ATHENA-DEFENSE

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Libye.. Et si on remettait ça?

L’évocation par un CEMA en fin de parcours, d’une intervention internationale militaire en Libye, se heurte à d’évidentes impossibilités majeures.   Par le fait qu’un président Hollande de plus en plus affaibli est peu crédible sur le plan international, force est de constater que le poids de la France est devenu mineur,  à l’exception de l’Afrique où la communauté internationale est bien trop soulagée de  nous laisser la responsabilité de nos interventions, en faisant semblant de nous soutenir.  l’Armée française n’est plus en mesure d’ouvrir un nouveau »Front », elle atteint avec les trois interventions en cours Mali , Centrafrique, Afghanistan,  les limites techniques d’un engagement. 

 

On voit bien aujourd’hui que le non engagement de troupes au sol en Libye, faute de courage et de moyens, a laissé une situation inachevée et a eu pour conséquence un inconvénient majeur, celui d’un développement des milices pseudo libyennes.  Mathieu Guidère professeur d’islamologie à l’université de Toulouse-Le Mirail souligne l’armée libyenne  est soumise à  des heurts entre tribus locales (d’ethnie arabe ou toubou), ainsi que la présence de partisans de Kadhafi, éparpillés depuis la chute du dictateur et l’arrivée de membres d’al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), en déroute suite à l’opération Serval au Mali (2013). Ce pays sans Etat est donc soumis aux influences extrémistes, conséquence d’un manque de vision à long terme d’une opération dans laquelle on s’est engagé. Lorsque l’on fait la guerre la moindre des choses est de savoir comment on s’en sort. Cette dimension diplomatique de sortie de crise a été omise par les interventionnistes qui mettaient en avant le devoir d’intervention pour la protection urgente des populations. Un constat cependant, un échec patent,  Libye et Syrie deux crises mal négociées,  par les occidentaux qui ont soulevé la boite de pandore en favorisant partout la menace djihadiste. 

 Roland Pietrini

 

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L’état-major de l’armée française s’interroge sur l’éventuel lancement d’une opération militaire dans le sud de la Libye, nouveau fief du terrorisme régional.

En 2011, rebelles et partisans de Kadhafi se livraient une guerre sans merci pour le contrôle de la Libye. © ROBERTO SCHMIDT / AFP

 

À quelques jours de sa passation de pouvoirs, le chef d’état-major des armées (CEMA), Édouard Guillaud, a fait part de sa crainte quant à la situation dans le sud de la Libye. Devant les membres de l’association des journalistes de défense, l’amiral a évoqué l’utilité « d’une opération internationale avec l’accord des autorités libyennes » dans cette région de l’Afrique, perçue comme le « nouveau centre de gravité du terrorisme ». Et ce, trois ans après le lancement des opérations sous l’égide de l’ONU (dont l’opération Harmattan menée par la France) pour protéger les civils libyens des attaques du régime de Kadhafi.

Ce « scénario idéal » – une coalition internationale soutenue par les Libyens – relève du « rêve », pour le général Vincent Desportes, professeur de stratégie à Sciences Po et HEC. « Le besoin d’une intervention est avéré, mais son déclenchement, lui, est impensable. » « Certes politiquement Paris est capable de s’engager, mais techniquement, c’est impossible », estime-t-il, et ce, pour une seule et bonne raison : « La France est déjà au-delà de ses capacités d’engagement d’unités. » 

En effet l’armée française est actuellement en opération dans différents théâtres, plus ou moins chauds (Centrafrique, Mali, Afghanistan, etc.) et une nouvelle opération en Libye pourrait coûter « plusieurs centaines de millions d’euros à l’État », estime Vincent Desportes. « Au vu de la situation sur place, il faudrait pas moins de 10 000 hommes et beaucoup de matériel dont de nombreux hélicoptères pour mener à bien l’opération. » Autant dire qu’en déployant des troupes – en période de crise budgétaire – le président Hollande prêterait ainsi le flanc à la critique.

« Aujourd’hui on récolte les conséquences »

Pourtant, il y a bien péril en la demeure. La situation dans la région sud de la Libye (Fezzan) inquiète fortement l’État central ainsi que les renseignements franco-américains, présents sur place. « En 2011, les Occidentaux ont choisi de ne pas s’engager au sol. Depuis s’est créé un véritable trou sécuritaire et, aujourd’hui, on en récolte les conséquences », admet Vincent Desportes. L’Union européenne a bien tenté deux ans plus tard de « renforcer la sécurité des frontières » libyennes, avec le programme EU-BAM Libye, rappelle un article de RFI. « Ce n’est qu’une partie de la solution face aux violences », rappelle Vincent Desportes.

Sur place, l’armée libyenne (essentiellement composée de brigades éparses, les katibas) doit faire face à « trois facteurs de tension », énumère Mathieu Guidère,professeur d’islamologie à l’université de Toulouse-Le Mirail : des heurts entre tribus locales (d’ethnie arabe ou toubou), la présence de partisans de Kadhafi, éparpillés depuis la chute du dictateur et l’arrivée de membres d’al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), en déroute suite à l’opération Serval au Mali (2013).

Malgré l’intervention des katibas la semaine dernière, permettant notamment au pouvoir central de reprendre le contrôle de la principale ville de Fezzan, Sebha, et de la base militaire de Tamenhat (tombée aux mains de kadhafistes), l’insécurité règne encore. Et pour cause : « Cette région, vaste comme un tiers de la France, est impossible à contrôler sur le long terme avec les effectifs dont dispose l’État libyen », pointe Mathieu Guidère.

Le spectre djihadiste

En novembre 2013 pourtant, le Premier ministre Ali Zeidan - récemment victime d’un enlèvement - prévenait (suite à des violences à Tripoli et dans l’est du pays) : « La communauté internationale ne peut pas tolérer un État, en pleine Méditerranée, qui est source de violences, de terrorisme et d’assassinats.«  Un épouvantail agité par le chef du gouvernement pour appeler ses compatriotes au calme. En effet une intervention internationale est loin de faire l’unanimité chez les Libyens.

Beaucoup craignent qu’une nouvelle opération occidentale (à l’instar d’Harmattan en 2011) ne donne lieu à l’émergence « d’un front uni des différents acteurs (pro-Kadhafi, tribus et islamistes, NDLR) contre les troupes internationales », explique Mathieu Guidère. Pis, cela pourrait également créer une sorte d’appel d’air, ameutant des « djihadistes de toute la région » vers la Libye, poursuit-il.

Une nouvelle menace dont se passerait allègrement « le régime libyen affaibli, qui peine à s’imposer face aux autres acteurs locaux qui le défient en permanence (milices, fédéralistes, etc.) », rappelle Saïd Haddad, chercheur associé à l’Iremam/CNRS. D’autant qu’au sein même des institutions, le gouvernement d’Ali Zeidan est « fortement contesté par l’autre organe du pouvoir en Libye, le Conseil général national (assemblée de transition, NDLR) », où le « bloc » islamiste parlementaire lui reproche notamment sa piètre « gestion de la situation sécuritaire et économique du pays ». Cherchant même à le renverser récemment – sans succès – par un vote de défiance.

Un État et des institutions à reconstruire

L’économie libyenne est aujourd’hui exsangue. Outre la corruption omniprésente, des tensions s’accumulent autour de la question du pétrole, principale ressource économique du pays. Les partisans d’une Libye fédérale dénoncent l’inégale répartition des revenus de l’or noir entre les trois régions libyennes. Récemment les autorités locales de Cyrénaïque (est du pays), principal lieu d’extraction pétrolière, avaient menacé un temps de faire sécession, si la manne financière n’était pas également partagée entre les Libyens, où qu’ils vivent.

Actuellement le pays est « en pleine campagne électorale », rappelle Mathieu Guidère. Dans les mois à venir, la population sera invitée à « élire le Comité des 60″, censé plancher sur un nouveau projet de Constitution. Un comité qui aura comme principal défi sur le long terme de « construire un État et des institutions solides », ce dont manque cruellement le pays, depuis la chute de Kadhafi en 2011, explique Saïd Haddad. « Un douloureux et long processus de transition qui se heurte aux urgences sécuritaires internes et régionales qui, elles, sont immédiates. »

Publié le 31/01/2014 Par QUENTIN RAVERDY

Source : www.lepoint.fr

 



02/02/2014
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