Une guerre par procuration en Ukraine
Alors que le président Macron vient d’annoncer la livraison à l’Ukraine des canons Caesar, sans préciser si ceux-ci étaient pris ou pas sur le potentiel de notre artillerie, l’Otan, les E.U et l’Europe après les tergiversations des tous premiers jours semblent avoir pris l’option d’une aide militaire sans restriction aux armées ukrainiennes, celle-ci incluant à la fois du matériel lourd et du renseignement élaboré, c’est-à-dire, immédiatement utilisable par les Ukrainiens.
La perte par les Russes du croiseur Moskwa n’est probablement pas étrangère à cette aide majeure dans le domaine du renseignement.
Mais ce soutien, qui ne paraissait pas évident au tout début du conflit, pose désormais la question du sens donné à l’engagement occidental.
Celui-ci, par son accélération et son ampleur a pour conséquence de transformer un affrontement, jusque-là limité à deux Etats, en une guerre entre deux blocs qui n’est pas sans rappeler l’époque de la guerre froide, mais avec une différence fondamentale, celle de l’irresponsabilité et d’un risque nucléaire nouveau. Il reste l'interrogation de la Chine qui n’a pas encore choisi réellement son camp, sinon pour jouer son propre jeu en Asie et dans le monde.
Les Etats-Unis, une fois de plus, ont joué la carte du déséquilibre en Europe, afin, et c’est une hypothèse, de fixer les Russes sur le front ouest en les affaiblissant, pour tenter de se consacrer entièrement par la suite à la menace chinoise et aussi, autre hypothèse, de créer les conditions de faire entrer définitivement l’Europe dans le giron atlantiste.
Ces hypothèses illustreraient une nouvelle fois, de la part des Américains, une vision binaire du monde, celle du bien dont ils seraient le détenteur face au mal, credo de la politique étrangère des EU depuis des décennies. Le mal étant par définition tout ce qui n’est pas américain, et le bien tout ce qui est soumis à la vision d’un monde ouvert pour les autres et fermé pour eux-mêmes.
Cela a pour conséquence de contraindre l’Europe à tomber aussi dans ce piège de la binarité et de perdre toute capacité à mener entre l’est et l’ouest une politique d’équilibre.
Désormais l’Europe n’a d’autre choix que de se soumettre à la vision américaine du monde, comme l’ont déjà fait la Pologne, la Roumanie et les pays Baltes.
Quant à Poutine, certain de sa puissance militaire, et n’éprouvant que du mépris envers un occident qu’il juge décadent, il serait donc tombé dans le piège tendu par les Américains.
L’Ukraine n’est finalement qu’un prétexte propice à une confrontation par procuration entre l’Occident et la Russie avec pour objectif celui d’un affaiblissement du pouvoir poutinien, pouvant aller jusqu’à sa chute.
Le réarmement de la partie ouest du continent européen, Allemagne en tête, se fera donc sous l’égide des Etats-Unis. Le rêve du président Macron réélu, celui d’un défense européenne se fera à une condition, que cette défense européenne reste sous l’autorité exclusive de Etats-Unis et avec un équipement compatible avec l’Otan, c’est-à-dire américain.
La boucle est bouclée, les Etats-Unis sont sur le point de rafler la mise au risque de plonger l’ensemble de l’Europe dans un conflit majeur, dont ils ne se soucient guère.
La question qui se pose est bien celle de la tolérance de la Russie à ce qu’elle pourrait considérer comme une cobelligérance, comme une déclaration de guerre.
C’est donc en jouant sur la peur que l’Otan est devenu un outil de puissance antirusse sur le dos des européens, qui sont d’ailleurs les seuls concernés et les seuls exposés.
En réalité, cette histoire a commencé dès 1990 avec Madeleine Albright, secrétaire d'État de Bill Clinton, de 1997 à 2001. Elle a géré la guerre de Yougoslavie menée par l’Otan, orchestré les nouvelles étapes de la mondialisation économique, mais surtout, milité pour l’élargissement de l'OTAN vers l'Europe de l'Est.
Cette poussée de l’Otan vers l’est que j’ai dénoncé à plusieurs reprise qui n’était pas justifiée à l’époque par une menace russe, mais considérée comme une menace directe par le Kremlin, n’excuse pas la politique expansive de Poutine, n’excuse pas non plus l’agression en Ukraine.
La Russie pouvait très probablement utiliser d’autres moyens de pression, notamment en jouant sur les divergences européennes, en utilisant l’arme du pétrole et du gaz, en renonçant à une vision impérialiste d’une Russie puissance impériale, qui s’est traduite par son implantation en Syrie, et une politique africaine et au Levant particulièrement agressive, mais aussi par son intrusion dans les politiques intérieures européennes et américaines et ses tentatives de déstabilisations par des moyens cyber et d’agitprop.
Mais Poutine, en se lançant dans cette aventure ukrainienne, a commis des erreurs dont il ne peut aujourd’hui se sortir sans accepter des concessions, car le coût de son aventure a largement dépassé le gain espéré.
Il a commis plusieurs erreurs tactiques et stratégiques, entouré par des conseillers incapables de lui apporter la contradiction et parce qu’il était convaincu de sa puissance. Mais surtout, il a sous-estimé son adversaire, ce qui en l’occurrence est une plus qu’une erreur, une faute.
Il pensait aussi que le sentiment de culpabilité de l’Occident suffirait à fissurer l’union des pays de l’Otan, or c’est le phénomène inverse qui est survenu, la solidarité entre les occidentaux en raison de la peur que cette intervention a produite a soudé les pays membres autour de l’Alliance Atlantique et créé de l’appétence pour d’autres.
Poutine est devenu involontairement le meilleur prescripteur pour une OTAN forte et une Europe solidaire.
C’est pourquoi la chute de Marioupol et la lente avancée dans le Donbass et Louhansk ne suffira pas à faire oublier les revers d’une armée russe mal préparée, mais surtout mal commandée.
Poutine est tombé dans un piège qu’il ne pouvait concevoir, pire encore, ce piège, et l’histoire le dira, ne fut même pas imaginé par les puissances occidentales, il est le résultat d’un concours de circonstance et d’une réaction à la peur.
L’objectif suivi par Poutine d’annexer l’Ukraine a eu pour effet de renforcer l’OTAN, à un point tel que la Suède et la Finlande veulent y entrer, de faire apparaitre de nouveau la Turquie comme un allié otanien majeur, de faire prendre conscience de la faiblesse de l’Europe dans le domaine de la défense et de sa dépendance énergétique, la poussant à la fois à se tourner vers des solutions alternatives, et d’autres marchés pour l’énergie mais surtout la contraignant au réarmement.
C’est pourquoi cette guerre échappe désormais à Poutine comme elle risque d'échapper aux dirigeants occidentaux.
Cette guerre par procuration est celle de nos inconséquences.
Je la déplore d’autant plus que ce peuple russe et ukrainien a souffert du stalinisme et du socialisme totalitaire de 1922 à 1991. Ils ne méritaient pas cette nouvelle épreuve.
Les fantômes du passé ont surgi de nulle part, on les avait oubliés, ils se rappellent à notre souvenir.
Roland Pietrini.
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