Scorpion, Titan et la haute intensité.
Colonne de chars T64BV Donbass
Alors que nous entrons dans un monde de plus en plus instable où le retour du choc des empires n’est plus exclu, où la possibilité d’un conflit de haute intensité dans lequel nous serions engagés est de moins en moins improbable, il apparait utile de faire le point sur deux programmes majeurs dénommés Scorpion et Titan qui engagent l’armée de terre sur des décennies et de les mettre en perspective.
Ils visent la modernisation de l’armée de terre et au-delà, son adaptation aux conflits futurs. Si le premier, Scorpion, après de nombreuses études incrémentales [RP1] est passé dans sa phase d’industrialisation et renouvelle progressivement le secteur médian, le second, Titan, pour le secteur lourd n’en est encore qu’au tout début de la phase d’évaluation des besoins.
Scorpion est désormais dans sa phase de production industrielle et de réception dans les unités. C’est une GME franco-française, réunissant Nexter Systems, Arquus et Thales avec MDBA, qui en est leader, avec des objectifs remarquablement tenus et le CDEC[RP2] en définit l’emploi, les procédures au niveau tactique et en expérimente les doctrines futures. Pour l’instant, les objectifs intermédiaires semblent atteints. La maitrise de l’ensemble du process est un gage de succès.
Titan n’en est qu’au tout début, il est soumis aux aléas d’un coopération avec essentiellement l’Allemagne, avec pour conséquence de nombreuses incertitudes sur fond de concurrence industrielle mais aussi d’écart entre les différents besoins exprimés.
En l’état, il faut constater que les cinq grands programmes lancés en coopération en bilatéral ou en multilatéral en 2017 par la France, qui en eut l’initiative, et l'Allemagne pour l’essentiel, sont tous à des degrés divers dans une impasse. L'Eurodrone attend le financement de l'Espagne tandis que le MGCS (char du futur) et le MAWS [RP3] (patrouille maritime) restent à risques encore, sans parler du SCAF (système de combat aérien du futur) et de la modernisation de l'hélicoptère de combat Tigre.
Or, pour l’armée de terre française, Titan avec le MGCS ou char futur et son environnement est un projet majeur. C’est aussi celui du renouvellement de l’ensemble du segment de décision de l’armée de Terre – avec le CIFS[RP4] , SABC[RP5] , et les successeurs des Tigre et VBCI.
Chaque tergiversation repousse Titan au-delà de 2040. Ces programmes extrêmement couteux dont on sait que le calendrier initial ne peut être respecté est aussi soumis à la « loi d’Augustine » [RP6] par sa dynamique de hausse des coûts difficile à freiner.
TITAN est en réalité le prolongement des ambitions de Scorpion. Il est censé combler nos nombreux déficits capacitaires en char, artillerie, robots terrestres, drones, missiles. Sans l’aboutissement de cette ambition, la question sera donc de savoir combien de temps l’armée de terre française restera au stade d’une armée de projection légère, certes performante, mais inadaptée à un conflit de haute intensité.
T72 des Forces armées arméniennes à proximité de la vile de Vagharshapat, en Arménie. (Crédits photo : Shutterstock / Gevorg Ghazaryan)
Une armée de terre française qui serait engagée, en l’état, avec des alliés et des partenaires mettant eux-mêmes en œuvre des capacités de haut du spectre (segment lourd, artillerie longue portée et sol-air basse couche notamment) et qui, faute de les posséder, ne pourrait prendre qu’une place secondaire dans une coalition.
Ce qui serait indigne pour une nation siégeant au conseil de sécurité et souhaitant conserver une influence mondiale. Faut-il rappeler qu’on ne considère pas les Nations en raison de leur puissance passée et fantasmée mais sur leur capacité à peser dans les rapports de force ? Le sujet de notre capacité nucléaire de dissuasion uniquement défensive est une autre question.
Or, pour atteindre cette capacité de format et de puissance, perdue depuis des décennies, nous devrions donc attendre encore entre 20 et 30 ans. Cela parait difficilement tenable, pourtant, des solutions intermédiaires plus rapides existent à moindre coût, je ne les évoquerais que brièvement.
Dans ce contexte, il n’est donc pas inutile de faire le point sur ces programmes et de réfléchir à leur développement.
Le programme Scorpion (synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation) [RP7] a pour objectif de renouveler et de moderniser les capacités de combat du secteur médian de l’armée de terre. Ce programme ira à son terme car il est conçu et construit dans un cadre strictement français, la Belgique[RP8] nous a rejoint très opportunément et utilement dans ce projet et on ne peut que s’en réjouir.
Réduire le programme Scorpion aux seuls remplacements des VAB, VAB Hot et VBL dont la conception remonte à plus de 45 ans [RP9] par le GRIFFON, le JAGUAR et le Serval[RP10] est donc à la fois approximatif et inexact. Avec Scorpion, l’armée de terre aura totalement renouvelé son secteur médian à l’horizon 2030, il sera partiellement dronisé et robotisé et l’intelligence artificielle commencera à intégrer des éléments majeurs. Cette révolution dont on ne mesure pas encore totalement tous les effets cognitifs n’est pas sans poser de problème. Le chef devant ses écrans aura-t-il toujours conscience de la réalité du terrain ? N’aura-t-il pas tendance à vouloir intervenir à un niveau subalterne pour reprendre la main ? L’intelligence artificielle prendra-t-elle le pouvoir sur le combattant ? Jusqu’où pouvons-nous pousser la déshumanisation par les robots terrestres, les drones, les munitions rodeuses ?
Au-delà de la communication officielle qui vante légitimement un tel système, les études démontrent que, confronté aux potentialités des adversaires possibles, la puissance de feu et la masse ne peuvent être totalement remplacées par la seule supériorité technique[RP11] . « La culture américaine – qui donne à la technique un rôle central dans la résolution des problèmes – est à l’origine de la dérive vers le «technologisme[RP12] »
Le secteur médian (et Titan dans le futur) sera intégré dans un maillage d’information, le SICs[RP13] , permettant la dilution des forces et la connaissance instantanée des positions amies (blue force tracking) et ennemies (red forces tracking advances), ce qui est censé accélérer la manœuvre, tout en permettant une meilleure répartition des moyens dans l’espace du champ de bataille, dans une thématique d’organisation militaire augmentée.
Réagir avec un temps d’avance sur l’ennemi dans un partage d’information instantané fera sans nul doute évoluer la tactique du champ de bataille.
Un document du CDEC[RP14] permet de réfléchir sur le changement que représente la constitution d’unités info-valorisées de type Scorpion.
Plusieurs points sont à souligner.
- Grâce à la remontée de position automatisée et à l’échange de données permanentes entre les combattants, la situation tactique AMI va devenir plus claire pour les chefs au combat, jusqu’au niveau des chefs de section et de peloton.
- Le combat de haute intensité moderne pourrait faire entrer les plus petits niveaux tactiques dans des univers qui jusqu’à ce jour ne les concernaient pas ou peu. Pour emporter la décision dans ces conditions, SCORPION donne aux forces la faculté de combattre efficacement dans un environnement électromagnétique contesté, tel que le brouillage des flux de données, mais où les drones, les robots terrestres, les cyberattaques, sont des dimensions nouvelles d’un combat sans nul doute plus complexe et plus intrusif.
- C’est la raison pour laquelle, « la plus-value technique doit conduire les unités SCORPION à modifier leur rapport à l’action, ce qui permet de passer du combat collectif au combat collaboratif, chaque fonction prenant part au combat disposera d’une vision équivalente du champ de bataille. Dans le combat interarmes classique, collectif, les appuis et les renforts concourent à l’accroissement des effets de la fonction intégratrice. Dans le combat collaboratif, la fonction intégratrice doit, dès le niveau du SGTIA[RP15] , superviser la conjugaison des appuis et des renforts, pour produire un effet original, supérieur au précédent. L’anticipation devient donc un élément essentiel pour emporter la décision. « Le chef interarmes n’aura vraisemblablement d’autre choix que de s’appuyer largement sur des subordonnés bien informés et peut-être, limiter sa conduite à un commandement par veto. Faisant ainsi, il pourra en revanche accompagner et même renforcer l’accélération décisionnelle, en portant l’effort de son attention sur le temps qui vient, c’est-à-dire anticiper »[RP16] .
Dans cette vision toute intellectuelle, d’un champ de bataille M2CM[RP17] , il ne faudrait pas oublier un élément important de la problématique, celui de la connaissance des capacités de l’adversaire. Or, la vision aussi juste que possible du champ de bataille et donc de son ennemi est rarement évoquée tant il est difficile de caractériser un ennemi possible, ce qui reste une forme d’hypocrisie[RP18] , mais qui a souvent pour conséquence de le sous-évaluer au risque de biaiser les résultats des exercices lorsqu’on confronte une force amie future d’un horizon 2040, face à un ennemi figé [RP19] dans une conception largement dépassée des années 2000.
Car l’adversaire de 2040 aura, sans nul doute, évolué lui aussi et celui qui nous intéresse est aussi tout autant celui du présent et dans cette hypothèse nos faiblesses capacitaires sont clairement identifiées et demanderaient une attention toute particulière et un solutionnement urgent.
Comme l’a souligné le Général Schill, CEMAT, lors de son audition devant la commission de la défense et des affaires étrangères du Sénat, deux des plus importantes faiblesses capacitaires actuelles de l’Armée de terre, pour répondre aux besoins de l’engagement de haute intensité, se concentrent sur les domaines de l’Artillerie et de la défense antiaérienne. « La situation est effectivement critique[RP20] , avec seulement 77 systèmes CAESAR en service et une poignée de Lance-roquettes unitaires ou LRU (13), épaulés de mortiers tractés de 120mm et de quelques dizaines de canons automoteurs AUF1 hérités de la guerre froide et plus à même de mener des engagements modernes. Rapporté aux effectifs de la Force Opérationnelle terrestre, le taux de pièces d’artillerie des forces françaises est 5 fois moindre que celui des forces russes[RP21] , (comparaison n’est pas raison, l’Allemagne possède 2 fois plus d’obusier et LRM, l’Italie idem, Algérie 4 fois plus que la France), un écart de puissance très significatif, aggravé qui plus est par le manque de capacité à moyenne et longue portée. »
Nous pourrions y ajouter le manque de munitions et de missiles qui obère nos capacités de résilience. La question qui se pose réellement est bien celle de notre capacité à tenir au-delà de quelques jours dans un conflit de haute intensité.
À titre d’exemple, « Le conflit au Haut-Karabakh à l’automne 2020 [RP22] a été l’un des exemples les plus frappants du retour de la masse en tant que facteur de supériorité opérationnelle. Avec une force déployée très largement supérieure à celle que l’Arménie pouvait mobiliser, la victoire de l’armée azerbaïdjanaise montre qu’à la guerre, la quantité peut être une qualité en soi »
On peut en retenir quelques enseignements sur un conflit qui a duré seulement 44 jours.
- La guerre de haute intensité est une guerre de stocks, une guerre économique, très consommatrice en équipements et munitions. Nos stocks sont au plus bas et nos équipements opérationnels sont taillés au plus juste, sans capacité de résilience, la résilience étant tout autant celle de sécuriser le territoire, d’où l’intérêt de la DOT et des effectifs équipés dédiés.[RP23]
- La guerre de haute intensité signifie aussi, potentiellement, des pertes humaines et matérielles beaucoup plus importantes que celles subies aujourd'hui par les armées occidentales dans leurs opérations extérieures. Nous pouvons douter de la capacité de la population à accepter des pertes importantes.
- S'agissant des pertes humaines, cette guerre a tué 4 000 soldats au moins côté arménien, dont beaucoup de jeunes qui effectuaient leur service militaire. Soit plus que les pertes au combat que nous pouvons déplorer depuis 1963, 773 en presque 60 ans…
Pour l’armée de terre, nous ne sommes qu’au tout début de la prise de conscience de notre retard et de nos manques capacitaires, mais cette prise de conscience touche aussi l’ensemble des Armées et la société. [RP24]
Dans le domaine de l’emploi de nos armes, nous sommes au tout début de la restauration de savoir-faire via la mise en œuvre d'un mandat exploratoire de transformation (dit Structures Génériques de Forces [RP25] - SGF dans le cadre de la Directive de Préparation Opérationnelle des Forces Terrestres 2021-2025). C’est une excellente nouvelle, il n’est jamais trop tard pour bien faire…
Il n’en demeure pas moins que l’analyse des conflits modernes montre que nous avons encore un long chemin à parcourir. Les efforts que nous devons faire pour mettre nos forces terrestres au niveau de ce qu’elles devraient être dans l’hypothèse de notre participation à un conflit de haute intensité sont considérables et pour l’instant nous ne sommes qu’au stade de la réparation d’un outil patiemment détruit par 30 ans de restriction et de RGPP. Le réveil est douloureux.
L’amiral Pierre Vandier chef d’Etat-major de la Marine a résumé lors d’un récent colloque une situation qui est transposables aux autres armées. Je cite de mémoire « un second porte-avions c’est 20 Rafale supplémentaires, 3 frégates, deux SNA, 3000 marins, cela ne dépend donc pas de moi mais de la représentation nationale, et de vous par vos bulletins de vote » cela dépend aussi, et c’est ce qu’il sous-entendait, d’un effort financier considérable. Et d’ailleurs le CEMA comme les trois CEM des trois armées sont tous en accord. Il faut passer par une phase de réparation de nos armées avant d’en augmenter la capacité. En réalité, nous prenons le départ du parcours du combattant avec une jambe de bois.
Le général Schill, chef d’Etat-major de l’Armée de terre, lors de son audition au Sénat, a indiqué qu’il est indispensable à l’Armée de terre d’être en mesure d’engager une force armée à l’échelle d’une division, c’est à dire une force opérationnelle rassemblant 15 à 20.000 combattants agissants de manière coordonnée sur le champs de bataille. Or, le format actuel de l’armée de terre ne lui permet au mieux que de déployer à court terme une seule brigade et dans un délai de trois mois de passer à 3 brigades.
Le Leclerc avec un canon de 140, complété par un drone et un système hard kill, pourrait être un système d’arme redoutable. La relance des chaines de fabrication est possible. D’autant plus que l’Inde pourrait s’intéresser à cette version.
Mais pour engager le format d’une division à 3 brigades[RP26] , dans un délai court, correctement équipées, appuyées et approvisionnées, « cela supposerait, dans les faits, d’augmenter les effectifs opérationnels de l’Armée de terre de près de 40.000 à 50.000 hommes, soit 35 à 40 régiments, mais également de les équiper, de les entrainer et de les loger ». « Pour y parvenir, il serait nécessaire d’augmenter le budget dédié à l’Armée de terre de 6 à 8 Md€ par an, ainsi que de mettre en place des procédures de recrutement largement renforcées pour augmenter le nombre de candidats, ainsi que la fidélisation des militaires eux-mêmes. » Pour paraphraser de Gaulle, vaste problème ! [RP27] Car les autres Armées ont aussi des besoins impérieux.
En vérité, la problématique est la même pour l’armée de terre mais aussi pour les deux autres armées, Marine et Armée de l’air et de l’espace. Elle se résume de manière triviale, mais cela a le mérite d’être clair, pour ceux qui ont fait des efforts depuis 20 ans en subissant toutes les restrictions budgétaires, tout en maintenant contre vents et marées un outil opérationnel a minima mais complet : Des sous !
L’argent étant, chacun le sait, le nerf de la guerre, ce n’est qu’en faisant passer le budget des armées à 3% du PIB ou à 60 milliards que nous pourrions reconstruire une armée digne d’un pays comme la France. Qui aura le courage de l’imposer ? Un seul candidat aux élections présidentielles propose d’augmenter à l’horizon 2025 le budget à 60 milliards. On sait ce que valent les promesses qui n’engagent que ceux qui les écoutent.
Quant au président en exercice, on a aucun doute dans l’hypothèse où il se représente, ce sera l’Europe, l’Europe, l’Europe de la défense, dans l’Otan…, mais sans l’Allemagne, l’Italie, les anciens pays de l’est, (Pologne-Hongrie, Tchéquie, Roumanie etc..) qui ne jure que par une défense Otanienne sous l’égide des E.U d’Amérique.
Nous sommes très loin de la vision de de Gaulle, « Oui, c'est l'Europe, depuis l'Atlantique jusqu'à l'Oural, c'est l'Europe, c'est toute l'Europe, qui décidera du destin du monde ! ». L’Europe s’est soumise à la toute puissance des Etats-Unis, qui pourtant ne sont intervenus que très tardivement lors des deux conflits mondiaux. Le 6 avril 1917 pour la première guerre mondiale et le 11 décembre 1941 pour la seconde. Ah ! l’oublieuse mémoire.
Scorpion n’est donc qu’une réponse partielle sur fond de problématique complexe dont les enjeux sont politiques, qui ne saurait faire oublier la seconde brique de cette montée en puissance qu’est Titan[RP28] .
Ainsi, en 2040, (dans 18 ans !) si tout va bien, nous serions capables d’engager « une force opérationnelle [RP29] terrestre de 77 000 hommes, déployable à l’extérieur comme sur le territoire national, comprenant un état-major de commandement de niveau corps d’armée (CRR-FR), les forces spéciales terrestres, une force interarmes SCORPION à deux divisions englobant six brigades interarmes, une brigade d’aérocombat, des unités d’appui et de soutien opérationnel, les unités prépositionnées à l’étranger et celles implantées dans les outre-mer, ainsi que la contribution française à la brigade franco-allemande. Les six brigades interarmes seront articulées en trois composantes complémentaires (blindée, médiane et légère) qui garantiront l’aptitude à s’engager sur tout le spectre des opérations, y compris dans l’urgence ». Or, à ce rythme de progression, la différence entre forces blindées et médianes n’est que sémantique, nous ne possédons en réalité que des forces médianes renforcés par des éléments blindés en l’occurrence des chars de type Leclerc. En réalité, une force blindée puissante et protégée est totalement à construire.
Ces forces disposeront à l’horizon 2030 d’équipements de 4ème génération, comprenant 200 chars de combat de type Leclerc rénové , 300 blindés médians de type Jaguar, 3 479 véhicules blindés modulaires et de combat Griffon et Serval, 147 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque dont une soixantaine de Tigre, 115 hélicoptères de manœuvre, 109 canons de 155 mm Caesar, 13 systèmes de lance-roquettes unitaire, 7 020 véhicules de mobilité tactique et logistique et une trentaine de drones tactiques. En 2025, la moitié du segment médian SCORPION aura été livré. C’est très bien, mais la masse n’y est pas.
Une fois de plus, comparaison n’étant pas raison, en 2022, les forces terrestres russes peuvent aligner 2 300 chars de combat (MBT) modernes, (plus de 8000 en réserve) 17 000 véhicules blindés et 2 000 systèmes d’artillerie. D’après M. Choïgou[RP30] , la part des équipements modernes dans les forces terrestres russes est passée de 15 à 45 % environ entre 2012 et 2017.
En termes de muscles et d’épaisseur, l’armée de terre française dans sa globalité ne pourrait aligner au mieux l’équivalent d’une seule division blindée russe, et encore, comment comparer un Griffon ou un VBCI armé d’une mitrailleuse de 12,7mm ou d’une canon de 25mm avec un BMP3, un jaguar armé d’un canon de 40mm et de deux MMP disponibles avec un BMPT Terminator[RP31] ou un VPK-7829 Bumerang[RP32] [RP33] ?
BMPT Terminator russe, 2 canons de 30mm, 4 missiles anti-char Ataka-T, 2 lance-grenades de 30 AGS-17D, 1 mitrailleuse PKT de 7,62mm
Que dire de notre retard et de notre réserve (culturelle) en matière d’emploi de munitions rodeuses(ou munitions télé-opérées, appellation choisie par l’AdT) de drones en essaim, de guerre électronique, de réactions offensives face aux attaques cyber, de lutte contre la désinformation… Nous y viendrons forcément, mais avec retard.
Pire encore, aucun blindé français n’est équipé, ni n’est prévu de l’être à court ou moyen terme, de systèmes de protection actifs de type Hard-kill[RP34] . Ceci est notamment critique pour les blindés de première ligne, comme les chars Leclerc et les VBCI, qui profiteraient grandement de ce regain de protection dans un contexte de haute intensité.
Devant ce constat et l’urgence, nous pourrions répondre à ces défis par quelques solutions pragmatiques. Par exemple, une tourelle de Jaguar sur quelques châssis de Leclerc en accompagnement de nos forces blindées, un système de missiles basse-couche sur des Griffons, un renforcement de notre artillerie avec du LRM et pour nos Caesar des obus de type Excalibur[RP35] .
Himars LRM américain
Nous en possédons toutes les capacités industrielles et cela serait possible en « crash programmes » à un coût raisonnable, compte tenu de l’urgence.
Ainsi, Scorpion puis Titan donneront à l’horizon de 2050 (échéance la plus probable) des capacités nouvelles à notre armée de terre, c’est un défi gigantesque à la hauteur du constat de nos faiblesses parfaitement identifiées depuis de nombreuses années. Ce qui a changé, c’est la possibilité de l’exprimer et de mettre des mots sur les maux, car nos chefs ont parfaitement identifié et compris notre retard.
Certains considèrent encore qu’il n’est pas nécessaire de nous muscler, puisque notre sécurité repose sur notre protection nucléaire et sans trop le dire, sur nos alliés. Notre appartenance à l’Otan et ce rêve européiste incarné par le président Macron d’une défense européenne qui ne pourrait se concrétiser que par un fédéralisme intégrateur et la disparition de notre souveraineté ne plaide pas en faveur du sursaut.
Mais il est temps de se réveiller. Nous sommes à l’orée d’autres révolutions encore plus profondes et le proche avenir risque de nous rappeler la fragilité de nos certitudes.
Article à paraître dans le prochain bulletin de l"ANOCR.
Roland Pietrini
Ancien Major d’active puis officier de réserve est écrivain et auteur (1), conférencier et créateur du Blog Athéna Défense, il est consultant opérationnel senior et participe depuis plus de 10 ans en qualité d’expert simulation (2) aux études Scorpion au sein de RGA systeme au profit de la DGA et de l’EMAT.
1- Vostok -Mission de renseignement au cœur de la guerre froide chez Mission spéciale production
Piège au Levant chez Pierre de Taillac
A paraître : les sentinelles oubliées chez Pierre de Taillac
2- Expert simulation war system sur Janus-Sword-VBS3-VR forces
[RP1]Méthode de développement qui définit les besoins, explore les possibilités, teste et expérimente en intégrant dès le démarrage du projet les futurs utilisateurs. Note de l’auteur
[RP2]Le Centre de doctrine et d'enseignement au commandement est un organisme français déconcentré de l'état-major de l'Armée de terre placé sous l'autorité du major général de l'Armée de terre
[RP3]La décision du Marineflieger d’acquérir cinq avions de patrouille maritime Boeing P-8A Poseidon aura laissé des traces dans les relations industrielles franco-allemandes. Et la première semble bien être l’abandon du programme MAWS visant à fournir un aéronef commun aux deux pays. Désormais plus rien ne semble s’opposer à une future commande auprès de Dassault Aviation et d’une version de reconnaissance maritime de son futur jet d’affaire Falcon 10X.
[RP4]Common indirect fire system. Autrement dit, l’artillerie longue portée et LRM
[RP5]Sol-air basse couche.
[RP6]: « Si les méthodes du Pentagone et l’évolution des coûts ne changent pas, le budget du Pentagone autour de 2050 servira à acheter un seul avion tactique. Celui-ci sera confié trois jours par semaine à l’US Air Force, trois jours à la Navy et le septième au Marine Corps. (1) » Norman R. Augustine, 1978 et La loi d’Augustine est-elle une fatalité pour les armées françaises à 10 ans ? par Damien WALLAERT Colonel (terre), auditeur de la 66e session du CHEM.
[RP7]La dimension sociotechnique des systèmes d’information est dorénavant prise en compte et de nouvelles capacités permises par le numérique commencent à apparaître.
[RP8]Partenariat stratégique entre la Belgique et la France dans le cadre du projet de coopération Capacité Motorisée (CaMo) : entrée en vigueur de l’accord intergouvernemental et notification du contrat d’acquisition des véhicules blindés infovalorisés Scorpion.
- · 978 SERVAL,
- · 300 engins blindés JAGUAR
- · 200 chars Leclerc rénovés.
- · 50% des nouveaux blindés médians seront livrés d’ici 2025.
[RP11]Cela demanderait à lui seul un développement particulier et comparatif. CF : Armées : « technologisme » ou « juste technologie » ? | Cairn.info
[RP12]Aujourd'hui, le Technologisme, c'est-à-dire la proposition d'un avenir remodelé par la science et la technique, est surtout porté par le parti libertarien aux Etats-Unis, et des personnalités comme Elon Musk et surtout Peter Thiel, le fondateur de Palantir.
[RP13]Le Système d’information du combat Scorpion (SICS) se destine à fournir à tous les niveaux du Groupement tactique interarmes (GTIA) les outils d’exploitation, de combat et de commandement pour le combat collaboratif. Ce système a pour objectif d’assurer la cohérence des systèmes en service. Il s’agit d’un outil d’aide à la décision au sein du programme Scorpion. Grâce à ce système, l’armée de Terre sera en mesure de fournir automatiquement une situation tactique exacte en continu du chef de groupe en débarqué au chef de corps.
[RP14]Centre de doctrine et d’enseignement du commandement - Revue de doctrine des forces terrestres. Pensées mili-terre - Article - Centre de doctrine et d'enseignement du commandement (penseemiliterre.fr)
Publié le : 24/06/2019
Tactique générale
[RP15]Sous Groupement Tactique Interarmes
[RP16]Source : La représentation du champ de bataille dans le combat SCORPION Revue de doctrine des forces terrestre.
[RP17]Multi-milieux multi-champ face à un ennemi hybride
[RP18]L’ennemi d’exercice s’inspire fortement des structures et des capacités de l’ex armée rouge et de l’armée russe mais avec un décalage d’une vingtaine d’année.
[RP19]Fruit d’un réflexion toute personnelle, issue de mon expérience, que j’assume.
[RP21]Rapport général DSC 2020 (nato-pa.int) LA MODERNISATION DES FORCES ARMÉES RUSSES, SOURCE DE DÉFIS POUR LES MEMBRES DE L’OTAN
[RP22]La masse dans les armées françaises: un défi pour la haute intensité (ifri.org) Focus stratégique IFRI. P 64.
[RP23]A lire , l’article du général Chauvancy Reconstruire la défense opérationnelle du territoire pour crédibiliser la dissuasion - Theatrum Belli (theatrum-belli.com)
[RP24]À cert égard, la crise de la Covid est révélatrice sur notre impréparation.
[RP25]Innovation et structures - Régiments d'infanterie ou blindé de corps d'armée
[RP28]Renouvellement de la composante lourde des forces est dès à présent planifié au sein d’un nouveau programme désigné TITAN. Programme qui verra le jours d’ici 2035 à 2040, comme le nouveau système blindé lourd MGCS franco-allemand, le système d’artillerie et de feu indirect CIFS, également franco-allemand, ou le remplaçant de l’hélicoptère Tigre, mais aussi l’ensemble des moyens mis en œuvre par SCORPION, de sorte à obtenir, à tout moment, la meilleure solution tactique pour répondre aux enjeux des engagements à venir.
[RP29]Source : Assemblée nationale, PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2019 / 2025, rapport annexé. LPM 2019-2025 - Rapport annexé (1).pdf
[RP30]Sergueï Koujouguétovitch Choïgou, nommé général d'armée en 2003, il dirige de 1994 à 2012 le ministère des Situations d'urgence. Il est président de la Société géographique de Russie depuis 2009 et ministre de la Défense depuis 2012.
[RP31]Le BMPT Terminator est un véhicule blindé de combat lourd russe. ... Le BMPT possède une large panoplie d'armement. La tourelle biplace en superstructure est dotée de deux canons 2A42 de 30 mm, d'une mitrailleuse coaxiale PKT de 7,62 mm et de quatre missiles supersoniques anti-chars à guidage laser Ataka-T.
[RP32] suprimé
[RP33]Le VPK-7829 Bumerang est un blindé à roues 8×8. Ayant la capacité de transporter 11 soldats [8 fantassins et 3 membres d’équipage] en toute sécurité grâce à son blindage et à ses protections actives, il est en mesure recevoir des tourelles habitées ou téléopérées. Selon les versions, il peut être armé d’un canon de 30 mm, d’une mitrailleuse coaxiale de 7,62 mm et d’un lance-grenades automatique de 30mm. Il est doté d’un système de contrôle de tir numérique et de plusieurs types de capteurs optroniques [système de visée électro-optique, télémètre laser, etc].
[RP34]Les systèmes de protection Hard-kill, permettent d'intercepter les missiles et les roquettes anti-chars avant qu'elle ne frappe un blindé. Ces dispositifs alliant capteurs et effecteurs présentent l’avantage d’améliorer efficacement la protection des plateformes. Cette protection doit être complétée par les systèmes SOFT KILL incluant le masquage, le leurrage et le brouillage. On note en revanche malgré l’apparition de ces nouveaux moyens de protection que le respect d’actes élémentaires connus reste le meilleur moyen de sauvegarder nos blindés. ttps://www.penseemiliterre.fr/notions-sur-le-combat-collaboratif-et-observations-recentes-des-experimentations_114141_1013077.html
[RP35] Precision Guided Extended Range Artillery Projectile et/ou Extended Range Dual Purpose Improved Conventional Munitions,
Note; à lire une excellent article de Marc Chasillan sur Titan dans Raid N° 426 de janvier 2022
À lire sur Meta défense une suite d'excellents articles traitant de ce sujet.
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