Syrie : Rien ne sert de tenter de résoudre un problème en oubliant les trois-quarts de l’énoncé.
En plein cœur d'Ankara, un attentat revendiqué par le groupe TAK (Teyrêbazên Azadiya Kurdistan), ou Faucons de la liberté du Kurdistan aurait tué, le vendredi 20 février, vingt-huit personnes et fait une soixantaine de blessés. La revendication de ce groupe, classé sur la liste des organisations terroristes par la Turquie, les Etats-Unis et l'Union européenne, selon Quantin Raverdy du Point, est une branche armée du mouvement kurde, fondé au milieu des années 2000, qui tient à marquer sa différence et son indépendance du PKK, bien que ses membres affirment suivre le même leader : Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 1999.
Cet épisode sanglant fait suite à d’autres précédents en 2010, quand ils font exploser un bus militaire dans la banlieue d'Istanbul, tuant quatre personnes. En décembre dernier, ils ont revendiqué l'attaque au mortier contre l'aéroport stambouliote de Sabiha Gökçen qui a coûté la vie à un employé.
Comme dans toute affaire terroriste ou criminelle, la recherche du "à qui profite le crime ? "est l’un des éléments importants de l’enquête, dans laquelle les intérêts des uns et des autres sont intimement liés.
La Turquie en premier lieu, qui souhaite justifier ses actions en Syrie contre les Kurdes qui, tout en étant en lutte contre Daesh le sont en fait de manière plus générale contre toutes les forces qui pourraient contrarier leur objectif, celui de créer un réel Etat Kurde indépendant dont le territoire pourrait inclure certaines provinces turques.
Or, le fait que les combattants kurdes continuent de gagner du terrain, aidés par l’aviation russe au détriment principalement des rebelles dits «modérés» de l’Armée syrienne libre, rend le gouvernement Erdogan furieux face à cette progression. La destruction d’un bombardier russe par les turcs n’est pas un hasard.
D’ailleurs, Saleh Muslim, le coprésident du Parti de l’union démocratique kurde (PYD) (1) allié du PKK, s’explique sur les objectifs des Kurdes syriens dans le journal Le Temps en réfutant les accusations du procureur d’Ankara accusant les kurdes de cet attentat. « Nous n’avons absolument rien à voir avec cela. Nous n’entreprenons aucune action en Turquie, même lorsque l’armée turque pilonne nos positions en Syrie, comme c’est le cas ces derniers jours. D’ailleurs, nous ne savons rien de ce Salih Necar qui est présenté comme l’auteur de l’attentat. Nous n’en avons jamais entendu parler »
Selon lui, « cet attentat est le résultat des luttes internes à la Turquie. Cela peut être le fait de l’État islamique (Daech) ou d’un groupe comme Jabhat al-Nosra, c’est-à-dire Al-Qaida, qu’Ankara soutient. En tout cas, en nous accusant, la Turquie veut paver la voie à une invasion d’une partie de la Syrie, ce qui est extrêmement dangereux. »
Les Etats-Unis, qui jouent la carte de la Turquie contre la Russie, toute en faisant en sorte de ne pas impliquer l’OTAN, (en tout cas pour l’instant - les futures élections au E.U risquent de réserver quelques surprises si un républicain radical était élu- ) entrainent dans son sillage une Europe frileuse et divisée. Cette Europe, qu’on pourrait qualifier « à la rue », avec une France qui, en rejoignant l’OTAN de la manière dont elle l’a fait sous le règne catastrophique de Sarkozy, (les Français ont la mémoire courte) fossoyeur avec d’autres de notre défense, a abandonné toute indépendance et liberté d’action sur le plan international, fermant définitivement l’épisode d’une France responsable. Celle d’un de Gaulle visionnaire qui se méfiait tout autant des Américains que des Anglais, et menait une politique équilibrée avec la Russie, lorsqu’elle était Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Car, ce n’était pas faire injure à l’histoire que de constater que sans l’URSS, la victoire en Europe en 1945 n’eût été possible.
Nous voilà donc au centre du nœud gordien, il faut lire ou relire la légende de Midas pour en comprendre tout le sens. (2)
Cette crise syrienne n’est que l’épiphénomène qui risque d’emporter, je serais tenté de dire « l’Inhumanité » plutôt que l’humanité, dans un maelström dont nos concitoyens ne mesurent pas encore ni le danger ni les conséquences. Si une confrontation directe entre la Russie et les Etats-Unis est à exclure pour l’instant, nous vivons sans aucun doute, une remise à plat de tous les repères avec lesquels nous étions habitués à vivre jusqu’à présent.
Le découpage du monde imposé par la force par les occidentaux au XIX ° siècle, après 1917 et au cours des conférences de Postdam et de Yalta lors de la seconde guerre mondiale, est en train de s’effondrer. La chute de l’URSS, qui a eu pour conséquence de briser l’équilibre fragile de ce monde du passé, a soulevé le couvercle de la boite de Pandore et nous allons tout droit vers un avenir incertain où les optimistes dans le meilleur des cas ne peuvent qu’entrevoir pour un long terme une redistribution des rôles avec une Afrique qui deviendra dans un avenir très court le premier continent de l’humanité en terme de population, et une Asie qui aspire à une forme d’hégémonie nouvelle. L’Europe pense encore que quelques murs suffiront pour la protéger, imbécile réflexe de protection aussi vain que la construction d’une ligne Maginot hypocrite et inefficace, car l’histoire l’a montré, on ne peut endiguer les mouvements massifs de population qui aspirent à tort ou à raison à trouver la sécurité et à échapper à la misère. Le fait que des terroristes profitent de ces mouvements pour tenter de semer le chaos ne change rien à la réalité nouvelle de ce monde. Mes contempteurs diront que je constate des faits à nouveau sans apporter de solution. Je doute que je puisse rejoindre le groupe des poseurs de certitudes qui, pour la plupart tente de résoudre les problèmes en oubliant les trois-quarts de l’énoncé.
L’une des solutions viendra peut-être, d’une prise de conscience profonde qu’avant de résoudre les problèmes il est nécessaire d’en identifier les causes, toutes les causes, sans aveuglement excessif, accepter que nos « acquits » ne sont désormais que des oripeaux fragiles et que ces pays en guerre ou pas, ne seront maintenus hors de la sphère terroriste que par une industrialisation in situ, hors corruption, afin de lutter contre la misère et maintenir une population exponentielle sur place. Je crains que cette prise de conscience, si elle devait être accepté, ne vienne que bien trop tard.
Roland Pietrini
février 2016
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Le Parti de l'union démocratique (en kurde : Partiya Yekîtiya Demokrat, PYD, en arabe : حزب الاتحاد الديمقراطي, Ḥizb Al-Ittiḥad Al-Dimuqraṭiy), est un parti politique kurde syrien[1]. Son dirigeant est Salih Muslim. D'orientation socialiste démocratique et apoïste, il affronte les troupes du régime syrien et de l'Armée syrienne libre pendant la guerre civile et revendique actuellement le contrôle du Kurdistan syrien.
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L'expression « nœud gordien » désigne, par métaphore, un problème non résolu, finalement résolu par une action brutale. Selon la légende, Midas se rendit sur un char à l’assemblée populaire, dont les membres, violemment opposés, s’apprêtaient à élire le futur souverain. C'est alors que la prédiction d’un oracle (serait roi celui qui viendrait à eux sur son char) leur revint à l’esprit et les électeurs choisirent Midas (homme pauvre entrant dans la ville sur son char à bœufs) pour monarque. Selon Polyen, les partisans de Midas seraient sortis de la ville sous prétexte de participer à une cérémonie orgiaque et après avoir poignardé leurs adversaires, ils auraient occupé la ville, laissée sans surveillance, et proclamé Midas tyran de Phrygie.
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