BOULAVA
Par Ilia Kramnik, RIA Novosti
Le Ministère de la Défense de la Fédération de Russie a annoncé que les essais du missile balistique intercontinental maritime РСМ-56 Boulava s'étaient soldés par un nouvel échec.
Il s’agit-là du douzième test de la fusée en question (le onzième si on compte les tirs réels). Sans entrer dans les détails techniques que les experts auront encore de toute façon à élucider, il est indispensable de bien comprendre où en est aujourd'hui le projet dans son ensemble et à quel point le nouvel échec met en cause le développement des forces stratégiques nucléaires de la Russie.
L'histoire du Boulava commence en 1998, quand le développement d’un complexe de fusées prometteur pour la Marine de guerre fut confié à l'Institut thermotechnique de Moscou (MIT). La direction de l’établissement affirmait alors pouvoir, dans de brefs délais, créer pour l’Armée de Mer russe un nouveau missile proche du Topol-M, ce qui devait considérablement simplifier et réduire les frais de déploiement et d’entretien des forces nucléaires stratégiques maritimes.
Il est difficile de dire qui fut l'initiateur de ce changement de cap aussi décisif, mais la liste des responsables cités à ce propos dans la presse se limite généralement aux personnes suivantes: Youry Solomonov, directeur du MIT; le général-major Vladimir Dvorkine, directeur du 4-ème Institut central de recherche du Ministère de la Défense; l'amiral de la Flotte Vladimir Kouroïedov, commandant en chef de l’Armée de Mer; le maréchal Igor Sergueïev, ministre de la Défense; Yakov Ourinson, ministre de l'économie et Victor Chernomyrdine, président du gouvernement de la Fédération de Russie.
Le nouveau missile devait équiper les lanceurs d'engins de la nouvelle génération (projets 955 et 955А). Le premier croiseur sous-marin de ce projet, « Iouri Dolgorouky », passe actuellement des essais, deux autres sont en construction, et d’ici le nouvel an un quatrième navire doit être mis en chantier dans le cadre de ce projet.
Le fait que le Boulava a très peu en commun avec le Topol-M est devenu très clair quand les tests ont débuté et que ses photos ont commencé à circuler publiquement – la nouvelle fusée se distinguait pratiquement en tous points – de son aspect extérieur et ses dimensions géométriques à la conception de l’ogive elle-même. Néanmoins, il était déjà trop tard pour reculer.
Au total, du 27 septembre 2005 au 9 décembre 2009, il y a eu 11 tirs réels de fusées Boulava dont trois seulement – le premier, le deuxième et le huitième - ont été complètement réussis. Deux autres tirs ont été reconnus "partiellement réussis".
Le problème en l’occurence n’est pas tant dans le financement du projet que dans l’indispensabilité d’assurer un contrôle efficace tout au long de la chaîne de fabrication des composants et de l'assemblage final du missile, dans la nécessité d’assurer à ces productions un personnel adéquat et une motivation suffisante pour effectuer un travail consciencieux. Il est évident qu’il est impossible d’améliorer la qualité de l’engin par une simple augmentation des salaires – à défaut d’adopter des mesures d’une autre nature, on aboutirait au même produit, mais plus couteux.
Une partie des experts croient raisonnable, parallélement à une nouvelle mise au point du Boulava, de lancer un concours pour la conception d’un nouveau missile pour les sous-marins nucléaires du projet 955. On choisirait ensuite le projet le plus prometteur parmi les meilleurs travaux des différents bureaux d’études. Cela permettrait d’aboutir dans quelques années à un armement capable de remplacer le Boulava – au cas où l’on n’aurait pas réussi à en améliorer la fiabilité.
Afin d’assurer une surpervision compétente du programme de réarmement des lanceurs maritimes, celui-ci devrait être placé sous le contrôle personnel du président de la Fédération de Russie, qui est responsable pour l'état des forces armées en sa qualité de Commandant en chef des Forces armées de la FR. De plus, les responsables qui vont diriger et coordonner le projet directement devrait, en cas d'échec, encourir une peine plus sérieuse qu’une simple démission – à partir du moment où les motivations matérielles ne suffisent pas et où la démission ne fait peur à personne.
A l’heure actuelle la capacité défensive du pays est assurée dans une grande mesure par son potentiel nucléaire, et son affaiblissement critique risque d’avoir de lourdes conséquences. Depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale et – particulièrement – depuis la désagrégation de l'URSS, trop de gens – des chefs de haut rang jusqu’aux spécialistes à l’usine – se sont habitués à ce que la punition la plus terrible pour leur négligence envers leurs devoirs, leurs décisions et leurs actions est le licenciement. Il est évident qu'au moins dans la sphère du maintien des forces nucléaires stratégiques, ce système doit être reconsidéré. Le prix de ces négligences devient trop élevé.
Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur
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