ATHENA-DEFENSE

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Liban: une situation explosive.

Dans la perspective d’ouverture d’Athéna Défense à des intervenants extérieurs, le colonel Jacques Neriah, ancien officier du Mossad, ancien attaché militaire en France, en Belgique et au Luxembourg, puis conseiller politique et diplomatique du premier ministre, Ytzhak RABIN,  a accepté de rédiger un article en toute exclusivité sur la situation au Liban. Je le remercie en toute amitié.

 

 … « il ne fait aucun doute que tôt plutôt que tard le nom d'Israël sera impliqué - Israël et les Etats-Unis (par le biais de la CIA) "avaient" un intérêt d'exploiter la situation pour nuire à Hezbollah »...

 

Avec cette phrase et dans cet article Jacques Neriah (1) nous donne un point de vue très éclairé sur la situation libanaise et sur la position Israélienne. Son article assez pessimiste,  mais rigoureux,  pointe du doigt une situation qui risque de devenir de plus en plus explosive.

 

Le Liban, par sa porosité aux influences extérieures est au cœur du conflit entre l’Arabie Saoudite, alliée des Etats-Unis et l’Iran qui est désormais soutenu par la Russie. Il est évident qu’Israël serait partie prenante si le conflit devait déboucher sur une nouvelle guerre civile. La France et l’Europe n’interviendront pas, sinon pas des paroles, puisque nous sommes définitivement affaiblis et hors-jeu au Levant comme au Moyen-Orient.

 

Roland Pietrini

 

 

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Les événements au Liban: une perspective israélienne

Jacques Neriah

 

Le Liban est en flammes et sans doute proche d’une nouvelle confrontation sectaire dans laquelle Hezbollah, le groupe shiite fondé par l'Iran en 1982, qui depuis a formé une milice armée plus puissante que l'armée libanaise elle-même envahira Beyrouth et prendra le contrôle de la capitale et de ses institutions politiques. Ce n'est de fait qu'une question de temps.

 

Le système sectaire et confessionnel libanais est pourri. Les accords entre les différentes communautés religieuses sur le partage du pouvoir,  acceptés en 1943 et révisés à l'issue de la conférence de Ta'ef en 1989, après une guerre civile qui a duré presque un quart de siècle entre 1975 et 1990, ne conviennent plus à la réalité d'aujourd'hui.  Ils ne sont plus adaptés à la dynamique des différentes forces en présence qui se partagent le pouvoir et certainement aux aspirations de la communauté shiite,  dirigée par le secrétaire général de Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui se pose depuis la fin des années 90 du siècle dernier,  comme le protecteur du Liban face aux "visées sionistes" et qui se définit comme personnifiant la résistance légitime qui a permis au Liban d'endiguer la vague intégriste qui a déferlé en Syrie en se propageant vers son petit voisin de l'ouest.

 

Nasrallah,  qui avait été accueilli par le public libanais comme un héros,  suite au retrait israélien du Liban en  2000,  devint le sujet d'une critique acerbe à partir du moment ou ses sbires débarquèrent en Syrie en 2013 suite aux instructions de Téhéran pour sauver le régime de Bashar Assad et à partir du moment ou Hezbollah s’impliqua en Irak, Arabie saoudite, Yémen, Bahreïn et les territoires palestiniens.

 

Cela ne l’empêcha pas de s'introduire dans le système politique libanais, timidement à son début et finalement par être celui grâce à qui l'actuel président Michel Aoun doit sa présidence tout en formant un gouvernement soumis à son contrôle grâce a la majorité parlementaire obtenue lors des dernières élections parlementaires. C'est pour cette raison même que la démission du Gouvernement Hariri est un flagrant échec de Hezbollah qui avait insisté pour que le gouvernement reste en place et gére la dernière crise et la révolte populaire, sans pour autant accéder a la demande des manifestants pour un changement de régime. Nasrallah avait même menacé du doigt que les répercussions d'une telle démission et la création d'un vide politique pouvait le pousser à investir" la rue", chose qu'il menaçait de faire vu "qu'il était le plus fort".

 

Les menaces proférées par Nasrallah n'interviennent pas sur une toile de fond inédite: dans les années 2006-2008 Nasrallah en conflit avec l'état libanais a cause de son refus de céder le contrôle de son réseau de fibres optiques qui relie ses différents postes au Sud Liban et au Nord avec son QG et mis sur place grâce a un financement iranien , les troupes Hezbollah s'emparaient de la Capitale Beyrouth.  Ce n'est qu'après avoir cédé à Hezbollah que Nasrallah ordonna à ses combattants de se retirer de la Capitale et des montagnes où ils s'étaient déjà engagés contre les Druzes et les populations chrétiennes.

Etant le principal perdant de la démission du gouvernement Hariri quelles sont les options dont dispose le chef du Hezbollah ?

 

A : essayer d'influencer la formation du prochain gouvernement si gouvernement il y aura.

Vu les demandes des manifestants pour un gouvernement de technocrates, on ne voit pas comment Hezbollah pourra accepter ce compromis qui pourrait présager un changement radical de régime : remplacement du régime communautaire et création d'une nouvelle base politique non sectaire et religieuse. Cette option relève pour l'instant de l'utopie et vu les énormes difficultés qui lui feront face, cette option sera sans doute délaissée au profit d'une altération des derniers accords de partage du pouvoir acquis en 1990.

 

B. : imposer ses conditions politiques " manu militari" comme Hezbollah le fit en 2008.

Les premiers signe précurseurs sont déjà présents. Les sbires de Hezbollah habillés en chemises noires et organisés en troupes de choc ont battu les manifestants a coup de bâtons et de barres de fer, brûlé leurs tentes érigées sur les places, débarrassé les principales artères des obstacles mis sur place par les manifestants. Ceci ne pourrait être toléré par les communautés druzes, sunnites et une partie de la communauté chrétienne (Les "Phalanges" et les "Forces Libanaises "), ce qui équivaudrait à une reprise des affrontements communautaires et le glissement du Liban vers une nouvelle guerre civile.

Dans cette hypothèse il faudrait prendre en considération que les unités "proxies" iraniennes déployées aujourd'hui en Syrie pourraient être appelées à la rescousse et gonfler ainsi les rangs du Hezbollah qui en ce cas pourrait théoriquement s'imposer comme la principale force politico-militaire et imposer ses solutions au Liban, au détriment des autres communautés présentes.

 

C :  accepter un précédent jamais instauré au Liban ; l’imposition d'une situation d'urgence et la gestion du Liban pour un certain temps par l'armée Libanaise. Ceci permettrait un répit politique ou derrière dans les coulisses, Hezbollah essaierait de forger de nouvelles alliances politiques. La séparation des forces du Hezbollah des autres communautés par l'intercession de l'armée serait une possibilité, à l'exemple des événements en Algérie,  qui de plus en plus portent une ressemblance de frères jumeaux identiques.

Il est clair que l'option militaire est celle qui a le plus de probabilité vu l'attitude belliqueuse de Nasrallah et surtout étant une des principales victimes des sanctions imposées par les Etats-Unis lui ayant couté une base économique et financière dont il dépendait beaucoup. Dans cette optique, il ne fait aucun doute que tôt plutôt que tard le nom d'Israël sera impliqué. Nasrallah a déjà insinué dans son discours du 26 Octobre qu'Israël et les Etats-Unis (par le biais de la CIA) avaient un intérêt d'exploiter la situation pour nuire à Hezbollah. A l'appui de sa thèse, Nasrallah avait désigné,  lors d’un rassemblement d'exilés libanais vivant en Israël (qui avaient manifesté leur solidarité avec les manifestants à la "porte de Fatma"), un point d'accès a la frontière libano-israélienne non loin du village frontalier israélien du nom de Metoullah.

 

 

En fait, pour Israël toute instabilité à ses frontières est indésirable et certainement pas souhaitable. D'un autre coté,  si la situation au Liban s'envenime et qu'une guerre civile prenne lieu, il est évident que Hezbollah devra rapatrier ses troupes en Syrie et autres régions au Moyen Orient pour se concentrer sur sa survie et surtout pour pouvoir s'imposer dans le prochain puzzle politique Libanais. En d'autres termes, Israël pourrait jouir d'une certaine réduction de tension avec Hezbollah et profiter pour mieux se préparer au cas ou il serait inévitable de se confronter militairement à Hezbollah et à ses alliés,  iraniens et autres.

 

Une chose est quasi certaine : les Libanais vont à nouveau envisager la possibilité d'émigrer du pays, ce qui est toujours le cas dans des états de crise. Entre les années 1850 et la première guerre mondiale, un tiers de la population libanaise avait quitté le pays et dans les années 1970 un autre million avait émigré dans les pays du Golfe! en d'autres termes- la richesse humaine du Liban sera certainement touchée et affaiblie!

 

 Jacques Neriah

 

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(1) 

 




30/10/2019
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