Lorsque l’on consent à serrer la main d’un Nazarbaïev, on n’a aucune raison de ne pas serrer celle de Poutine
Monsieur Noursoultan Nazarbaïev est le président du Kazakhstan, on le dit fin politique, il est vrai qu’il a remporté cette année le "Dictat-or" décerné par l'observatoire géopolitique des criminalités (OGC) et l'association Sherpa, il est distingué ainsi comme le dictateur le plus riche de la planète et celui qui, par conséquent, a le mieux pillé les ressources de son pays à son profit. Cet homme « éminemment respectable » a donc reçu en grande pompe notre président Hollande, sans que cette visite gêne en aucune façon la gauche qui s’était offusquée à l’époque de la visite du président Sarkozy, lequel est accusé par le journal le Monde d’avoir favorisé la vente de 45 hélicoptères civils en intervenant auprès de responsables politiques belges, pour qu’ils votent une loi de circonstance favorable à trois hommes d’affaires kazakhs menacés par la justice belge. On ne prête qu’aux riches.
Le Kazakhstan est un pays dont la population se partage entre plusieurs ethnies, environ 63 % de Kazakhs, 24% de Russes, 3 % d’Ouzbeks, 2 % d’Ukrainiens, 1,4 % d’Ouïghours, 1,3 % de Tatars, 1,1 % d'Allemands et 4,5 % d'autres (Biélorusses, Azeris, Polonais et Lituaniens) sur une population d’environ 18 millions d’habitants. Les Kazakhes ne serait-ce que par le fait d’une présence russophone importante se sentent concernés par la crise Ukrainienne.
L’économie du Kazakhstan dépend essentiellement des exportations de pétrole, 56 % de la valeur des exportations et 55 % du budget de l'État, sauf que l’abondance de la production de pétrole et la chute des cours, la plus importante depuis 2010, est un élément qui inquiète le président Nazarbaïev.
Cette nouvelle donne instable, mais inquiétante pour certains pays producteurs, est due à la non interruption de l’extraction du pétrole en Libye (800 000 barils) et en Irak, en dépit du chaos. Les menaces de l'Etat islamique sur les régions pétrolifères du Kurdistan ne changent rien aux réalités économiques des compagnies pétrolières. L’occident fait aussi la guerre au Daesh pour des bonnes raisons, celle du profit pétrolier. Cette abondance se conjugue et s’additionne avec l’effet pétrole de schiste (shale oil) américain et canadien. Cela commence à influer sur les marchés. Les Etats-Unis ont produit, en août 2014, 8,6 millions de barils par jour, soit la même production qu’en 1986 alors que la guerre Irak –Iran s’achevait et que les prémices de la première guerre du golfe étaient posées. En 2014, c’est un fait, jamais on a produit autant de pétrole, alors que la demande est en baisse dans les pays en crise, mais en forte hausse en Asie, ce qui bien évidemment perturbe le discours des écologistes
Nazarbaïev a parfaitement compris que la crise ukrainienne pouvait avoir des effets négatifs sur l’économie de son pays, si la Russie trinque, ainsi que les Etats occidentaux, d’autres pays de la fédération de Russie risquent de boire la tasse. Dans ces conditions, il est probable que plusieurs Etats membres de la fédération de Russie s’inquiètent d’un retour d’une guerre froide dans laquelle ils auraient plus à perdre qu’à gagner et agissent auprès de Poutine pour que celui-ci entame une certaine désescalade. C’est précisément la position nouvelle de la France avec un président qui a enfin compris que le durcissement de la position française n’était pas forcément la meilleure voie pour la détente.
C’est aussi la position de Poutine qui lors de sa dernière déclaration à propos de la suspension de la livraison des BPC, indique et c’est nouveau, « Si la France rembourse la Russie, nous n’aurons pas de requêtes particulières - Nous ferons preuve de compréhension quelle que soit la manière dont la situation évoluera », a-t-il ajouté.
C’est donc sur ce fond géopolitique qu’a eu lieu la rencontre Hollande-Nazarbaïev, et dans la foulée, Poutine-Hollande.
Il faut donc s’y résoudre : lorsque l’on consent à serrer la main d’un Nazarbaïev, on n’a aucune raison de ne pas serrer celle de Poutine. On a les fréquentations que l’on mérite.
Roland Pietrini
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