ATHENA-DEFENSE

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Témoignages 44/45 suite et fin

Le 15 août 1945 le Japon capitule devant la toute puissance des Etats-Unis. Je suis toujours à Scottfield,  Nous envahissons Belleville tout à coté, encouragés par nos camarades Américains qui souhaitent nous associer à leur joie. Trois ans bientôt que je suis parti de chez moi, de l’Afrique du Nord sans avoir mis un seul pied en France, c’est désormais mon objectif, connaître ce sol de France que j’ai idéalisé, mais qui est pour moi une inconnue

Nous sommes en octobre 1945, la guerre est terminée en Europe, je suis convoqué au bureau du capitaine. La loi Prêt-bail est supprimée, elle permettait entre autre,  un engagement pour la durée de la guerre. Je suis donc démobilisable. Pour moi les cours s’arrêtent, seuls restent en course ceux qui se sont engagés pour 5 ans. Suite à ma disponibilité, on m’offre  quinze jours de congé, avec un billet aller et retour pour CHICAGO, une chambre d'hôtel m’y est réservée, il suffira de se présenter au directeur de l'hôtel en arrivant et tout est pris en charge. J’ai le choix entre deux hôtels, mais n’ayant bien entendu aucune préférence je choisis le premier à Chicago. Le lendemain à Saint Louis je prends donc le train pour Chicago et en quelques heures j’arrive à destination. La gare est impressionnante par son immensité, 
En arrivant à l'hôtel, je me présente à  la direction, je prends possession de ma chambre, confortable, salle de bain, wc, on me remet des tickets pour le restaurant, deux tickets pour aller au cinéma et pour le planétarium. Le directeur me donne quelques recommandations, et me conseille de rester en centre ville. Depuis 10 mois, j’ai fait quelques progrès en américain et je comprends ce qu’il me dit. La ville est composée de magnifiques buildings très imposants au long des avenues, il faut lever la tête pour deviner le sommet. Celui de Palmolive m’a marqué. C’est une autre vue des USA, peut-être plus impressionnante que New York, bâti au bord du lac Michigan. Des canaux coupent une partie de la ville.. Je découvre un métro aérien très bruyant, sur des rails et des ponts métalliques. Une impression de petitesse face à ce gigantisme.

Ma tenue militaire de frenchie est un passe-partout extraordinaire, un sauf conduit, qui attire, il faut bien le dire le regard des filles. Lors de ma première ballade je repère  une magnifique fontaine au milieu d’un square. Je m'assoie sur un banc et au bout de quelques minutes, deux jeunes filles m'abordent tout sourire. Je suis très surpris, je n’ai pas l’habitude. Je me souviens que l’une était une splendide rousse et l'autre une jolie blonde. En quelques signes et quelques mots, je comprends qu'elles désirent que je les prenne en photo et la conversation s'engage, elles disent être de passage a Chicago venant de l’Ohio. Et très directement je leur demande si elles veulent m’accompagner pour la visite de la ville. Leur réponse est immédiate Yeah ! Je leur dis d'attendre et je demande à l'hôtel si par hasard un french cadet est présent ici. Deux filles c'est un peu trop pour moi.
J'ai de la chance, effectivement,  et miracle un camarade inconnu est aussi dans une chambre pour les mêmes raisons que moi. Il saute sur l’aubaine et arrive très vite et je lui explique que deux jeunes filles nous attendent prés de la fontaine. Après les présentations très rapides. Nous allons au cinéma et nous passons la Soirée ensemble. Il choisit la blonde, et moi je reste avec la rousse.. Charlèèène, puis restaurant et night club. Avec la jeune fille rousse, je passe une excellente soirée. Je n’en dirais pas plus. Pendant ces quinze Jours, d'autres rencontres toujours aussi fructueuses et des visites de la ville et de son lac qui permet en hiver lorsqu’il est pris par les glaces  de passer en voiture au Canada. De cette expérience, j’ai retenu deux ou trois choses sur les jeunes filles américaines. C’est elles qui choisissent, c’est elles qui ont des préservatifs, elles souhaitent partager les frais, ce que je n’ai jamais accepté. Charlène est restée dans mon souvenir.   

 

 

 

.En décembre 1945 pour notre dernier Noël en Amérique, Nous décidons de fêter la fin de l’année au camp, pour cela il nous faut prendre contact avec les MP et ils fermeront les yeux pour la rentrée des alcools et autres denrées car nous sommes fouillés à l’entrée du camp. Nous les invitons, tout est fait, grandes tables avec nappes blanches. Nous sommes KO. Ce fut une fête inoubliable, réussite totale. Et nos pauvres MP ont pris une bonne cuite. Ils ne tiennent pas le vin, et le champagne. Nous aussi

Mi-janvier 1946, je pars en direction à proximité de Détroit où sont rassemblées les 300 français engagés dans toutes les autres écoles Maxwell Field, Selma, Denver.

 

Début février, notre départ est annoncé vers New York, il neige, il fait froid, nous montons sur un bateau américain (c’est une coque de noix, Liberty Ship). La tempête est si forte que le départ est avancé, 1 500 Américains sont embarqués pour l’Allemagne, 300 Français pour le Havre. Quatre jours de tempête, nous sommes malades comme des chiens, puis quatre jours de beau temps, nous reprenons vie et des forces. Je découvre, Le Havre, la ville  est totalement dévastée, la guerre y est encore présente, En 1945, Le Havre était le principal port européen d'embarquement et de débarquement des troupes alliées. J’apprendrais plus tard que plus de 3 millions de soldats américains ont transité par Le Havre cette année là. Le centre ville était transformé en camp de transit et en hôpital arrière pour le Front. Les Alliés ont grandement contribués à la survie des Havrais dans les ruines. Grâce à eux, le déblaiement des ruines qui aurait put prendre 10 ans, a été réduit à 2 ans. Aucun structure pour nous accueillir et  les Américains qui sont partout,  vont nous héberger et nous nourrir pendant 2 jours. Je pense à ce qu’a du être la souffrance des populations.. Nous donnons tous les vivres qui nous restent aux enfants sur le port.  Départ par le train sur le Bourget aviation près de Paris.. Il n’y a rien pour nous recevoir, rien pour manger, l’Amérique est déjà loin. La France est exsangue.

Aussi je téléphone à Colombes. Mon beau-frère Marion vient me rejoindre, l’armée se débarrasse de moi, en fait, elle ne sait trop quoi faire de nous. D’où nous venons, nous sommes considérés comme des privilégiés et cela est vrai,  et même si nous avons eu beaucoup de chances, nous avons eu notre part de sacrifice et de souffrance.

Avec un mois payé en dollars environ 100,  j’obtiens sur le marché parallèle environ 40 000 francs, pour l’époque c’est une fortune, je  me sens  riche, trois paquetages complets ! Costumes prêts à être faits, souliers, chemise et autres. Pour la femme de René Marion, mon ancien beau-frère, j’ai tenu ma promesse, des bas nylons. Pour ma future fiancée des dessous féminins et du tissu. A Colombes, je dors, je mange chez eux, tous les quatre jours, je retournais au Bourget dans l'attente de mon ordre de mission pour me faire démobiliser à Valence. En février, enfin tout est réglé et j’ai mes papiers pour rejoindre celle avec qui j’ai correspondu pendant un an depuis les Etats-Unis. J’ai un certificat d’hébergement pour Chambéry dans sa famille. Je vais voir les parents de Gilbert Gozzi qui s’est marié avec ma sœur, et c’est donc aussi avec sa sœur que j’ai correspondu. Je souhaite la  connaître, et je sais déjà que si tout se passe très rapidement nous nous  fiancerons dans quinze jours… Le  6 juillet 1946 c’est le jour de notre mariage. Je ne serais officiellement démobilisé que Le 8 mars 1946 à Valence.  Je reçois pour solde de  tout compte 1 000 francs. Heureusement je garde mon pécule USA et le paquetage que les Américains m’ont donné à Selma.

 

Une nouvelle vie s’ouvre à nouveau à moi, je n’ai pas encore 21 ans.  Je ne suis plus seul, j’ai trouvé une épouse.  En 1948, un fils naîtra de cette épreuve et c’est un peu grâce à lui et pour lui que vous pouvez me lire aujourd’hui..  

 

 

Fait à Saumur le 28 février 2012

Louis PIETRINI 87 ans.

 


 

 

 



 

 

P.S: J’ai une pensée toute particulière, pour les 75 aviateurs français décédés en service, de février 1943 à début 1946,  sur les 4084 french cadets. Leur dernière demeure est au cimetière de Montgomery en Alabama. Il y a aussi 25 marins de Norfolk qui se préparaient aux appontages sur les porte-avions US. PAIX à leur âme. J’y associe tous ceux qui sont morts en opérations au-dessus de des théâtres d’opérations de la seconde guerre mondiale.


Remerciements:

 

 

Pour tous ces commentaires, je vous dis un grand merci. Le principal fût celui de donner ce simple TEMOIGNAGE et en même temps ces quelques PRECISIONS sur une tranche de vie de jeunes dont je faisais partie durant toutes ces années de guerre  de 1943 a 1945.

C’est grâce à la loi « Prêt bail » que les Américains ont donné la possibilité à de jeunes français de se former aux Etats-Unis dans toutes les spécialités utiles pour continuer la lutte commencée par d’autres en Europe. Trop nombreux furent ceux qui disparurent lors des trop nombreux accidents mortels en service commandé. C’était le prix à payer pour aller dans une unité combattante. Sur les 4808 partis aux USA en instruction de 1943 à 1946, il ne reste que peu de survivants aujourd’hui pour témoigner.

 

Merci d’avoir lu « tranche de vie » et merci.



27/02/2012
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