ATHENA-DEFENSE

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Le défi diplomatique français.

Le défi diplomatique français.

 

 

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Juste derrière les Etats-Unis et la Chine, la France possède un réseau diplomatique dense, le troisième au monde, avec plus de 160 ambassades. Elle devance la Grande-Bretagne et l’Allemagne.  Dix mille diplomates ou assimilés sont en poste à l’étranger, sans compter avec les personnels détachés issus des autres ministères, dont les ministères des Armées, de l’Intérieur, de l’Economie, de la Culture et de l’Education nationale.

Le réseau consulaire est aussi l ’un des plus étoffé au monde avec 89 consulats et 133 sections consulaires. Compte tenu de ce réseau particulièrement dense, la France possède donc les moyens de sa politique, encore faudrait-il connaitre quelle politique elle propose et quels objectifs elle poursuit. Où se situe-t-elle sur l’échiquier international ? Si la question devait être posée aux Français, il n’est pas certains que ceux-ci puissent y répondre de manière claire. Il faut espérer que la ministre y réponde, à moins que seul le Président de tout et de tous les Français possède cette compétence. 

 

Des Diplomates ? Pour quoi faire ?

 

La ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères, Madame Colonna, a reçu, le 15 mars 2023, le comité des États généraux de la diplomatie pour la remise de son rapport intitulé Pour un plan de réarmement de la diplomatie française.

J’ai tenu à lire ce rapport qui aura attiré si peu l’attention, après lecture on en devine la raison. 

Ce rapport préconise quatre transformations, qui reposent sur quatre priorités.

-       La première est l’adaptation au changement du monde, devenu plus « liquide » comme le définit le Président de la République lors de son dernier interview sur un Le Point du 24 août, ce qui implique une meilleure analyse stratégique.

 

-          La seconde est l’investissement dans le champ de l’influence en rétablissant une politique d’influence qui couvre à la fois la communication et la coopération culturelle.

-          La troisième piste est celle de prendre « pleinement le tournant des enjeux globaux », à l’échelle nationale et européenne, en formant « des coalitions sur des enjeux tels que, le climat, la biodiversité, l’alimentation, l’éducation, la santé ».

 

-          La quatrième est le rapprochement de la diplomatie auprès des Français en modernisant les consulats et en travaillant « avec les autres acteurs de l’action extérieure que sont les collectivités territoriales et la société civile ».

 

J’aurais aimé que soit aussi abordé d’autres domaines touchant à la diplomatie, dont l’un est essentiel, celui du commerce extérieur français et de son inexorable chute, car les ambassades ont aussi pour vocation par le biais de leurs conseillers et attachés commerciaux, indépendamment des grands groupes, à aider les entrepreneurs français à faire connaitre leurs produits, et surtout les exporter. 

C’est surtout le cas pour les PME et les moyennes entreprises, qui se trouvent parfois défavorisées par rapport à leurs concurrents directs, aidés et appuyés par les formidables machines de guerre que sont dans ce domaine les ambassades de nos « amis » allemands, italiens, turcs, chinois, américains et désormais russes pour les plus actives, au point que souvent il est constaté que l’on ne court pas dans ma même catégorie.

 

Le problème est ancien, mais notre retard dans l’intelligence économique reste patent et une autre des raisons est celle de notre approche bien française de la diplomatie qui semble privilégier plus le politique et le culturel considérés comme nobles alors que le commerce et les échanges ne le seraient pas. Certains de nos compétiteurs ne s’embarrassent pas de tels pudeurs et jouent le pragmatisme plutôt que le romantisme.

 

 Des états généraux de la diplomatie

 

 

La lecture du rapport et de ses 1000 propositions est édifiante sur plusieurs points.

 

Outre le discours préalable et de circonstance indispensable et dans l’air du temps, sans lequel rien de sérieux ne saurait être proposé, je cite :

- Continuer de promouvoir une meilleure représentation des femmes au sein de l’encadrement supérieur et intermédiaire

 – favoriser une meilleure inclusion des personnes porteuses de handicap tout au long de leur parcours professionnel

- renforcer les programmes existants en matière de diversité »

 

Il faut attendre la fiche 6 pour redécouvrir la nécessité de réinvestir les trois vecteurs majeurs de la diplomatie culturelle, scientifique et économique sur la base d’une stratégie globale, de priorités claires et moyens renforcés.

 

 

Une stratégie globale ?  

 

 

Curieux de nature et de naturel taquin, j’ai donc cherché où se nichait la réflexion sur cette fameuse stratégie globale.  Après avoir parcouru le document de 296 pages, je n’ai pas trouvé, mais j’ai probablement mal lu. On me répondra que ce n’était ni le but ni le sujet.  Ce rapport, avait, paraît-il, « pour ambition de refléter la perception que les agents ont des conditions d’exercice des métiers de la diplomatie et propose, en outre, des recommandations concrètes et opérationnelles pour renforcer l’efficacité de notre diplomatie ».

 

 

C’est probablement pour cette raison que des passages entiers sont consacrés, (oui encore) à l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans le déroulement de leur carrière, au point où je me suis demandé si ce document avait été écrit par un autre ministère contre lequel, je vous rassure, je n’ai aucun grief.

 

 

L’art de dire pour ne rien faire

 

Ce document issu donc d’une consultation qui a touché plus de 15000 personnes ayant reçu un questionnaire débouche tout de même sur un millier de propositions, dont 20 sont en forme de chapitre. J’en ai retenu cinq, je l’avoue, tout à fait au hasard :

 

-          Asseoir (notre analyse politique), renforcer (notre compétence), se doter (des moyens adapté à notre action), optimiser (nos méthodes de travail), assurer (la parité) etc... N’étant pas d’un naturel masochiste, j’ai arrêté là ma lecture, épuisé et un tantinet inquiet en me posant une seule question. L’énumération de verbes à l’infinitif est-elle synonyme d’action ?

 

La qualité d’un tel document ne pouvant être mise en doute, la liste des personnalités consultées ainsi que leur expertise, je pensais trouver réponse à quelques questions essentielles sur la diplomatie française : son utilité à prévenir les crises, sa capacité à préserver la paix, sa réactivité, en quelque sorte sa manière à elle de gagner la guerre avant la guerre.

 

 

Je ne suis pas certain que la rapporteur et diplomate de carrière, Jérome Bonnafond, ait été lui-même convaincu d’un tel travail, je ne suis pas certain qu’il ait trouvé là un exercice à la hauteur de ses indéniables compétences. Dans son livre « Diplomate pour quoi faire ? » il se pose cette question en démontrant ainsi une qualité d’introspection remarquable. « La diplomatie se caractérise par la recherche permanente de compromis acceptables avec le réel au présent ». On ne peut que partager ce point de vue, ainsi que la qualité de son ouvrage.

 

Mais progressivement, nous basculons vers un modèle de diplomatie à l’américaine sans les moyens qui vont avec, dont celui de designer des ambassadeurs au dehors du corps des diplomates de carrière. Si cela n’était pas le moyen éventuellement de caser quelques amis de la sphère au pouvoir cela ne serait pas problématique. Il faudra donc être attentif aux nominations pour en mesurer l’effet. Car être diplomate est un métier, la connaissance des langues et des civilisations ainsi que les techniques en font partie. Mais il ne peut y avoir de diplomatie et donc de diplomates sans une colonne vertébrale, celle d’une politique. Le moins que l’on puisse dire est que celle-ci a perdu de sa vigueur et de sa cohérence. 

 

En réalité, la diplomatie ne peut être efficace que si elle s’appuie sur une volonté, celle de s’affirmer en tant que puissance. Celle d’affirmer sa souveraineté.  

 

Est-ce aujourd’hui le cas ?

 

Ce rapport oublié à l’instant même où il a été publié est une énumération sans grande consistance, il ne changera en rien l’avenir de la diplomatie française. 

 

 

La respiration de la France

 

Cette diplomatie qui est la respiration de la France à l’extérieur, fait partie du domaine réservé du président de la République, Emmanuel Macron, au même titre que la défense, mais on aurait souhaité de sa part une approche moins tonitruante et plus discrète.

Ses leçons de diplomatie données urbi et orbi semblent indisposer de plus en plus un nombre croissant de nations, y compris parmi les alliés, c’est le cas en Afrique, Asie, en Europe où nous avons réussi à détruire nos liens avec la plupart des ex-pays de l’est. 

 

Ce jeune et sémillant président du début de son mandat qui tranchait avec ses prédécesseurs apparait aujourd’hui incapable de fédérer les énergies pour construire une Europe puissance qu’il veut bâtir en imposant une supranationalité européenne.

 

Mais les peuples ne veulent ni d’une Europe de la défense, ni d’une Europe de la diplomatie, tant les deux sont indissociables, ils souhaitent une Europe des Nations. 

 

Ce supranationalisme est la garantie de n’aboutir nulle part, sinon à l’affaiblissement des nations, à une impasse.

 

Ce rapport mais aussi la toute dernière intervention du 28 août de notre Président à la « conférence des ambassadrices et les ambassadeurs » aussi brillante fût-elle n’augure pas de l’avenir, nous avons été si souvent déçus par des discours brillants qui ne précédaient que des inactions, toutes aussi étincelantes !

 

La diplomatie de la France fut celle des Talleyrand, Chateaubriand, Claudel, Saint-John Perse, Giraudoux, Romain Gary ou plus récemment Cassin, Deniau, Rufin, elle s’appuyait surtout pour les premiers sur une France forte et respectée.

 

Est-ce le cas aujourd’hui ? Je laisse à chacun le temps d’y réfléchir.

 

 

 

Roland Pietrini

 



29/08/2023
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