Syrie :quelle confusion dans la concision!
Ce lundi 28 septembre à New York, les poids lourds de la diplomatie mondiale échangent sur le dossier syrien. Les occidentaux avec les Russes et les Iraniens s’activent pour convenir d'un "plan d'action" qui permettrait de résoudre le conflit croisé entre les principaux protagonistes, dont les forces de l’État islamique en Irak et au Levant, Jabhat al-Nosra et le front islamiste partagé entre les modérés et les salafistes proches des djihadistes. Quant à l’ASL, les Américains ont tenté d'armer et d'entraîner certains de ces groupes à partir de 2013, sans grand résultat. Ces groupes sont en réalité largement supplantés par les combattants salafistes et djihadistes et concluent régulièrement des alliances de circonstance avec des groupes plus radicaux, souvent formés à partir d’éléments « étrangers ». L’apport des combattants extérieurs et l’action contrariée des Kurdes par les Turcs et celle des pasdarans, complexifient une situation devenue illisible.
John Kerry, le secrétaire d'État américain, a rencontré hier son homologue russe Sergueï Lavrov. Sa déclaration montre l’embarras de la Maison Blanche qui n’avouera jamais que la solution avancée par les Russes est probablement la seule qui serait efficace compte tenu des circonstances. "Il y a eu un vaste échange de vues sur les implications militaires et politiques de l'engagement russe en Syrie, qui s'est accru", a déclaré un haut responsable américain qui a requis l'anonymat. Ils ont également évoqué l'éventualité "de reprendre les discussions en vue d'avancer sur la possibilité d'une transition politique" à Damas. Officiellement, ces entretiens sont censés préparer un entretien entre Barack Obama et Vladimir Poutine qui ne se sont pas rencontrés depuis deux ans. Mais progressivement, la position américaine est condamnée à évoluer, celle de Poutine n’ayant pas variée depuis 2013 « Il n’y a pas d’autre solution à la crise syrienne que de renforcer les structures gouvernementales et de les aider dans le combat contre le terrorisme », tout en désignant l’Etat islamique (EI), dont l’extension dans l’est et du nord de la Syrie, ainsi que de l’autre côté de la frontière avec l’Irak ne semble pas être affectée par l’option -frappe aérienne- de la coalition. Cet échec, Washington ne peut l’assumer qu’en partie et non officiellement. Mais le secrétaire américain à la défense, Ashton Carter indique que l’administration américaine pourrait « trouver des domaines de coopération » si la Russie ne cherche pas simplement à défendre le président Assad. En fait, c’est une victoire pour Poutine qui a montré la capacité de la Russie a projeté des forces à Tartous et Lattaquié. (sans l’apport des Mistral)
Notre président, qui a décidé d’engager deux jours avant la réunion de New York, nos « Rafale » en Syrie, sans renforcer les moyens totaux, simplement en prélevant sur ceux qui interviennent en Irak, a déclaré que la solution favorisée par Paris "suppose d'intégrer toutes les parties prenantes (à la crise), et la France discute avec tous et n'écarte personne". Mais il a réaffirmé son opposition à la participation de Bachar el Assad à la transition : "L'avenir de la Syrie ne peut pas passer par le président syrien …" Fabius, apparemment plus nuancé, continue à défendre l’idée de la nécessité d'entamer des négociations sur une transition politique en Syrie, sans pour autant faire du départ de Bachar al-Assad, c’est nouveau, un préalable aux discussions.
La position de la France est donc « brouillée », le mot est faible. A tenter de vouloir se démarquer de autres sur une position parfaitement « inadaptée » afin d’exister sur le dossier syrien, la diplomatie française est illisible et ce n’est pas nouveau. Cette diplomatie d’invectives et d’impuissance devra faire marche arrière et se plier aux décisions de ceux qui possèdent réellement les moyens de leur politique. C’est-à-dire la Russie, les Etats-Unis, l’Iran et dans une moindre mesure la Turquie. Poutine est d’ailleurs le seul qui possède une réelle capacité (volonté) à projeter une force aérienne et terrestre conséquente auprès de Bachar el Assad afin de peser dans le conflit.
La politique réelle n’est pas la politique de l’émotion, elle consiste à tenir compte des réalités, de toutes les réalités y compris celle qui doit admettre que Bachar el Assad, assassin de son propre peuple ou pas, est un élément incontournable dans la lutte contre les islamistes.
La seconde guerre mondiale nous avait appris que dans une guerre totale on ne choisit pas toujours ces alliés. Churchill l’avait compris avant tous les autres dans sa volonté de composer avec Staline pour vaincre Hitler. Ce même Staline qui assassinait son peuple et qui avait pactisé avec les nazis était incontournable… N’est-il pas ?
On ne mène pas une politique internationale avec des principes de morale élastique basée sur de l’émotionnel, surtout lorsqu’on vend, avec beaucoup d’hypocrisie, des armes à des pays dont le modèle de démocratie est sujet à caution et lorsque l’on ferme les yeux sur les atrocités commises chez certains de nos amis arabes. ( Arabie saoudite)
De Gaulle, dans Mémoire de guerre écrivait : « je volais vers l’orient compliqué avec des idées simples » C’était de Gaulle, il pouvait se permettre d’avoir des idées simples parce que c’était un homme de grande culture qui comprenait le monde de son époque.
Notre napoléon minuscule devra donc manger son bicorne, avec son premier ministre Valls qui déclarait sans rire que « nous faisons des frappes (Syrie) autonomes en lien avec nos alliés » ce qui dans la concision relève de la confusion.
Quand on veut jouer dans la cour des grands on enlève sa sucette, à défaut d’être utile ça fait plus sérieux.
Roland Pietrini
Septembre 2015
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