Conversation « intime » entre un djihadiste et un agent de la DGSE. (actualisé)
Personne ne peut contester que depuis le vendredi 13, ce vendredi noir assassin, rien n'a changé dans ce bon royaume de France. Désormais. Il est nécessaire de prendre à bras le corps notre défense, c’est-à-dire celle de nos valeurs. Cela a été commenté abondamment et je n’apporterai pas grand-chose à mêler ma voix aux autres voix en dénonçant les erreurs des uns et la lâcheté des autres. D’autant plus que depuis de nombreuses années, j’ai appuyé là où cela faisait mal dans les nombreux articles confidentiels, car ils s’adressent de fait et objectivement qu’à un nombre restreint de lecteurs. L'accès aux grands médias étant monopolisé par ceux qui se sont appropriés le porte-voix. Les spécialistes auto-proclamés ou pas comme les imams sont pléthores et emplissent suffisamment la médiacratie, aucun risque à les rejoindre, je n’en ai ni la volonté ni l’opportunité.
J’ai donc imaginé un dialogue baptisé « La menace » entre un agent du service action en mission en Syrie « prisonnier volontaire », « Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. »
Ceux qui souhaiteraient en savoir plus n’ont plus qu’à attendre une sortie hypothétique du roman éponyme de 250 pages ( c'est dire si ce dialogue ne traduit pas l'ensemble du propos développé). Mais en mon sens, cet échange pourrait déjà en dire plus qu’un long discours.
LA MENACE
التهديد alttahdid
La ilaha illa Allah
(« Il n’y a de dieu que Dieu »)
Roland Pietrini
Extrait :
Ils se présentèrent devant le bâtiment, ils y étaient attendus. Trois hommes armés en gardaient l’entrée. L’un d’entre eux, qui paraissait être le chef, s’adressa avec déférence et respect à Karim et le salua par son vrai nom assalāmu ‘alaykum! Moferredj-Ibn-Daghfel Al-Fadl qu’Allah te protège ! C’est ainsi que le surnommé Mahmed alias Karim reprit son vrai nom. Il se tourna alors vers Charles en le désignant au chef et lui dit.
– Il est mon invité, c’est mon tabib (médecin).
Puis, ils entrèrent dans un hall assez spacieux qui ressemblait à un hall d’hôtel. Sur les côtés, appuyés contre les murs, des armes étaient alignées. Outre des kalachnikovs et des fusils d’assaut de toute origine, dont un Famas, on pouvait apercevoir des SPG9 anti-char et deux man-pads (sol-air portable) d’origine iranienne, de type Misagh-1.
Le groupe se sépara, les femmes avaient déjà disparu dans une sorte d’annexe qui devait servir de cuisine. A partir du hall d’entrée, un grand escalier en majesté devait mener aux étages. Un autre, plus petit se dirigeait vers le sous-sol. Partout, des drapeaux islamiques et des inscriptions sur les murs. MID (Moferredj-Ibn-Daghfel) s’adressa à l’homme en arme qui le suivait.
- L’émir m’attend, mon « tabib » m’accompagne.
L’homme en noir se dirigea vers l’escalier faiblement éclairé qui menait au sous-sol. Ils le suivirent. Un couloir desservait un certain nombre de pièces toutes fermées par des portes peintes en vert. A l’extrémité du couloir, ils entrèrent dans un espace d’apparence plus entretenu. Une salle servant certainement de réunion avec des coussins et des poufs au long des murs. Un homme d’allure jeune, revêtu d’une djellaba blanche propre et repassée, la barbe taillée et courte nous regardait attentivement et fit un signe pour que l’on prenne place à sa droite le long du mur. MID avant de s’assoir, le salua respectueusement. L’inconnu qui nous avait accompagnés depuis notre départ de la medersa nous rejoignit et s’assit à sa gauche face à nous. Charles se trouvait en présence de l’émir Abou Misaab al-Ansari, chef du gouvernorat de Homs. Il s’adressa directement à lui.
- Ici, tu n’es pas le bienvenu et pourtant j’accepte de te voir parce que l’émir Ibn-Daghfel me l’a demandé. Un combat rapprochait ton pays et le nôtre, celui de combattre le chien de Damas, mais les choses ont progressivement changé, ton pays a fait d’autres choix, celui de croire qu’il était possible de respecter un équilibre entre les deux grands pays qui se font la guerre, l’Arabie Saoudite et l’Iran. Nos amis Américains eux aussi ont changé. Ils furent nos alliés contre l’Iran, aujourd’hui eux aussi veulent jouer l’équilibre et le compromis. Il faut que tu saches que ni ton pays, ni le grand Satan (les Etats- Unis), ni la Russie ne peuvent venir ici sans choisir leur camp. Vous voulez faire la guerre sans choisir votre camp ? Mais contre qui faites-vous la guerre ? Si ce n’est contre notre peuple qu’il soit d’un camp ou d’un autre, c’est notre peuple qui meurt.
- Je sais cela, avec tout le respect que je ressens pour toi, mais mon peuple mérite-t-il de mourir parce que nos chefs ont fait des erreurs ?
- Ton peuple ne pourra rien comprendre tant qu’il n’aura pas souffert à la hauteur de ce que le nôtre a souffert et je ne fais aucune différence entre les peuples, irakien, syrien, libyen, afghan… Nos femmes et nos enfants meurent en martyr par votre faute. Tu as pourtant une toute petite chance, avec les Russes par rapport aux autres, parce que ton peuple n’a pas combattu en Irak, ici on s’en souvient. Mais il a fait des erreurs en Libye, en Afrique, au Mali et ailleurs, il interdit le voile chez vous et pervertit nos femmes, il stigmatise les musulmans dans nos mosquées de la vérité et il s’est décidé à envoyer ses avions ici en Syrie, soi-disant pour tuer ceux des siens qui avaient rejoint la cause. Ton peuple ne vaut pas plus que les autres, surtout depuis qu’il mange dans la main des américains. Les sacrifices qu’il a connus jusqu’à aujourd’hui ne sont rien par rapport à ce qu’il mérite. Vous êtes faibles, vous croyez pouvoir nous acheter ? Mais vous n’en avez ni les moyens, ni la volonté. Pourquoi crois-tu que nous sommes en sécurité ici à dix km du Liban à deux cent cinquante km à peine de Jérusalem, dans une province qui est sous le contrôle de Damas, des amis de l’Iran et du Hezbollah ? Nous le sommes parce que nous sommes chez nous et que Damas bientôt sera ce qu’il aurait toujours dû être terre de l’Islam de la vérité.
Charles demanda la parole par un geste de sa main, elle lui fut accordée.
- Je n’ai désormais ni le temps, ni le pouvoir de t’obliger à m’aider. Mais si tu m’aides, c’est que tu le désires et que cela sert aussi tes intérêts. Tu penses que je n’ai pas grand-chose à te donner. Demande-moi ? Je te dirais si cela est possible. Mais peut-être tu ne peux m’aider parce que tu n’as rien à m’offrir. Jusqu’à ce jour, nous aussi nous avons fermé les yeux sur vos objectifs, faisant semblant de ne pas les comprendre. Jamais aucun de nos bombardements ne vous a directement visé, on regardait ailleurs, cela peut changer. Nous aussi, on continue à penser que la paix passera pas un compromis avec tous les acteurs de la région, et al Quaïda est l’un des acteurs. Même s’il fut notre ennemi en Afghanistan.
L’émir Abou Misaab al-Ansari répondit, mais à aucun moment il le regarda, comme si le fait de poser son regard sur lui risquait de le salir.
- Si tu reviens vivant de ton voyage, c’est qu’Allah l’aura décidé. Mais en fait, tu es comme les autres tu ne sais pas qui nous sommes, pourquoi nous combattons. Tu parles de choses que tu ne comprends pas. Tu es un enfant. Vous avez souhaité faire de nous le principal outil de lutte contre le chien Assad. Vous avez même souhaité que nous rompions nos liens avec el-Qaëda afin de former une nouvelle entité pour obtenir le soutien financier de pays du Golfe comme le Qatar. Mais nous recevons déjà cette aide, nous l’avons toujours reçu et de la CIA aussi. Vous avez même souhaité que nous allions avec Jaïch al-Mouhajirine wal Ansar dont le chef est un étranger tchétchène, moi je m’y oppose et je ne suis pas le seul. Tant que je serais de ce monde Al-Nosra sera de la même lutte qu’el-Qaëda. Nous serons ainsi plus forts face à l’Etat islamique qui veut conquérir le monde. Nous on veut simplement conquérir les territoires de notre liberté et vivre comme on souhaite vivre sur nos territoires du levant et de l’Orient. Nous avons un projet, un objectif. Quel est le vôtre ? Vous n’en avez pas, vous êtes aussi nus que ces chiens que l’on dit nus au Mexique, qui ont la peau bleue qui brille. Moi, je pense que l’on peut tout en restant libre lutter à la fois contre le chien syrien et les chiens déviationnistes de Daesh qui veulent le pouvoir et qui corrompent votre jeunesse. Nous sommes des vétérans d’el-Qaëda en Irak et nous avons aussi combattu en Afghanistan. Je ne trahirais pas Ayman al-Zawahiri, je lui reste fidèle.
Charles chercha les yeux de Misaab al-Ansari. Pas une seule fois celui-ci ne l’avait regardé de face. C’était un homme de taille moyenne, avec un visage quelconque que trahissait à peine ses origines, un homme qu’on pourrait croiser en tenue occidentale dans une de nos villes sans le remarquer. Cette apparence quelconque tranchait avec celle plus noble de Karim, l’émir Ibn-Daghfel. Charles pensa que jamais à aucun instant, Mamhed ne lui avait dit que Sallam, alias Karim portait ce titre. Or, il ne pouvait l’ignorer. Charles répliqua :
- Je pensais que le monde arabo-musulman était divisé en deux, d’un côté les partisans des Frères musulmans de l’autre ceux qui leur sont hostiles. Dans le premier camp on peut trouver la Turquie et le Qatar dans le second les pays du Golfe, l'Arabie saoudite et l'Égypte…
- On m’a dit que tu avais été dans ta jeunesse élevé au contact de notre culture, pourtant ton père ne t’a pas donné le respect d’Allah. Tu comprends notre langue, tu la parles mieux que je ne la parle moi-même, mais tu es corrompu. Tu es un mécréant. Tu fais partie des êtres qui se croient supérieurs et tu restes persuadé que nous sommes faits pour devenir vos esclaves. Ta langue parle, cher agent envoyé par les Français, sans que ton cerveau ne comprenne le sens de tes paroles. Je sais ce que tu veux. Je sais ce que tu espères. Mais pour avoir ce que tu veux il te faudra payer cher, et comme tu ne peux le payer toi-même, tu devras demander à tes chefs, et il n’est pas certains qu’ils acceptent.
- Tout ce que tu me dis, je le ressens aussi dans ma chair et mon cœur, mais je sais aussi ce qu’a apporté aux autres peuples, ces hommes qui ont éclairé les monde, qui ont secoué le joug des monarchies et des églises, qui ont inventé de nouvelles normes, qui ont exporté la révolution, qui ont réinventé la vraie démocratie en redonnant le pouvoir au peuple. Ce peuple qui a osé parler d’égalité, qui a imposé la culture pour tous, qui a aboli l’esclavage, qui a soigné partout dans le monde, qui a su faire de l’esprit critique un modèle de tolérance, j’en suis fier autant que de votre civilisation qui dans son siècle d’or a inventé l’écriture, les mathématiques, l’astronomie, qui a su construire des mosquées aussi belles que nos cathédrales… Pourquoi êtes-vous devenus ce que vous êtes aujourd’hui ?
- Peut-être parce que VOUS ! ( il se mit à hurler) VOUS aussi ! Vous avez changé. Je vais te dire, tu n’aurais pas dû être agent et espion pour ton pays mais savant ou Imam et peut-être qu’on t’aurait écouté. A force de nous avoir pris pour des sauvages, des êtres incultes, à force de nous avoir méprisé, à force d’avoir contraint les peuples de Palestine à accepter le joug sioniste, à force de nous avoir contraint à la misère, nous sommes devenus ce que vous avez envie que l’on soit. Si tu n’es pas sorti du chemin de la vie jusqu’à présent c’est peut-être parce qu’Allah t’a protégé. A moins qu’on ait jugé que tu pouvais nous servir.
- C’est en partie vrai, mais c’est aussi un mensonge, vous avez mis en place des dirigeants qui se sont enrichis sur le dos de votre peuple en les laissant dans l’ignorance et la misère, vous avez profité de la richesse que vous a apportée le pétrole pour que certaines familles et tribus s’enrichissent au détriment d’autres moins puissantes. Vous vous êtes servis des antagonismes entre vos religions qui se prétendent se référer au même livre pour vous entre-déchirer.
- Tu es trop intelligent pour que l’on te tue… maintenant… Reste assis, tais-toi et écoute. Nous allons te dire ce qui va arriver dans un délai très court à ton pays parce que j’ai pitié de toi.
- Je ne veux pas de pitié, j’ai la force de ma Vérité...
- Des attaques coordonnées, menées par des martyrs, d’une ampleur que vous n’avez jamais connue vont se déclencher. Dans trois des plus grandes villes de France, elles débuteront en même temps pour saturer vos moyens de défense. Il y aura des attaques dans des centres commerciaux pour tuer le plus de monde possible. Puis des équipes spécialisées avec des ingénieurs vont entrer de force dans l’une de vos centrales nucléaires pour en prendre le contrôle et faire en sorte de provoquer une catastrophe pire que Tchernobyl. Simultanément, une attaque informatique paralysera une partie de vos réseaux. Le téléphone ne fonctionnera plus et les faisceaux des télévisions seront coupés. Paris aura une attaque particulière. Ils se feront exploser dans le métro et la gare la plus fréquentée sera attaquée par des commandos. D’autres moudjahidin attaqueront l’Elysée. Le compte à rebours a commencé. Nos combattants sont prêts, ceux venant de l’extérieur sont déjà en place, le reste des troupes provient de vos banlieues et de vos villes.
- Tu ne m’apprends rien, nous savons déjà tout cela et nous sommes prêts à résister. Ce n’est pas ce que j’attends de toi.
- Alors je vais te dire ce que nous attendons de vous, le Front al-Nosra n'a pas encore réellement déclaré la guerre à l'occident, Ayman al-Zawahiri qui a succédé à Ben Laden et qui parle aussi français, il est né comme toi en Egypte, a compris que la Syrie ne peut être une rampe de lancement pour attaquer les États-Unis ou l'Europe afin de ne pas saboter notre véritable mission qui est de combattre le régime. Peut-être qu’Al-Qaeda le fera mais il ne le fera pas depuis la Syrie. Dis leur aussi que si le régime tombe, alors nous nous allierions peut-être avec Daesh, si Daesh survit pour la phase suivante de la conquête. Mais nous jugeons qu’il est encore trop tôt. Nous souhaitons la chute du régime mais pas la destruction complète de notre pays comme l’a été l’Irak par la volonté des Américains. Le régime tombera et nous conserverons ceux qui feront alliance avec nous.
L’homme en djellaba blanche acquiesçait. Ibn-Daghfel n’avait pas prononcé un mot, son visage restait impassible.
- Pour l’instant nous ne voulons pas l’effondrement de l’occident par une lutte armée qui risquerait de souder sa population contre nous. On estime que ce combat serait contre-productif. Tu vois, on a appris aussi à réfléchir dans vos universités. On peut utiliser votre langage. Votre civilisation tombera comme un fruit pourri, il suffit d’attendre Cela ne saurait tarder. Vous êtes le meilleur justificatif de notre action et nous y recrutons le meilleur de nos éléments. Tu mériterais de nous rejoindre.
Charles ne prit pas la peine de répondre. Il comprenait qu’il était proche du dénouement.
Dans ses notes il écrivit : « J’avais l’impression en ces instants, et avec le recul du temps, mais comment en être certain, d’avoir vécu une rêve. Etais-je je sûr d’avoir vécu tout cela ? N’ai-je pas comme tout être humain tendance, comme le dit Cyrulnik, de « tricoter une histoire ou possiblement on peut se reconstruire dans un espace plus propre à son désir. » Où se trouve la part du mensonge et de la reconstruction ? En ces instants cruciaux où se jouait la réalité de ma mission, je considérais presque comme des victimes ceux que l’on désignait comme des assassins. A force de vouloir les comprendre n’étais-je pas en train de leur ressembler ? Etais-je désormais sur le point de passer de l’autre côté du miroir ? J’avais peur, il fallait que je tienne, que je maitrise cette angoisse qui soudain m’étreignait sans que j’en comprenne réellement le sens »
Deux femmes plus grandes et minces que celles précédemment entrevues entrèrent, totalement voilées au point que l’on devinait à peine leurs yeux brillants. Elles apportèrent du thé. Le silence s’imposa à tous. La réunion ne pouvait s’achever ainsi.
Extrait du Roman « La Menace » Roland Pietrini novembre 2015
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