ATHENA-DEFENSE

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« Si vis pacem, para bellum, la future loi de programmation sera décisive...

 


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La loi de programmation militaire 2019-2025, voulue par le Président de la République et promulguée le 13 juillet 2018, avait prévu un effort financier de 295 milliards d’euros pour réparer et moderniser les armées, elle a été globalement respectée. La future loi, allant de 2024 à 2030, prévoit une enveloppe de 400 milliards d’euros sur sept ans, si on veut réparer, construire, massifier et répondre à l’ensemble des menaces. En réalité, comme d’habitude, c’est Bercy qui aura le dernier mot et l’enveloppe, déjà rongée par l’inflation, se rapprocherait des 370 milliards, alors que les besoins sont estimés à 430 milliards, soit une annuité en moins.   

 

 

En réalité, celle qui prendra fin en 2023, traduisait, dans sa construction, la confirmation de ce que fut la transformation de nos Armées après la chute de l’URSS. Une Armée (terre, air, mer) légère de projection, adaptée aux conflits de basse et moyenne intensité et de maintien de la paix, réduite dans son format mais inadaptée à une conflit de haute intensité qui avait été considéré comme improbable en Europe. La dissuasion nucléaire ayant été sanctuarisée.

 

 

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Pluton

 

Lors de la guerre froide, notre défense reposait sur trois piliers :

 

-       Une armée classique forte, capable de combattre en second rideau avec les armées de l’OTAN contre une invasion de l’URSS en Europe.

 

-        Des forces nucléaires stratégiques intégrant une composante aéroportée (Forces Aériennes Stratégiques – FAS) dès 1964, une composante aéronavale (Forces Aéronavale Nucléaire – FANu) dès 1978, une composante terrestre (Groupement de Missiles Stratégiques du plateau d’Albion intégré dans les FAS) opérationnel en 1971, et enfin une composante sous-marine (Force Océanique Stratégique - FOST) la même année. Les forces stratégiques se voient attribuer un rôle exclusivement anti-cité.

 

-        Des forces nucléaires tactiques se composant d’un volet terrestre (Artillerie Nucléaire Tactique – ANT) et aéroporté (Forces Aériennes Tactiques – FATAC), destinées à frapper des objectifs militaires, comme des concentrations de troupes ou des infrastructures de commandement dans la profondeur.

 

Après la chute de l’URSS, il a été estimé, même, s’il ne fut à aucun moment question d’abandonner notre parapluie nucléaire, considéré comme une véritable « assurance-vie de la Nation », l’arrêt du programme Hadès, missile préstratégique censé remplacer le missile Pluton ; le redimensionnement du parc de SNLE à quatre unités au lieu de 6 avec la nouvelle classe Le Triomphant ou encore la dissolution des unités servant les missiles stratégiques du plateau d’Albion entre 1996 et 1998.

 

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Missiles S3 du plateau d"Albion

 

En parallèle, le nombre de têtes nucléaires qui étaient de 540 en 1991 est passé à moins de 300, mais ce phénomène ayant été général, en pourcentage, nous possédons une part plus importante, soit 1,9% de l’arsenal mondial, alors qu’en 1991 nous en possédions que 1%.

 

En réalité, ce qui a changé, c’est la perte de cet échelon intermédiaire dite du champ de bataille qui aurait dû être remplacé par des missiles équivalents en portée mais de facture classique, c’est ce qui nous manque aujourd’hui.

 

En 1982, le général Lacaze, chef d'État-Major des armées, expliquait pourquoi la France était dans l'obligation de développer sa force tactique et de pratiquer la dissuasion du « faible au fort », basée sur l’emploi d’une « force nucléaire tactique ». Il décrivait son usage privilégié, qui dans tous les cas ne pouvait intervenir « qu'après une période d’engagement » des forces classiques. Son objectif était de faire comprendre à un agresseur éventuel que la France passerait « immédiatement à l’emploi des forces stratégiques s’il ne ralentissait pas son effort ». L'usage de la frappe tactique signifiant la « détermination d’aller jusqu’au bout ».

 

 

Cet arsenal tactique de la France, à l'époque  était composé de 42 missiles Pluton d’une portée d’environ 120 km, des appareils de la force aérienne tactique, F.A.T.A.C., soit  une trentaine d’avions Jaguar ou Mirage. Enfin, une dizaine de Super Etendards de l’aéronavale pouvant décoller des porte-avions français, « au total plus de 100 charges nucléaires représentant plus de 2 mégatonnes, soit la puissance de 100 Hiroshima ».

 

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SNLE français

 

 

Ce choix de suppression fut dicté par le constat de la diminution de la menace et aussi il faut le dire par la pression politique (bien légitime) sur nos dirigeants de la part de l’Allemagne qui ne voulait pas que son territoire soit transformé en champ de bataille nucléaire.

 

 

Le projet Hadès, censé remplacé le Pluton, fut donc abandonné avec ce qui faisait la force de nos échelons intermédiaires, alors que la Russie n’en faisait pas de même. De la politique du faible au fort, nous sommes passés à celle du tout ou rien… 

 

 

Dans les faits, la dissuasion nucléaire stratégique repose sur une théorie, celle de la peur partagée, théorie qui pour l’instant a fonctionné entre puissances nucléaires, mais n’a aucun effet contre le terrorisme et les Etats voyous et contre les conflits de haute intensité ne menaçant pas directement le territoire national et ne justifiant pas l’emploi de l’arme nucléaire, celle-ci étant considérée comme l’arme du dernier recours ou de la riposte.

 

C’est une arme de non-emploi, puisqu’il s’agit « d’empêcher la guerre » par sa seule présence. 

 

Seul Jacques Chirac, en juin 2001, confirme que l'utilisation de l'arme nucléaire contre « les dirigeants d'États qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous » et également « à ceux qui envisageraient d'utiliser des armes de destruction massive » pourrait être envisagée.

 

Dans ce discours, le président Chirac précise notamment que les intérêts vitaux de l'État, défendus par la force de frappe, comprennent notamment les pays alliés de la France, ouvrant ainsi la voie à une défense européenne.

 

Mais de manière volontaire, le concept de menace sur nos intérêts vitaux n’est pas défini afin de laisser l’incertitude et les armes classiques sont appelées à jouer un « rôle de dissuasion stratégique propre ».

 

C’est pourquoi la force de dissuasion doit s’appuyer sur une armée classique puissante, l’une n’allant pas sans autre, cela fut énoncé et démontré dès 1960 par le général Gallois dans son livre fondateur « Stratégie de l’âge nucléaire ».

 

Or, le   concept fumeux des dividendes de la paix cher à Monsieur Fabius, qui tendait à  faire croire qu’en diminuant les dépenses militaires on pourrait consacrer ces sommes ainsi libérées à des enjeux prioritaires comme la santé et l’éducation, et accessoirement aux problèmes planétaires comme les pandémies, le réchauffement climatique et la pauvreté, (on voit ce qu’il en est advenu).

 

Cela a conduit à un abandon progressif de nos capacités et au rétrécissement de nos armées « classiques » par de véritables « lois de déprogrammation «  (terme que j’emprunte au général Vincent Desportes) et qui a eu pour conséquence de   sacrifier des pans entiers de notre défense.  

 

Nous avons réduit au taquet nos effectifs et nos moyens, tout en maintenant un modèle certes complet, mais anecdotique en volume, avec des effets perverses accélérés par la mondialisation qui consiste en gros à produire ailleurs ce que l’on pourrait produire nous-même afin d’accroitre les profits, tout en posant la question de notre indépendance stratégique et de notre souveraineté.

 

Ce mouvement essentiellement européen s’est accru dans les années 80/90 sans que dans le monde nous ayons pu éviter une seule guerre, y compris en Europe. Ceux qui ont participé aux guerres du Golfe de 1990-1991 et en ex-Yougoslavie entre 1991 et 1999 devraient s’en souvenir.  Mais cela s’est traduit par la dissolution de plus de 150 régiments et unités diverses et par l’impasse sur des moyens considérés comme non prioritaires.

 

-       Par le sacrifice la défense opérationnelle du territoire considérée comme inutile.

 

-       La création d’une armée professionnelle par suspension de la conscription, tout en sacrifiant les réserves, ce qui est une hérésie, alors que l’on aurait dû faire l’inverse, renforcer les réserves pour compenser l’arrêt de la conscription en créant une vraie garde nationale.

 

-       La réduction à la portion congrue des stocks de rechange et des munitions en raison d’une approche comptable imposée par la RGPP (révision générale des politiques publiques) de 2007 qui constitue une démarche de modernisation inégalée de nos administrations publiques, avec un objectif simple : faire mieux avec moins, ce qui s’est traduit en réalité à faire moins bien avec moins, qui se souvient du scandale de la gestion des soldes par le logiciel Louvois et du surcoût induit ? 

 

-       Le complexe militaro-industriel fort heureusement a été maintenu uniquement en raison des exportations, compte tenu du volume réduit des commandes étatiques.

 

La politique du flux tendu a donc été appliquée aux Armées, ce qui a eu pour conséquence de délocaliser les productions essentielles (1) et les approvisionnements stratégiques.   

 

Compte tenu de la diminution des budgets pour des impératifs d’économie souvent de court terme, les commandes ont été décalées ou annulées, ce qui a fortement dégradé nos capacités industrielles en les transformant en capacité artisanale (2) et augmenté le coût d’acquisition des matériels.

 

Ainsi, la Marine Nationale a été contrainte, pour sauver un nombre suffisant de coques, à accepter des navires moins armés que ceux réservés à l’exportation, ce fut le cas pour les FREMM, c’est encore le cas pour les FDI, deux PAN auraient coûté l’équivalent d’un et demi et nous sommes encore aujourd’hui à nous interroger sur l’opportunité de remplacer le CDG ou de prolonger le Charles de Gaulle. 

 

 

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La FREMM Aquitaine à Brest

 

À cet égard, le fiasco financier des FREMM (3) dû à la diminutions des commandes en deux temps en est un exemple, précédé par celui des Leclerc (4) et de biens d’autres matériels.

 

Et plus récemment, en raison de l’aide apportée à l’Ukraine, nous avons diminué de 25% notre artillerie, rechanges et munitions incluses, de 10% notre protection sol-air basse-couche (Mistral et Crotale) et nous allons livrer probablement une cinquantaine d’AMX10RC qui auraient pu servir dans le cadre d’une DOT renforcée.  

 

Interrompue depuis 2018, la livraison des Rafales reprendra en 2023 pour l’AAE qui dispose actuellement de 195 avions de chasse, dont 96 Rafale et 99 Mirage 2000, quand la loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit de la doter de 225 Rafale à l'horizon 2030. Il n’est pas certain que le retard puisse être comblé.

 

Seule la volonté politique de doter la France d'une capacité de dissuasion nucléaire autonome a permis de structurer et de sauver une partie du paysage industriel de la défense, tel que nous pouvons l'observer aujourd'hui.

 

Or, devant la montée des périls et la perte progressive de notre souveraineté voulue et assumée par le président de la République depuis 7 ans, mais aussi par nombre de ses prédécesseurs, un discours équivoque est entretenu sur la nécessité d’une défense européenne dont personne ne veut, hormis la France, en espérant qu’elle en soit leader. Sur les 27 pays faisant partie de la communauté européenne 26 pensent que la défense européenne existe, c’est l’OTAN.

  

Aujourd’hui, nous avons probablement atteint un point de non-retour, des pans entiers de notre souveraineté industrielle s’effondrent, dont l’industrie pharmaceutique, la chimie, l’agroalimentaire, l’automobile, phénomène qui risque de s’accélérer par l’abandon des moteurs thermiques, le nucléaire civil qui a pris, faute d’investissement, du retard sur les concurrents, et dans certains domaines macroéconomiques, nous dépendons désormais totalement de l’étranger, c’est ce qu’a révélé la dernière crise sanitaire du covid et que révèle aujourd’hui la crise des énergies.  De surcroit, le déficit commercial, selon le projet de loi de finances pour 2023, devrait atteindre 156 milliards d'euros cette année puis 154 milliards l'an prochain contre 85 milliards en 2021, ce qui a aussi pour effet d’augmenter la dette, qui s'établit le 16 décembre 2022 à 2 956,8 milliards d'euros, soit une augmentation de 40,0 milliards d'euros par rapport à 2021, elle est à 114% du PIB. Pour donner un point de comparaison, en 1945 après cinq ans de guerre, la dette française se montait à 160% du PIB de l’époque, à ce rythme nous en serons proches dans 3 ou 4 ans.

 

Ce qui échappe fort heureusement à ce tableau peu réjouissant c’est la BITD (la base industrielle et technique de défense), fruit d’un investissement continu de l’État depuis plus de 60 ans, c’est ce qui a maintenu notre aéronautique, notre construction navale, notre nucléaire militaire, notre capacité dans les domaines électronique (radars), dans celui des missiles, de l’espace, à un niveau exceptionnel et unique en Europe.  Les grands groupes de défense (Airbus Group, Dassault Aviation, Naval Group, Thales, MBDA, Nexter, Arquus, Safran) et les 4000 PME qui y sont associées sont des pépites enviées par de nombreuses Nations mais menacées de toute part, y compris par Bruxelles. La vente à l’américain Heico de la pépite électronique Exxelia, qui équipe notamment le Rafale, les sous-marins français, l’A320 et même le F-35, en est un exemple tout récent…

 

 

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RAFALE

 

Le tableau reste sombre, mais nous pourrions être relativement optimistes, si un effort d’investissement massif était décidé marquant ainsi une réelle volonté de remettre la France sur la voie d’un retour de puissance bénéfique pour l’ensemble de notre économie. Le seul poste qui dégage une balance export/import excédentaire est celui de l’aéronautique, de la construction navale militaire, des missiles et de l’électronique de défense ; alors que tous les autres postes s’effondrent, agriculture, industrie, énergie, services, tourisme, etc… Nous sommes régulièrement placé au 3°rang d’exportateur d’armes dans le monde. 

 

Cela est illustré par le succès du Rafale à l’export qui est aussi la conséquence de la préservation de nos capacités de recherche et de développement nationaux.

 

Alors que la coopération entre Etats souverains fonctionne plutôt bien, il est démontré que les coopérations réputées comme européennes sont beaucoup plus difficiles et, en général, plus lentes et plus coûteuses. Le ratio de réussite est faible. « Si l'A400M, le Tigre, le NH90 et les frégates FREMM (avec l’Italie) sont ou seront des succès technologiques et efficaces sur le plan opérationnel, la coopération étatique et industrielle s'est particulièrement révélée quant à elle défaillante en termes de compétitivité. La Cour des comptes le confirme très bien en faisant le bilan de six grands programmes en coopération dans son rapport intitulé "la coopération européenne en matière d'armement". Il a eu quatre flops, un échec et un succès.  Ce n'est pas inutile de le rappeler au moment où la France s'engage résolument dans la coopération européenne dans ce domaine, notamment avec l'Allemagne (drone MALE, système de combat aérien, char...). » sic Michel Cabirol le 19 Avril 2018.

 

 

Et lorsqu’on compare deux avions, l’un issu d’une coopération et l’autre fruit d’une volonté politique nationale, le résultat est parlant.  À chaque fois que l'Eurofighter (de BAE Systems, EADS et Finmeccanica)  a été en compétition face au Rafale, c'est ce dernier qui l'a devancé. (3)

 

Mais il faut être lucide : la guerre en Ukraine a rebattu les cartes en Europe et remis celle-ci sous le parapluie américain par le biais de l’OTAN.

 

C’est pourquoi, le réarmement allemand ira en priorité à l'industrie allemande et en seconde priorité à l’industrie de défense américaine. Quant à la Pologne, qui est en passe de construire la première armée de terre en Europe en volume et capacité, elle s’équipe principalement de matériels américains et coréens, avec en partie des fonds européens, ce qui n’est pas nouveau.

 

Le F35 (B et A) américain sera désormais l’avion standard des forces européennes pour les 50 années à venir. Dans ces conditions, le SCAF franco-allemand- espagnol tel qu’il est défini, qui va mobiliser des ressources considérables à hauteur de 100 milliards, ne volera au mieux, si le projet va à son terme qu’en 2040 et ne sera réellement opérationnel dans les forces françaises qu’à l’orée des années 2050 et 2060, s’il suit le rythme d’équipement en Rafale (4).

 

On pourrait faire la même remarque pour le Système Principal de Combat Terrestre, en anglais MGCS pour Main Ground Combat System, celui-ci au mieux ne verra la jour qu’en 2040, alors que l’on a besoin d’un char successeur du Leclerc ou d’un Leclerc bis, capable de faire la guerre maintenant et non en 2050, au mieux.  Le Leclerc XLR commandé ne fait que combler les obsolescences de la version XXI et l’adapter au programme Scorpion.

 

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 Leclerc XLR (200?)

 

 

On sait déjà que la Pologne n’achètera pas la MGCS (s’il le programme va à son terme), car elle s’équipe aujourd’hui de chars américains et coréens (plus de 1200), seules la Belgique, l’Italie, l’Espagne et la Suède seraient éventuellement intéressées.   Quant aux besoins français, ils ne sont pas exprimés puisque pour l’instant nous nous contentons de prévoir 200 Leclerc modernisés à minima pour 2025.

 

 

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MGCS, la question reste posée

 

Il faudra donc attendre la future loi de programmations 2023-2028 pour connaitre l’avenir du corps blindé français, le plus faible qu’elle n’ait jamais eu depuis la seconde guerre mondiale. S’il s’agit de remplacer 200 Leclerc par 100 MGCS, à seul fin de sauver le couple franco-allemand, ce sera cher payer pour le contribuable, 30 milliards.  

L’Allemagne qui ne cesse d’abandonner les programmes de coopération avec la France, dont le  Tigre Mark III, le MAWS (Maritime Airborne Warfare System, le programme CIFS (Common Indirect Fire System) destiné à remplacer les Caesar français et PzH 2000 allemand, qui a été repoussé « au-delà de l’horizon 2045 », et oublie d’informer la France de son projet de parapluie  anti-missiles avec Israël, a d’autres projets en cours.  

 

 

 

Dans le pseudo-couple franco-allemand il y a de l’eau dans le gaz, une thérapie de couple n’y suffira pas, en raison d’une approche radicalement différente sur tous les sujets, défense, environnement, économie, énergie, élargissement de l’Europe.

 

Couple de raison, la rupture entrainerait la fin de cette Europe qui attire ceux qui n’y sont pas et déçoit ceux qui la pratique. La relation ne tient plus que par un fil, l’Allemagne redevient ce qu’elle a toujours été une Nation continentale et la France bercée par les effluves de la Méditerranée manque de courage et désormais de force pour peser sur l’avenir du monde. 

 

Dans ce contexte, la future loi de programmation sera déterminante, soit elle révèlera une réelle volonté de replacer la France dans le concert des Nations fortes, afin qu’elle puisse jouer le rôle que lui donne son indépendance stratégique, soit elle acceptera de devenir une Nation de seconde importance. Ce choix de la part du président Macron n’est pas fait tant son discours apparait sans cesse faire des allers et retours entre le Yin et le Yang. A un moment, il faudra choisir.

 

Dans tous les cas, les choix seront difficiles, c’est ce que semble dire le ministre à l’heure où j’écris ces lignes : « selon M. Lecornu, les forces françaises ne feront pas l’économie d’une nouvelle transformation. « Les nouveaux dangers nous obligent aussi à engager de nécessaires transitions », a-t-il en effet affirmé. Et de citer les « menaces hybrides », qui « mettent simultanément à l’épreuve nos intérêts politiques, sociaux, économiques, technologiques et énergétiques » tout en créant « un terrain favorable pour ceux qui tentent de diviser la Nation ».

 

La prise en compte de ces menaces « hybrides » sera la source des transformations annoncées dans la mesure où elle se traduira par des « lignes d’efforts dans les champs du cyber, du spatial, des fonds marins, du renseignement, des drones ou de la guerre informationnelle ». Si ceux-ci font déjà l’objet d’une attention particulière, il faudra aller encore plus loin. « De la maîtrise de ces domaines dépendent désormais notre souveraineté et notre indépendance », a fait valoir le ministre. » (5)

 

Or nous avons raté la révolution des drones, nous avons raté le tournant des frappes dans la profondeur, nous commençons seulement à nous préoccuper de la cyberdéfense et de la contre-influence. Nous continuons à regarder les autres parfois avec une condescendance qui frise l’arrogance, or la surestime de soi et la sous-estimation de l’adversaire est la quasi-assurance de la défaite.  

 

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Une munition rodeuse israélo-marocaine? Ce type de drone nous fait cruellement défaut

 

 

Si « Faire la guerre avant la guerre », est anticiper, il ne faut oublier que pour anticiper il faut connaitre son adversaire et pour connaitre son adversaire le domaine du renseignement est tout autant essentiel.

 

Nous sommes, par notre position, contraints à nous préoccuper de la défense de nos intérêts partout dans le monde.  Nous possédons le second domaine maritime après les Etats-Unis (8), lequel est de plus en plus menacé par des intérêts des nouvelles Nations qui se veulent à nouveau impériales.

 

Nous dépendons des voies de communication maritimes et nous assistons à un bouleversement géopolitique profond.  Asie, Maghreb, Afrique, Europe, jamais depuis la fin du XX° siècle, la confrontation des Nations dans leur lutte d’influence n’a jamais été si forte.

Par ailleurs, la politique de sécurité en Europe devra être repensée, mais elle ne pourra se faire sans la Russie, sauf si d’ici là, la confrontation indirecte de l’instant ne se transforme en confrontation directe.

 

Le fameux « Igitur qui desiderat pacem, praeparet bellum », devenu le non moins célèbre « Si vis pacem, para bellum » n’a jamais été autant d’actualité.

 

La future loi de programmation sera décisive, elle devra réparer, combler et préparer, mais dans un cas comme dans l’autre, le débat sur la défense nationale ne peut s’affranchir de celui de l’esprit de défense et de son lien avec la citoyenneté, préparer le citoyen à la guerre afin de préserver la paix  est consubstantiel d’une nation en armes qui ne veut pas mourir, dans ce domaine les Ukrainiens nous donne l’exemple magnifique de ce que nous avions tendance à oublier.

 

Roland Pietrini

 

 

(1)  Un exemple : la fermeture de l’atelier GIAT industries, basé au Mans, chargé de concevoir les munitions du Famas. Leur confection ayant été confiée à des sociétés étrangères, la qualité des douilles s’en est ressentie. Auparavant conçues en acier, et désormais fabriquées en laiton, ce qui réduit la précision du FAMAS. La décision de fermer l’usine GIAT est survenue en 2002 alors que le gouvernement avait entamé une politique de réduction des dépenses d'armement.

(2)  Actuellement, NEXTER est en capacité de produire 20000 obus de 155 par an alors qu’en une seule journée de combat, les Ukrainiens en utilisent 6000, il faut 18 mois pour produire un Caesar, 24 mois pour un Rafale, 11 ans pour construire 8 frégates, nous avons démonté la chaine de production du char Leclerc en prévoyant que seul 200 seraient modernisés a minima.

(3)  Le programme d'armement des frégates européennes multi-missions (FREMM), lancé en 2005 dans sa phase de réalisation, prévoyait l'acquisition à terme de 17 frégates et une commande ferme de 8 unités. Les révisions de cibles successives, décidées dans le cadre des dispositions de la loi no 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, puis de la loi no 2013-1168 du 18 décembre 2013, actualisée, relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, ont ramené cet objectif à 8 bâtiments correspondant au socle minimal pour la conduite des missions de lutte anti-sous-marine. Depuis 2005, l'étalement et les révisions de cibles de ce programme ont entraîné une évolution de son coût de réalisation qui, sur la base du coût des facteurs en vigueur en janvier 2005, est passé de 8 235 millions d'euros pour 17 bâtiments à 6 480 millions d'euros pour 8 bâtiments. Par ailleurs, il convient de rappeler que le concept de frégate de taille intermédiaire (FTI) trouve son origine dans le principe de différenciation posé par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.  (Source assemblée nationale)

(4)  En 1986, l'EPC est nommé Leclerc et l'objectif annoncé est de 1 500, remplaçant les 1 200 AMX-30 et le reliquat d'AMX-13 alors en service. Avec la fin de la guerre froide, il y a une réduction considérable du nombre de régiments de chars, passés de dix-sept en 1988 à six en 2001 et une cible à 406 chars livrés en 2002.

En 1993, la direction générale de l'Armement tablait sur 650 chars de combat pour un                              budget total de 39 milliards de francs français de l'époque, hors engins de dépannage et porte-chars.

En 2001, l’Assemblée nationale estime le coût total du programme Leclerc à 5,7 milliards d'euros (37,4 milliards de francs) dont 3,85 milliards d'euros déjà votés en crédits de paiement. Le coût unitaire moyen est alors de 8 millions d'euros (52,5 millions de francs) (6 549 486,47 € pour un S2), en dépassement de 20 % par rapport aux devis initiaux, en raison des surcoûts du maître d’œuvre industriel, de la réduction de cible de 1 500 à 406 et de l'étalement du programme (Char Leclerc — Wikipédia (wikipedia.org)

 

(5)  Début 2002 quand l'armée de l'air néerlandaise a évalué les appareils en compétition (85 avions de combat). Le F-35 de Lockheed Martin devançait très légèrement le Rafale (6,97 contre 6,95). En revanche, l'Eurofighter Typhoon se traînait loin derrière avec une note de 5,83. La même année, l'appareil fabriqué par le consortium européen était éliminé en Corée du sud dès la phase de présélection (short list) dans le cadre de l'appel d'offre "KF-X" portant sur l'acquisition de 40 avions de combat. L'armée de l'air sud-coréenne classait le Rafale premier des trois appareils évalués (F-15E de Boeing, Eurofighter) à l'issue des évaluations techniques, financières et des offsets (compensations). Au final, c'est Boeing qui avait remporté la compétition sur des critères exclusivement politiques.

 

(6)  En réalité, l'armée de l'Air et de l’espace, n’a pas reçu de Rafale depuis 2016 alors qu’elle en a perdu 24 vendus sur ses stocks (12 à la Grèce et 12 à la Croatie) et ce n’est qu’en 2023 qu’elle recommencera à recevoir des nouveaux Rafale, ce qui l’a contraint à fermer un escadron équipé d'ancien Mirage 2000-C retirés du service et non remplacés. Le premier Rafale qui est arrivé dans les forces date de 2002. Il aura donc fallu plus de 22 ans de 2002 à 2022 pour livrer 110 Rafale (96 +24 qu’elle n’a plus) soit à un rythme de 5,5 par an. L'armée de l'Air dispose actuellement de 195 avions de chasse, dont 96 Rafale (3) et 99 Mirage 2000, quand la loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit de la doter de 225 Rafale à l'horizon 2030 alors que la précédente de 2014 à 2019 en prévoyait 286.

(7)  LPM : M. Lecornu annonce des "choix difficiles" et de "grandes transformations" pour les forces françaises - Zone Militaire (opex360.com) 

(8)    Le domaine maritime français, si on inclut la mer territoriale, la zone économique exclusive et le plateau continental, représente une superficie de plus de 10,2 millions de km², dont 4 804 000 km² au large de la Polynésie, 1 727 000 km² au large des Terres australes et antarctiques et 1 364 000 km² autour de la Nouvelle-Calédonie. La France possède ainsi le deuxième domaine maritime le plus étendu au monde, après celui des États-Unis et bien avant ceux de l’Australie et de la Russie.



14/01/2023
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