner le développement ; la DGA a un rôle majeur à jouer si elle se libère d’un certain nombre de freins administratifs et des normes civiles imposées aux matériels militaires qui doivent d’abord servir à faire la guerre avant de défiler avec des gyrophares…. 

 

La redécouverte un peu tardive de la nécessité de faire des stocks dans tous les domaines d’irrigation nécessaire au fonctionnement des armées pèse encore dans l’aide que nous apportons à l’Ukraine et démontre que la politique du flux tendu au détriment de celle du stock était une hérésie.

 

En réalité, le réarmement risque d’arriver un peu tard, nous ne faisons que combler les trous béants de nos inconséquences et nous avons une référence historique, dès le début des années 1930, l'État-major français avait alerté le gouvernement que l'Allemagne avait commencé à réarmer, la France est alors durement touchée par la crise économique de 1929 et a mis en place des politiques de déflation qui retardent le redémarrage de l’industrie de défense. On connait la suite de l’histoire.

 

Certes, l’ennemi supputé n’est pas à notre frontière immédiate, mais nous sommes tributaires de nos alliances et que peuvent signifier les frontières lorsque n’importe quel missile peut frapper nos ports et nœuds de communication, que les attaques cyber peuvent nous désorganiser et paralyser nos hôpitaux, nos banques, nos communications, que nos satellites peuvent être neutralisés, nos territoires d’outre-mer peuvent être déstabilisés ?

 

Or, notre défense du territoire a été abandonnée depuis des lustres et peut être contournée par des actions de sabotage et de soulèvements pilotés de l’étranger. Notre population n’est plus préparée aux crises d’aucune sorte, l’esprit de défense est en lambeaux avec la suppression du service militaire, il faudrait fournir un effort gigantesque pour redonner de l’autorité et une réelle crédibilité aux structures régaliennes de la Nation.

 

Une conclusion inachevée

 

C’est pourquoi, je ne conclurais pas cet article, je laisse le soin à chacun de le faire, la situation autant intérieure qu’extérieure est bien trop instable, il est simplement nécessaire de prendre conscience avec le calme des vieilles troupes et la détermination qui les caractérisent que le pire n’étant jamais certain,  le mieux l’est tout autant.

 

Tout cela va sans dire et encore mieux en le disant. 

 

 

 Roland Pietrini

  • Ancien observateur et chef d’équipage à la MMFL (Mission Militaire Française de Liaison près du haut commandement soviétique) de Postdam, ancien attaché près l’ambassade de France à Varsovie, créateur et animateur du blog Athéna Défense, auteur et écrivain.

 

 

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Notes :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



21/09/2024
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