" La guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires ».
En 1887, le député Clémenceau lâche cette phrase célèbre " La guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires ».
L’histoire retiendra qu’il appliquera scrupuleusement cet aphorisme en 1917. En effet, Clémenceau, une fois nommé président du Conseil, s'imposera comme le vrai patron de l'armée. « Je fais la guerre », dit-il pour résumer son action à la tête de l'Etat. Un « Tigre » était né.
En nommant, sur proposition de son Premier Ministre, à la tête du ministère des Armées, deux femmes, Florence Parly et Geneviève Darrieussecq, le Président de la République semble appliquer ce principe en le complétant par le fait que ni l’une, ni l’autre n’ont semblé, au cours de leur carrière, s’intéresser de près ou de loin aux problèmes de défense.
En effet, si l’une est une énarque âgée de 54 ans, que l’on dit spécialiste du budget, dont la carrière est marquée par la direction générale et la gestion des Groupes publics, elle était, depuis mars 2016, directrice générale de SNCF Voyageurs. L’autre fut médecin, conseillère régionale d'Aquitaine, entre 2004 et 2015, maire MoDem de Mont-de-Marsan depuis mars 2008, présidente de Mont-de-Marsan Agglomération (depuis 2009) et dont le principal mérite est de connaitre la base de Mont de Marsan.
Sauf erreur de ma part, il me semble que l’une comme l’autre ne sont pas connues pour s’être intéressé de près ou de loin aux Armées, à la défense, à la stratégie et à la géostratégie.
Quelle importance, me direz-vous, puisque cela fait des lustres que les Armées sont cogérées par Bercy et que les livres blancs et autres revues stratégiques sont taillés en fonction des moyens financiers consentis et sans cesse remis en cause, plutôt qu’adaptés aux besoins opérationnels.
Serions-nous en guerre, que cela ne changerait pas grand-chose ?
Ces nominations, sans vouloir faire un procès d’intention à l’une comme à l’autre, ressemblent étrangement à l’application de principes par ailleurs dénoncés par la République en Marche, satisfaire les partis croupions, en l’occurrence, d’un côté le Modem et de l’autre les socialistes, tout en respectant à la lettre l’équilibre entre femme et homme au gouvernement.
Les militaires et les Armées apprécieront.
A un moment où nos soldats sont engagés sur plusieurs fronts, celui du terrorisme, des interventions extérieures, du renouvellement des matériels, d’une profonde mutation numérique avec un programme majeur Scorpion pour l’armée de terre qui ne saurait souffrir de retard, où des choix essentiels sont à venir dans la Marine et l’Armée de l’Air, sans oublier nos cumuls de déficits capacitaires, nos MCO catastrophiques et les mises à niveau de nos forces nucléaires, fallait-il jouer la carte de la communication avant celle de la compétence ?
Le président Macron, estime-t-il que confier la conduite de la guerre a des militaires serait une erreur, estime-t-il tout autant que nommer une ministre des Armées intéressée par la problématique de la défense serait une faute ? Je me pose la question, sans avoir de réponse, on ne sait jamais, les vocations peuvent être tardives, mais passer de la direction générale de SNCF Voyageurs à la direction de l’un des principaux ministères régaliens m’apparait sujet à interrogations légitimes.
Il est vrai que la perspective de la révision de nos plans stratégiques se heurtera constamment à celui des conflits d’intérêts du ministère des armées et Bercy et que la ministre a une certaine expérience en la matière, non pas pour défendre un budget ministériel, mais pour défendre les finances de la France.
Nous verrons donc qu’elle sera la stratégie suivie par la ministre pour changer de point de vue. Sans lui faire de procès d’intention, un peu quand même, je doute que celle-ci en l’état ait la capacité de peser dans le bon sens.
L’aphorisme de Clemenceau serait-il extensible à un autre similaire : « Les Armées ! Sont une chose trop importante pour les confier à des personnages qui savent de quoi ils parlent ? »
En dépit de la réaffirmation au conseil européen par le président Macron de l’objectif d’augmenter le budget de la défense à 2% du PIB en 2025, je crains que les Armées ne doivent, une nouvelle fois, se plier à la dure réalité de l’étalement des programmes et de la gestion à la petite semaine, pour ne pas dire au jour le jour. Les gels et les reports de crédit en cours sont un test pour « préempter » l’avenir.
Mon pessimisme est probablement dicté par mon incompétence, j’attends donc pour juger et je suis prêt à écrire ici que mes craintes étaient infondées.
Les prochaines semaines seront décisives car cette volonté de relancer une Europe de la défense, qui se concrétise par un fond dont le montant pourrait être de 5 milliards, ne sera qu’un leurre tant que certains pays européens continueront à alimenter les fonds de recherches américains, tant que certains pays européens comme la Pologne, l’Italie, le Benelux, voire l’Allemagne, continueront à faire des choix d’équipement outre-Atlantique, siphonnant ainsi nos capacités industrielles et de R§D ( F16, F35, hélicoptères etc.. )
Un président Macron à l’égal d’un Clémenceau n’est pas pour me déplaire, en aura-t-il la volonté et s’en donne-t-il les capacités ?
Le signe donné par ces nominations à la tête du ministère des armées me laisse perplexe. J’espère que cette incertitude ne se traduira pas par une déception.
Roland Pietrini
Extrait d'un article du POINT signé Jean Guisnel http://www.lepoint.fr/editos-du-point/jean-guisnel/florence-parly-et-le-nerf-de-la-guerre-22-06-2017-2137524_53.php#xtor=RSS-284
Les armées ont le sentiment qu'elles sont sollicitées sans restriction, sauf quand il s'agit de leur budget. Et elles craignent de prendre un sérieux tour de vis pour le budget 2018. Après des ajustements successifs, le budget de la défense pour 2017 s'élève à 32,7 milliards, soit 1,78 % du PIB. Pour que les missions actuellement en cours et la mise à niveau opérationnelle des forces se poursuivent sur le même train en 2018, les armées demandent un peu moins de 1,7 milliard d'augmentation en 2018. Ce qui porterait leur budget à 34,8 milliards d'euros. Le problème, c'est que le gouvernement a décidé un gel de 2,6 milliards d'euros pour le budget militaire, auxquels il faut ajouter le financement des opérations extérieures (Opex). Elles coûteront 1,3 milliard d'euros en 2017, dont seulement 450 millions sont financés.
à propos des 2% le rapport du Sénat avril 2017: http://www.senat.fr/rap/r16-562/r16-562-syn.pdf
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