ATHENA-DEFENSE

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Ukraine-Russie, une conjonction de signaux faibles...

 

 

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Kherson un abcès de fixation

 

Le pire n’est jamais certain, « ce n'est jamais le pire, c'est l'inattendu qui arrive » (1). Le conflit en Ukraine, qui correspond à une forme de guerre hybride dont la définition est suffisamment floue pour laisser place à d’autres définitions tout autant imprécises est en réalité une forme de guerre indéfinie mêlant le conventionnel et le non conventionnel, la guerre régulière et irrégulière, la guerre de l’information et la cyberguerre.

 

 

D’ailleurs, les vingt-huit membres de l’Alliance atlantique n’arrivent pas à se mettre d’accord sur une définition partagée de guerre hybride, tant les menaces sont protéiformes. La guerre en Ukraine est en réalité une guerre totale (2) et multi-vectorielle, visant les populations, qu’elles soient locales ou internationales, afin d’influer sur le cours des événements et dépassant largement le seul lieu du conflit.

 

 

La tentative d’exporter le conflit au dehors du périmètre reçoit une certaine convergence des deux parties. L’un, l’assaillant, se considérant comme assailli par l’Otan et l’Occident, l’autre l’assailli souhaitant que l’occident s’engage beaucoup plus, considérant qu’il combat par procuration face à une Russie dont les objectifs ne se cantonneraient pas à la région objet du conflit direct mais à l’Europe tout entière.   

C’est pourquoi, en cette fin du mois d’octobre 2022, huit mois après le début de l’invasion russe, l’Ukraine subit des frappes ciblées sur les principales infrastructures afin de rendre la vie hivernale insupportable à la population surtout citadine qui serait privée de chauffage et d’électricité, l’objectif de la Russie, parfaitement assumé et déclaré est de provoquer un exode des Ukrainiens vers l’ouest afin de déstabiliser les populations autochtones, rejoignant ainsi les méthodes utilisées par des pays qui ont pour seule arme leur population.   

 

En réalité, une conjonction de signaux faibles font penser à un besoin impérieux de négociation entre l’Ukraine et la Russie.

 

Cette fuite en avant de la part de la Russie est parfaitement calibrée dans la mesure où étant désormais incapable de gagner sur le terrain, elle compte déporter le conflit vers une confrontation indirecte avec l’Occident en recherchant des alliances multidirectionnelles ; Chine, Iran, Algérie, Etats africains, certains Etats d’Amérique du Sud et d’Asie. À l’exception de l’Iran, on ne peut pas dire que pour l’instant cette agitation politico-diplomatique paye, d’autant plus qu’à l’intérieur même de la fédération de Russie des voix différentes se font entendre.  

 

Il faut donc rester prudent mais il sera difficile pour la Russie de durcir encore un peu plus le conflit, les chefs d’Etat-major des armées se parlent, c’est le cas du CEMA américain avec le Chef d’Etat-Major des armées russes Gherassimov, mais aussi d’autres CEM dont le CEMA Français avec son homologue. Des canaux de communication restent ouverts au plus niveau. L’hiver sera difficile, il faudra tenir, mais au printemps il n’est pas exclu que cette fois-ci des canaux diplomatiques s’activent entre la Russie et l’Ukraine cornaquée par les Etats-Unis.

 

 

Côté américain, il y a désormais une volonté réelle de « brider » les Ukrainiens afin qu’ils ne touchent pas les « intérêts fondamentaux » de la fédération de Russie.   

En aucun cas, les Etats-Unis ne souhaitent être contraints à un engagement de l’OTAN sur le territoire ukrainien.  

 

Côté chinois, l’inflation en Europe et aux Etats-Unis gène leurs exportations vers l’Occident, une récession en Europe et une crise financière mondiale provoquée par la Russie serait mal accueillie par la Chine qui mène sa propre guerre (économique) avec ses propres moyens et son propre tempo.

 

Par ailleurs, l’échec de l’armée russe est analysé de très près par les Chinois et ceux-ci  se réjouissent objectivement de l’affaiblissement de la Russie aux marches de l’empire.

Coté fédération de Russie, la pression des Etats fédéraux sur le Kremlin est bien réelle, la plaisanterie pour certains a assez duré et cela donne des idées éventuelles d’indépendance nouvelles.  Le pouvoir central russe fait beaucoup moins peur… une sorte de décolonisation intérieure se dessine….

 

 

Enfin et toujours côté russe, la frappe des infrastructures en Ukraine, paradoxalement, va dans le sens d’un besoin de négociation, faute de victoire militaire, il faut donc jouer la carte de la démoralisation des civils ukrainiens afin de négocier en position de force.

Par ailleurs, l’échec de la mobilisation fait prendre conscience de l’impasse dans laquelle Poutine s’est engagé.  La victoire russe ne peut être militaire, l’échec cependant n’est toujours pas une option. 

 

 

Côté européen, on voit bien que la crise profonde qui se dessine pousse les dirigeants européens à la temporisation, Pologne et Etats Baltes exclus, la Grande-Bretagne est hors-jeu.

 

 

Le danger pour les dirigeants occidentaux est la conjonction des crises, crise sociale, récession et remise en cause de la démocratie, montée des extrêmes face auxquelles ils ne pourraient répondre, la tentative d’affaiblir la Russie ferait alors boomerang.

 

C’est pourquoi tout concourt au besoin de siffler la fin du match et de contraindre à la négociation.  

 

Elle pourrait prendre plusieurs formes :

 

Un cessez le feu au printemps après le « gel » des positions russes et un affaiblissement par l'arrière de l'Ukraine.

 

Une proposition de sanctuarisation et de démilitarisation des Oblasts qui deviendraient de nouveaux Etats tampons. Le cas de la Crimée serait réglé dans un second temps.   

 

En compensation, l’Ukraine s’engagerait par un traité à ne pas entrer dans l’OTAN mais serait favorisée pour devenir un partenaire privilégié de l’Europe.

 

 Roland Pietrini

 

(1)    Euripide né vers 480 avant J.-C. en Salamine et mort en 406 avant J.-C. en Macédoine, est un des trois grands tragiques de l'Athènes classique, avec Eschyle et Sophocle.

(2)    La guerre hybride ou totale, depuis Hannibal et le cheval de Troie et probablement avant, a toujours existé…



25/10/2022
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