Chronique critique de l’action : DGSE et COS, faut-il marier ces fiancés sans visage ?
« A Rayak, à 4h 30 GMT, deux hélicoptères dont un d’escorte, décollèrent comme prévu en direction de Tfail. Faute de moyens français disponibles, les Libanais du 12° escadron de Rayak prêtèrent deux hélicoptères Cougar livrés récemment par la France au titre de l’aide à l’armée libanaise. Dans le premier, une femme médecin principale et un infirmier avaient pris place escortés d’un commando de trois opérateurs du CPA20 projetés de toute urgence par le commandement des forces spéciales et dans le second, un groupe de commandos de l’armée libanaise du Régiment Commando Maghaweer. L’escorte était assurée par un vieil Huey libanais armé de mitrailleuses. Deux Gazelles Hot du 8° escadron de la base de Beyrouth étaient mises en alerte »
« Vingt minutes plus tard, le premier Cougar guidé par Sacha se posait sur la zone, voilure tournante. Lucien et Sacha prirent Charles sous les aisselles et le chargèrent littéralement dans l’hélicoptère qui décolla immédiatement. Il était prévu que l’autre Cougar effectue deux rotations pour exfiltrer Let S, ainsi que les quads sous élingues. La manœuvre s’effectua sans incident. L et S avaient terminé leur mission. Ils rentrèrent par la suite discrètement à leur base de Bayonne par un vol commercial. Le matériel et l’armement furent chargés par la suite dans un C 130 Hercules de l’Escadron 3/61 Poitou, basé à Orléans. »
C’est ainsi que commence un chapitre d’un écrit qui restera, au stade de latence, avant qu’un éditeur un peu courageux ne se décide à jeter un œil sur ce manuscrit intitulé « La Menace », qui décrit la mission hautement périlleuse en Syrie du commandant Charles, appartenant au Service Action de la DGSE.
Cela n’aurait aucun intérêt de s’y référer sinon qu’au-delà de l’histoire qui pourrait passionner de nombreux lecteurs, qui mêle à la fois le réel et la fiction, celle-ci évoque au détour de l’intrigue un certain nombre de thèmes d’actualité dont celui, et c’est l’objet de cette chronique, de l’interaction entre le service Action de la DGSE et les Forces spéciales du COS.
En effet, Jean Guisnel du Point attire l’attention sur un article du numéro 776 de la RDN surtitré "Contrepoint" et titré "Forces spéciales, forces clandestines : dissemblances, synergies, interopérabilité", un certain Jean-Luc, donne, sans l'écrire explicitement, le point de vue de la DGSE.
Charles te salue donc Jean-Luc, Jean-Luc sentant le pseudo tout autant que Charles fleure la fiction, l’un et l’autre pourraient parfaitement s’entendre.
Sauf que Charles a du recul sur l’action, ce que ne semble pas être tout à fait le cas de Jean-Luc, qui compare l’emploi du Service Action de la DGSE à l’emploi de la bombe atomique… On pardonnera la jeunesse relative de l’auteur, qui après quelques extractions périlleuses reconnaitra, peut-être, certaines qualités à ceux qui effectuent des opérations réputées comme non-clandestines. Actions qui finissent cependant par y ressembler, tant la frontière entre le clandestin et le non- clandestin devient, dans les conflits asymétriques modernes et singulièrement lors de la lutte contre le terrorisme islamique, à peine visible.
Demandez donc à un « maboul » assassin de faire la différence entre un opérateur barbu d’une PATSAS (patrouilles SAS, spécialisées dans le combat motorisé tout-terrain), isolé dans un désert et une patrouille en land-rover d’un opérateur du SA de la DGSE perdu en plein désert ? Pas certain que le « maboul » y voit une quelconque différence ? Les deux, Patsas et SA, risquant d’être sales et barbus, le premier un peu plus armé que le second, le second un peu plus isolé que le premier, à voir…
Par contre, Charles pourrait parfaitement tomber d’accord avec Jean-Luc, que je salue au passage, sur « le refus de tout projet de mutualisation de capacités entre le COS et le SA, "qui ne manquerait pas d'affecter l'efficacité de ces deux entités". " La clandestinité suppose la préservation du secret opérationnel. Ce dernier dépend d'un cloisonnement rigoureux qui ne souffre aucune mixité"
Sur ces deux points, Charles rejoint assez volontiers Jean-Luc, avec un petit bémol cependant, car Jean-Luc indique "aujourd’hui la majorité des opérations que conduit le COS en région sahélo-sahélienne repose essentiellement sur des renseignements de la DGSE". En est-il si certain ? La convergence de la recherche entre DRM et Sources techniques de la DGSE n’est-elle pas déjà un acte de mise en commun ? Entre c’est qui qui qu’à fait quoi ? Et qui qui qui en a le mérite, notre propension à chercher des problèmes là où ils n’existent pas reste un syndrome franchement franchouillard. Le service action de la DGSE doit, avec le succès que l’on suppose, continuer ainsi à agir dans la clandestinité, mais ne pas avoir honte de demander l’appui des forces spéciales lorsque le besoin se fait sentir.
Il y a probablement place pour chacun dans la complémentarité de l’action. Ce ne sont pas les opérateurs du 13°RDP et du 1°RPima qui me diront le contraire.
Quant aux grandes oreilles, le tri des écoutes entre celles qui pourraient intéresser la DGSE et celles qui pourraient intéresser stricto sensu la DRM est un leurre (1). Chacun écoute ce qu’il peut et devra apporter à l’autre ce qu’il veut. C’est pour ces raisons qu’un Conseil national du renseignement (CNR) a été créé le 23 juillet 2008 pour coordonner les services de renseignement français. Son rôle qui est de définir les orientations stratégiques et les priorités en matière de renseignement devrait être étendu pour faire en sorte qu’au quotidien, la symbiose soit faite entre tous les outils de recherche afin que la mise en commun de certains moyens techniques devienne réalité. Une convergence sans confusion, ce qui dans notre pétaudière à la française, est loin d’être gagnée.
Il est temps d’y mettre bon ordre, avec pragmatisme et intelligence, ce qui dans le domaine du renseignement est la moindre des choses. Les fiancés du COS et de la DGSE à défaut de mariage ne pourraient-ils pas se pacser ?
(1) Autre extrait :
« La première station d’écoute de la DGSE qui capta le signal envoyé par la balise de Charles fut celle de St Laurent de la Salenque. Elle se situe au milieu des marais, sous le mont Canigou, à quelques kilomètres de Perpignan. Ses antennes " parapluies " qui mesurent à peu près quatre mètres de haut sont orientées vers la Méditerranée. C'est un lieu isolé, sans perturbations électromagnétiques. La seconde fut celle de Domme en Dordogne. Elle est l’une des stations d’écoute les plus importantes au monde, elle possède treize immenses antennes paraboliques qui espionnent, jour et nuit, toutes les communications internationales qui transitent par les satellites visés. Sa vocation n’est pas celle d’écouter ce type de signal, mais il est probable que quelques antennes annexes agrémentent la mission principale d’écoute dirigée vers l’extérieur du territoire. La DRM localisa aussi le signal très particulier à partir l’un des deux C160 Gabriel qui volait pour une toute autre mission en décrivant une ellipse proche du Liban. Dans les minutes qui suivirent, le navire espion Dupuy-de - Lôme confirma, il voguait loin des côtes au sud de Chypre. Avec tous ces éléments, il fut facile de trianguler et de préciser le point exact d’émission du signal »
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