Tuerie de Tunis, au début était le Verbe: assassinat et résilience
La dernière tuerie de Tunis s’inscrit, tout comme celles qui ont précédé et celles qui suivront, dans une horreur froide et une abjection parfaitement maîtrisées qui se répandent sans que l’on sache réellement comment les annihiler ou tout au moins les endiguer. La vision des assassins qui marchent l’arme à la main, sans précipitation, comme s’ils étaient mécaniquement programmés, avec un sang-froid qui ne ressemble à aucun autre, tout en connaissant l’issue certaine de leur sort, nous force à réfléchir sur l’orientation à donner à notre système de sécurité et à la défense de nos démocraties menacées. Ces jeunes hommes, ressemblent à ceux que l’on pourrait croiser dans la rue, (l’un porte la casquette à l’envers) la démarche nonchalante, sauf qu’ils maitrisent le tir à la kalachnikov. Ils remplissent leur mission de mort avec le luxe suprême d’en épargner certains, (c’est le cas au Bardo, ils croisent un tunisien et l’épargne, en considérant qu’il ne fait pas partie des cibles, ce fut aussi le cas chez Charlie Hebdo) c’est ce que révèle la vidéo de surveillance du musée du Bardo. Cela ne ressemble à aucune référence de formation au combat classique, mais plutôt à l’application sans affect d’une stratégie totalement intégrée.
Dans l’avenir proche, nous le savons, il y aura probablement une seconde phase, celle de l’envoi en Europe de groupes encore plus structurés qui feront un carnage. Nos frontières sont une passoire et l’espace Schengen, entré en vigueur le 26 mars 1995, à l’époque où personne encore ne prenait au sérieux la montée des fanatismes, est inadapté. Les occasions de tuerie ne manquent pas, nos grandes messes républicaines du 14 juillet et autres s’y prêtent particulièrement, il y aura bientôt plus de troupes en protection que de troupes qui défilent. Quant à nos églises, au même titre que les mosquées et les synagogues, elles deviendront des cibles privilégiées, sur notre sol et pas uniquement dans ces pays que certains considèrent comme exotiques.
Au Yemen, le 20 mars, c’est au moins 142 personnes qui ont été tuées dans un attentat revendiqué par Daesh au Yémen, ce conflit entre chiites et sunnites aura pour conséquence une partition du Yemen en tout cas, c’est ce qu’affirme Laurent Bonnefoy, politologue spécialiste des mouvements salafistes et de la péninsule Arabique contemporaine. « Entre l'offensive du mouvement Ansarullah contre le gouvernement yéménite, la tentative de retour au pouvoir du clan de Saleh, les velléités sécessionnistes de certains Sudistes, les attentats terroristes de plus en plus ciblés contre les chiites menés par la branche d'el-Qaëda dans la péninsule Arabique (Aqpa) et enfin le jeu des puissances régionales, le Yémen est confronté à une série de problématiques dont les frontières apparaissent de plus en plus floues. » Ce dont nous sommes certains, c’est que la situation échappe et que le temps de la diplomatie classique est révolu, compte tenu de son inefficacité et que le vide qui est ainsi créé ne peut être remplacé par une solution uniquement militaire.
Nous sommes dans le no man’s land des idées, qui génère une ambiance anxiogène.
Il y a donc urgent, le temps nous est compté, de ne plus réagir dans l’émotionnel, il faut revenir aux fondamentaux de nos démocraties et ne plus céder aux chants des sirènes de ceux qui pensent encore que l’on peut composer avec ceux qui jurent à notre perte et qui le déclarent ouvertement. Ils exécutent leur plan de mort, il faut au moins leur reconnaître une certaine franchise. Notre perte est inscrite dans leurs gênes, s’adresser à leur intelligence est aussi vain que demander à une lionne de relâcher sa proie. Il y a donc urgence à réfléchir sans tabous aux menaces multiples qui nous font face et qui s’attaquent aux fondements même de nos sociétés.
L’émotionnel sur lequel ils basent leur stratégie de communication est donc l’un de nos handicaps majeurs. Faute de l’éradiquer, il faudra s’en accommoder, et nos politiques ont un rôle essentiel à jouer. Il est nécessaire de préparer la population à la résilience. Le concept de résilience est développé par le neuropsychiatre Boris Cyrulnick, est en définitive la seule garantie contre le fatalisme. C'est l'antidote au fatalisme, de ceux qui pensent que puisque l’on ne peut rien faire contre cette violence, il faut la taire.
La résilience n'est pas donc seulement avant, pendant et après une crise, c'est à la fois survivre à la crise, s'adapter et rebondir ensuite. Réduire la vulnérabilité des populations en renforçant leur capacité à anticiper, à s’adapter, à résister et à se relever est l’une des voies calquées sur celle de la réaction aux grandes endémies et aux catastrophes naturelles. L’homme a plus de résilience que l’on ne croit, il suffit de se référer aux après conflits mondiaux du siècle dernier pour comprendre à quel point le progrès a succédé à l’horreur, comme si les crises majeures de l’humanité renforçaient la résilience des survivants.
Nous sommes dans une crise majeure de l’humanité puisque ces « hommes de foi sans foi ni lois » s’attaquent à l’histoire même des hommes, en détruisant les musées et les sites classés au patrimoine commun de l’humanité.
Il faut combattre et désigner nos cibles, mettre des mots sur les maux est essentiel à notre résilience. Au début était le Verbe faisons en sorte que ce ne soit pas le Verbe de fin.
Roland Pietrini
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