Juppé contre Fillon, Quand y’a du flou, y’a un loup ! Défense et diplomatie
Alain Juppé et François Fillon se sont donc qualifiés pour le second tour de la primaire de la droite et du centre. Il n’aura échappé à personne que le combat n’aura pas lieu sur leur conception de la défense de la France tant elles sont proches. Les Français se prononceront autrement. Il existe cependant des nuances non négligeables sur leur projet de politique étrangère. Or les deux domaines, défense et diplomatie, sont étroitement liés
Alain Juppé fut ministre de l’impopularité, souvenons-nous qu’en 1995, un mois après son entrée en fonction, il est rattrapé par l'affaire de son appartement et de celui de son fils Laurent. (1) Sa cote d'avenir passe de 63 % en juin et juillet à 57 % en août, puis descend à 40 % en octobre et à 37 % en novembre. Le 6 juillet 1995 il déclare l’air pincé: « Je suis droit dans mes bottes et je crois en la France ». Il est en désaccord avec son ministre de l'Économie et des Finances, Alain Madelin, qui propose d'aligner les retraites du public sur celles du privé en supprimant les régimes spéciaux de retraite déficitaires, Madelin démissionne le 26 août 1995 et il le sanctionne en ne le reconduisant pas dans son second gouvernement formé en novembre 1995. Il en profite pour virer huit des douze « juppettes », au profit de personnalités politiques masculines. Le personnage apparait moins consensuel qu’il n’y parait.
Il fut aussi ministre d’Etat, ministre de la Défense et des Anciens Combattants de novembre 2010 à février 2011 (numéro 2 du troisième gouvernement François Fillon). Son passage à la défense n’aura pas beaucoup marqué les militaires. Les circonstances de son retour sont cependant intéressantes. Sa défaite aux législatives de juin 2007 l'avait forcé à quitter le poste de numéro deux du gouvernement, le ministère de l'Environnement. mais la nécessité de «rassembler la famille» UMP lui permet de revenir au même rang dans des fonctions régaliennes, comme ministre de la Défense. Ministre par défaut, on retiendra sa froideur et son antipathie envers les militaires.
Sa dernière flèche récente sur le général de gendarmerie Bertrand Soubelet, sanctionné après la publication de son livre à succès Tout ce qu’il ne faut pas dire (Plon). « Un militaire, c’est comme un ministre, ça ferme sa gueule ou ça s’en va » montre qu’il n’a pas changé.
Il faut aussi se souvenir qu’il a cosigné notamment avec Michel Rocard en 2009, une tribune dans laquelle il appelait à « un désarmement nucléaire mondial » Il promet aujourd’hui «d’assurer la pérennité de notre politique de dissuasion » mais avec ce codicille : « dans des conditions compatibles avec nos contraintes budgétaires ».
Bref, droit dans ses bottes, mais dans des bottes un peu grandes pour ses petits pieds.
En ce qui concerne Fillon, on pourra lui reprocher d’avoir appliqué comme Premier ministre une politique de déflation des effectifs et de réduction du budget de la défense sous l’autorité du président Sarkozy et d’avoir nommé Hervé Morin, qui comme chacun sait a débarqué avec les Américains en Normandie.
Cependant, à la décharge de Fillon, la responsabilité de cette époque catastrophique pour la défense est largement partagée par les responsables politiques tous confondus (de droite comme de gauche) et les représentants de la nation. Faut-il aussi rappeler à l’époque le contexte extrêmement difficile, la crise des subprimes et ses conséquences. Mais on retiendra un livre blanc sans prises en compte des menaces réelles et sans que l’on ait vu de véritables oppositions y compris dans les rangs des généraux.
La loi de programmation militaire qui s’ensuivit, fortement marquée par la révision générale des politiques publiques conduiront à une réduction des effectifs de 56.000 hommes, qui ne sera pas menée à terme mais qui aura fait des nombreux dégâts. Les réorganisations internes, avec notamment la création des Bases de défense, et l'affaire du versement des soldes (Louvois), les crédits de MCO en Trompe l’œil, les reports de commandes pour remplacer des matériels obsolètes suffisent au tableau. Bref sur ce sujet, je renverrais donc les deux candidats dos à dos.
Venons-en à l’actualisation de leurs projets en matière de défense et de diplomatie :
Pour Fillon comme pour Juppé, l’objectif est de porter le montant le budget de la Défense à 2% du PIB. Pensions incluses ou non, la question reste posée. La nuance est de taille, ils devront clarifier leur position, mais qui posera la question ?
En ce qui concerne le renouvellement des équipements militaires et le maintien à niveau de la dissuasion nucléaire, la nécessité pour les deux est soulignée, sauf que Juppé apparait moins précis et plus flou: « Il faut donner à nos forces les moyens d’atteindre les objectifs » sans « non plus promettre des augmentations irréalistes du budget de la défense », dit-il, ce qui laisse une marche de manœuvre suffisamment large pour les renoncements à venir.
En ce qui concerne la condition militaire, les différences sont plus nettes. C’est Fillon qui est le plus concret. Il propose la réorientation des crédits de rénovation urbaine pour améliorer l’état des casernes, une meilleure intégration des personnels militaires féminins et la mise en place d’un « dispositif de reconnaissance des compétences basé sur l’expérience professionnelle des militaires, dans le domaine de la reconversion. Pour Fillon la vocation de l’armée n’est pas de servir de supplétif aux forces de police et de gendarmerie. Sentinelle devra donc être revue à la baisse, il indique que « s’il faut demain renforcer les moyens militaires pour la sécurité intérieure, c’est autour de la gendarmerie qu’il faudra le faire » Juppé quant à lui veut à nouveau clarifier, ce qui ne veut rien dire.
Pour ce qui concerne le renseignement, Juppé ne propose rien. Fillon, en revanche, propose un renforcement de la cyberdéfense et son intention de fusionner les différents services de renseignement en les réorganisant en deux pôles : intérieur et extérieur. Cela se discute, mais c’est une proposition qui mérite d’être étudiée.
Non, ce qui différencie les deux candidats, c’est le repositionnement de la France sur le plan extérieur, M. Fillon est le Premier ministre qui a engagé la responsabilité de son gouvernement pour faire entrer à nouveau la France dans le commandement militaire intégré de l’Otan. Dont acte, mais parallèlement, il n’a jamais caché son attachement à un rapprochement avec la Russie, concrétisé avec la vente des deux BPC, on connait la suite. Juppé, lui, apparait comme un Poutinophobe assez primaire, très proche des analyses de la gauche, aligné sur une Hillary out.
Pour ce qui concerne la lutte contre le « Totalitarisme islamiste », Fillon apparait parfaitement clair. Les ennemis de mes ennemis sont mes amis, il faut donc accepter comme allié les Russes et avoir une position de statu quo avec Assad jusqu’à l’issue de la crise. Chez Fillon le pragmatisme l’emporte. Il considère aussi que l’élimination de Bachar entrainerait une mise en place en Syrie de radicaux islamistes et une éradication des chrétiens d’orient.
Cela doit justifier, selon lui, au nom du rééquilibrage de la politique étrangère, un rapprochement avec la Syrie, l’Iran et la Russie, et une levée des sanctions imposées à la Russie suite à l’annexion de la Crimée, sanctions qui selon lui sont inutiles, contre-productive et dommageables pour l’Europe. Je partage cette position.
Juppé indique à ce propos : « Les attentats dont la France a été victime en 2015 ont conduit à focaliser les problématiques de défense et de sécurité sur le terrorisme d’origine islamiste. Si urgente et grave que soit cette question, il importe de la mettre en perspective et de considérer l’ensemble des menaces avérées ou probables auxquelles notre pays, seul ou avec ses alliés, devra faire face dans les années à venir. La construction d’un outil de défense est en effet une œuvre de longue haleine pour laquelle la prise en compte des ennemis d’aujourd’hui ne doit pas occulter celle des ennemis de demain ». Bref, minimisons la menace islamiste et remettons à plus tard la remise en cause de notre politique internationale." Chacun jugera.
Il serait utile de poursuivre sur les différences qui opposent les deux candidats sur la lutte contre l’islamisme sur notre territoire, les zones de non-droit, et bien sûr l’économie et le sociétal. Trop vaste programme pour cette petite chronique. J’indiquerais simplement de mon seul point de vue et avec ma sensibilité, sans vouloir influencer personne, un avis.
Nous sommes au moment où la droite doit choisir entre une politique de droite assumée avec des valeurs de droite, ou bien continuer à voter à droite en étant certain de subir une politique de centre gauche, une politique que je considère peu crédible et efficace compte tenu des enjeux. Cette politique qui fut celle de la droite nous a amenés à élire un Hollande par défaut et gonfler les rangs du front national. Sarkozy a été élu pour mener une politique de droite et a fait entrer des socialistes au gouvernement. Il n’est pas allé au bout des réformes promises et a reculé, comme les autres, en abaissant par ses phrases maladroites le respect dû à la fonction. Hollande a creusé le trou.
Il est temps de changer de pied car j’ai le sentiment que Fillon, même s’il n’est pas neuf, a compris ce qui devait changer et sera à la hauteur de la fonction.
Dimanche, je choisirais sans aucun regret et de manière positive, un candidat de droite qui parle à la droite pour une confrontation future gauche-droite ou front national-droite, sans fanatisme, mais avec sérénité. Il m’apparait le meilleur.
Pour le second, « quand y’a du flou, y’a un loup » comme le disait si bien Martine... Je ne voterais pas pour le second ...
Roland Pietrini
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En juin 1995, Le Canard enchaîné révèle qu'Alain Juppé a signé, en janvier 1993, un document donnant l'ordre aux services du logement de la ville de Paris de diminuer de 1 000 francs le loyer de son fils Laurent, logé dans un appartement relevant des propriétés de la ville, rue Jacob. Par ailleurs, des travaux pour un montant de 381 000 francs sont réalisés dans cet appartement par la ville. À plusieurs reprises, le ministère de la Justice tente d'empêcher le Service central de prévention de la corruption de rendre son rapport sur cette ristourne de loyer. Le rapport conclut au fait que cette opération peut relever d'un délit d'ingérence, mais la justice décide de ne pas poursuivre le Premier ministre
Liens :
https://www.athena-vostok.com/verite-necessaire-nous-sommes-en-guerre-lavons-nous-oublie
https://www.athena-vostok.com/elections-en-trump-l-oeil-mon-choix-est-fait
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