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Hommage à Giap: à propos d'émotion sélective...

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De nombreuses réactions suite au décès du général Giap ont fait suite à l’hommage appuyé, car cela en est un,  rendu le 5 octobre par notre chef de la diplomatie à l’occasion de la mort de celui qui fut le vainqueur des français à Dien Bien Phu et des américains au Viet-Nam.

 

"J’ai appris avec émotion le décès du général Giap. Ce fut un grand patriote vietnamien, aimé et respecté par tout son peuple pour le rôle éminent et fondateur qu’il a joué dans l'indépendance de son pays", il poursuit, en saluant "un grand patriote vietnamien", "un grand soldat" et un "homme exceptionnel". "Alors que la France et le Vietnam sont devenus désormais des partenaires stratégiques, je salue aujourd’hui la mémoire d’un homme exceptionnel et présente mes profondes condoléances à sa famille et au peuple vietnamien", a ajouté M. Fabius.

 

La Maison Blanche est restée relativement discrète. John McCain, ancien candidat à la maison blanche, actuellement sénateur de l’Arizona, a souligné les qualités de stratège du général Giap, mais il a également mis quelques bémols. “Il est difficile de défendre la moralité de la stratégie. Mais on ne peut nier son succès”, a-t-il écrit dans les colonnes du Wall Street Journal.

 

Faut-il donc s’offusquer des termes élogieux de la part du représentant diplomatique de la France ? Comment définir les propos de notre brillantissime ministre des affaires étrangères, Monsieur Laurent Fabius ? Faut-il les condamner ou les mettre sur le compte de la maladresse ou reflètent-t-il une conviction profonde ? La gauche,  chantre de l’anticolonialisme,  a les héros qu’elle mérite. Giap en fait partie tout comme ceux qui en leur temps, je pense aux communistes et autres maoïstes, qui ont défendu Staline,  Mao, Pol Pot. A l’entendre on se demande si un deuil national ne devrait pas être décrété. Où se situe l’outrance ? Du côté de ceux qui s’en offusquent ou de ceux qui y adhèrent ?

 

Les paroles de Laurent Fabius paraissent donc pour le moins malhabiles, sinon  choquantes pour ceux qui ont eu un père ou un frère ayant connu l’enfer des camps. Il y a 55 ans, seulement,  tombait Dien Bien Phu, certains jeunes de 20 ans qui vécurent ces jours terribles en ont 75 aujourd’hui, combien en restent-ils ? Si ce n’est une insulte envers ceux qui furent déportés, c’est au moins un manque de délicatesse.  Vous avez appris avec « émotion » la mort de Giap ? Emotion ? On aurait aimé que vous en ayez de moins sélective vous qui êtes un représentant de la France.

 

Je mets en parallèle,  la difficulté, le terme  est un doux euphémisme  avec laquelle, la gauche a rendu un hommage du bout des lèvres au  Général Bigeard qui fut dans les conditions que l’on sait un héros de Dien Bien Phu et un déporté comme les autres. Mais Bigeard reste considéré par une certaine gauche  comme un tortionnaire en Algérie.. Si Bigeard en fut un, alors que dire de Giap qui écrit lui-même à propos des camps de rééducation, dont il fut l’un des initiateurs : « La brousse pourrit les Européens ».  

 

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A l'été 1954, il y aurait eu entre 22 474 et 21 526 prisonniers dans les camps dit de « rééducation » Viet Minh,  le chiffre est incertain.  40 % ne reviendront jamais, le fait  de penser que les Vietnamiens du Nord aidés et équipés par les Chinois et les Russes,  étaient dans un processus de « guerre de libération », n’excuse  ni les tortures, ni les exécutions, ni l’extermination de nos prisonniers et des Vietnamiens essentiellement catholiques, alliés des occidentaux. Certains otages, il y en a eu, comme l'administrateur colonial René Moreau capturé en 1946, y resteront  huit ans. Les prisonniers du Corps expéditionnaire, quant à eux,  sont soumis à « rééducation » par des commissaires politiques, qui tentent de leur inculquer le marxisme. Quelques communistes étrangers, dont des Français, prêtent main-forte au Việt Minh dans cette entreprise. Dans certains camps, de juillet à août 1954, le taux de décès atteint les 50 %. . Ces camps,  on en a décompté cent trente environ. se trouvaient pour les plus importants au Tonkin, non loin de la frontière chinoise, dans le bassin de la Rivière Claire (Song Lô). Certains recevaient le nom d’hôpital », tel le n°122, d'autres étaient des installations volantes, simples villages perdus, où les prisonniers étaient clochardisés, laissés sans nourriture et sans soin, sous la coupe de quelques commissaires politiques fanatisés et stupides.  Ces camps regroupaient des prisonniers de guerre de toutes races et nationalités ayant appartenus aux armées françaises, des otages civils enlevés au cours du conflit (hommes, femmes et enfants) et parfois aussi des déserteurs. La plupart du temps, le camp ne possèdait ni médecin ni médicaments. Or, Giap l'avait écrit lui-même : « La brousse pourrit les Européens ».  

 

La gauche a parfois la mémoire sélective, à moins que l’on fasse deux poids deux mesures entre un patriote vietnamien et un patriote français.  Cela a-t-il encore un sens ? Il fut nécessaire d’attendre deux ans et demie  pour trouver un lieu de repos au général Marcel Bigeard, disparu le 18 juin 2010. Au moins Giap n’attendra pas si longtemps pour recevoir l’hommage de son peuple.  Voilà donc une France qui participe volontiers aux  commémorations de nos vainqueurs, en oubliant les nôtres comme si nous avions honte de notre histoire,  mais qui oublie que ceux qui furent les instruments de l’histoire n’ont pas à porter seuls les injustices et les drames qui en furent les conséquences..  

 

En mai 1953, c’est pourtant le président du Conseil français, René Mayer,  radical socialiste  et homme de gauche qui  nomma Henri Navarre, pour prendre le commandement des forces de l'Union française en Indochine. Mayer donna à Navarre pour simple ordre de mission : de créer les conditions militaires qui permettront d'amener une « solution politique honorable ». la défaite était déjà dans toutes les têtes. Le mot d’ordre d’un gouvernement faible et hésitant était : Comment se sortir de ce bourbier ?   Aucun plan à long terme n'avait été élaboré depuis le départ de de Lattre, les opérations étant purement conduites sur un mode réactif, en réponse aux mouvements ennemis. Il n'y avait pas de plan pour développer l'organisation et améliorer l'équipement du corps expéditionnaire. Pas de moyens terrestres, un sous-équipement dramatique,   un appui aérien insuffisant, une artillerie inadaptée. L’idée géniale de concentrer toutes nos troupes en un seul lieu,  loin de l’appui possible de l’aviation germa cependant dans l’esprit de nos stratèges, l’objectif était d’attirer les troupes de Giap afin de les défaire, puisque Giap  refusait toute confrontation majeure en privilégiant une guerre de harcèlement et de dilution dans l’espace. C’est sur une fausse appréhension de la capacité Viet Minh,  que le haut commandement français choisit le site de Dien Bien Phu, sans tenir compte de la capacité de Giap aidé par les Chinois et les Russes, à maintenir un  lien logistique constant entre les territoires du nord et ses positions avancées.  

Le  général Navarre ne tiendra d’ailleurs aucun compte des renseignements dont il disposait sur  la concentration des divisions Viet de Giap autour de Dien Bien Phu.  Lorsque l’artillerie Viet commença à détruire la piste d’atterrissage, sans possibilité pour la nôtre de réagir, il ne fut même pas envisagé d’abandonner nos positions, il était déjà trop tard.  Le piège s’était définitivement refermé sur nos troupes.  Le 8 mai 1954, Dien Bien Phu tombe,  les divisions viets font 11.721 prisonniers, dont 4.436 blessés. Parmi ces derniers, 858 seront jugés très graves par le Vietminh qui les libéreront sous le contrôle de la Croix Rouge  entre le 14 et le 26 mai l954.

Sur les 10.863 prisonniers restants, dont 3.578 blessés, emmenés prisonniers, le Vietminh n'en rendra, 4 mois plus tard, que 3.290. Les 7.573 manquants, décédés dans les camps, représentent un pourcentage de l'ordre de 70%. Quant aux supplétifs Vietnamiens jamais rendus,  ils ne seront jamais comptabilisés..

En 1956, Navarre, commandeur de la légion d’honneur, fait valoir ses droits à la retraite. La même année, il publie son livre Agonie de l'Indochine dans lequel il justifie son action et rend la classe politique responsable de la défaite.

 

Aujourd’hui le  haut responsable français que vous êtes, rend un vibrant hommage au généralissime Giap. Il eut été de simple justice  de ne pas avoir l’émotion sélective et le qualificatif outrancier en oubliant  ceux qui ont subi les privations et les tortures d’un système aveugle et totalitaire, dont en prononçant ces mots, vous vous  faites complice. Le corps expéditionnaires français a déploré 59745 tués et disparus, 26923 autochtones, 12997 officiers et soldats français et 17810 légionnaires. C’est avec une infinie émotion que nous vous rappelons ces chiffres, afin que pour l’avenir vos vibrants hommages  soient moins sélectifs.

 

 

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A lire,  Les camps de prisonniers du Viêt-Minh :

http://www.anai-asso.org/NET/document/le_temps_de_la_guerre/la_guerre_dindochine/les_camps_du_viet_minh/index.htm

 

http://profiteurs-colonies.fr/joomla-fr/jce/vietnam-ou-indochine/guerre-d-indochine

 

 

 



13/10/2013
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