A propos de la Stasi, et de la MMFL, épilogue et conclusion.
Les équipages de la MMFL en franchissant les chicanes se retrouvaient à l'est pour des missions de 24 à 48h .. Premier travail à la sortie de Potsdam déceler les suiveurs de la Stasi et disparaître..
Si notre ex-président n’avait pas évoqué la Stasi à propos des écoutes dont il est l’objet ou la victime, selon le point de vue que l’on a, je n’aurais pas remué des souvenirs, je n’aurais pas mis en ligne quelques extraits de mon dossier Stasi, je n’aurais pas relaté l’embuscade dans laquelle fut tué l’Adjudant chef Mariotti. J’aurais simplement évoqué la cérémonie du 22 avril 2014 organisée par le musée de la guerre froide de Berlin en présence du général Staub, survivant de cet « incident" sur les lieux du crime d’Etat.
Mais il y a des outrances qui ne passent pas. Je n’ai pas une sympathie quelconque pour ce gouvernement dont on ne sait trop à quelle tendance il appartient et où il veut en venir, pour tout vous dire cela m’est égal. Mais « cher Président» Sarkozy, vous avez touché là un point sensible, car l’amalgame insidieux autant qu'inexact fait entre la France, pays dont on peut mettre en cause certains aspects de sa démocratie ( je suis le premier à en dénoncer les manquements ) et l’ex Allemagne de l’Est, me laisse dubitatif. Le qualificatif est faible.
J’ai longtemps hésité avant d’exhumer de mes archives ces deux sujet: mon dossier Stasi et le rappel du crime d’Etat de Halle. Tout immobilisme aurait voulu dire désintérêt mais se citer soi-même à cette occasion peut être pris comme une mise en avant.
Au sein même de l’association des « anciens » de la MMFL, (vétéran convient mieux), la discrétion est de mise, cette discrétion est inscrite dans nos ADN's, mais je pense parfois qu' il faut sortir de l’ombre au risque de s’exposer à la lumière. Je pense que nous aurions dû parfois être plus offensifs, pour faire connaître et reconnaître notre combat. Je sais que cet avis n’est pas partagé et je le respecte.
Mais évacuons quelques idées reçues :
Le terme berlinite ne nous concerne pas, pourtant nous fumes considéré comme de simples affectés à Berlin- Ouest au même titre que ceux qui, de la RDA ne connaissent que les magasins de porcelaine de Berlin Est. Je peux en parler d’autant plus librement que je suis aussi un ancien du 11° régiment de chasseurs, mais nous étions sur une autre planète en franchissant le pont de Glienicke pour passer à l’EST.
Notre berlinite à nous était le risque pris sur les convois soviétiques, les objectifs Sov et Nva les bases aériennes, les terrains de manœuvre, les frontières de l’est, les sites radars, les gares, les voies ferrées…
Nous avons demandé ni privilèges ni témoignages de satisfaction, ni décorations particulières, pire, nous avons eu moins que ceux qui étaient proche du chancelier régimentaire et d’ailleurs nous n’aurions rien obtenu, même pas une reconnaissance officielle d’autant plus difficile à obtenir, qu’en dehors des initiés de la Fatac ou de l’Emat/ BRRI, je simplifie, nous avons œuvré dans l’indifférence quasi générale.. Il suffit de comparer avec le respect affiché et officiel des Britanniques envers leurs vétérans ayant appartenu à BRIXMIS, l’équivalent de la MMFL, pour en mesurer cet écart abyssal.
Nous fumes dans cet organisme, de l’avis même de l’ex patron de la FATAC, à l’origine de plus de 90% des informations tactiques,et techniques sur les forces soviétiques de l’époque, dont la plupart, sont encore valables aujourd’hui. Des milliers de films, photographies, rapports, documents provenaient de la MMFL et alimentaient une chaîne du renseignement parfait inadaptée à la menace de l’époque, qu’il a fallu totalement réformer par la création de la DRM après le constat de notre inefficacité lors de la guerre du golfe. Des anciens de la MMFL ont d’ailleurs contribué à sa création.
Mais à la dissolution de la MMFL, par ordre de l’EMA, toutes les archives devaient être détruites, y compris notre journal de marche et opération. Quelques initiatives individuelles ont fait que nous avons pu sauver quelques documents photos à l’encontre des consignes. Cet ordre venu d’en haut détruisait notre mémoire, nos sacrifices. Il faut reconnaître aux sous-officiers quasiment seuls la responsabilité d’un tel sauvetage. C’est pourquoi lorsque et je me cite, j’indique dans mon précédent article « Ces dossiers ( de la STASI) ont au moins un mérite, celui de reconnaître la spécificité du métier qui fut le mien, des risques encourus, et donne un semblant de reconnaissance officielle, à défaut de celle qui ne vint jamais de la part des autorités françaises pour lesquelles j’ai ( mais je pourrais dire nous) travaillé, et au profit desquelles j’ai ( je devrais dire nous) risqué ce qui sur l’échelle des valeurs ne vaut pas grand-chose, modestement ma peau» La phrase est pesée, le " je" doit être remplacé par le nous.
Nous avons été pendant des décennies des précurseurs. Précurseurs dans les domaines techniques. Nos véhicules 4x2 ou 4x4 étaient modifiés pour les missions particulières qui étaient les nôtres (reconnaissance dans la profondeur, face à un ennemi parfaitement formé pour nous intercepter à tout prix) Ces VGL nous donnaient une autonomie complète et totale pour plus de 48 h, si nécessaire. Réservoirs supplémentaires, treuils électriques ou à main, boule de remorquage avant et arrière, modification électrique avec renforcement des circuits, coupe feux arrières, plaques et freins, possibilité d’allumer un seul phare.. etc.. Nous avons été les premiers à utiliser des appareils photos et des objectifs allant du 28mm au 1000mm et doubleur de focale. Nous avons été les premiers avant le GIGN à utiliser en condition opérationnelle les lunettes de vision nocturnes et les jumelles de vision nocturnes. Nous savions conduire sur neige, sur glace, sur les pistes tactiques empruntées par les chars en conduite rapide ou discrète, de nuit comme de jour. Nous avons été les premiers à utiliser l’avion pour la prise de photos aériennes des objectifs, sans que notre fonction à bord soit reconnue.
Cette expérience précieuse et unique de plus de 40 ans d’investigations et de travail qui a permis de reconstituer au numéro près l’ODB de toutes les divisions soviétiques de RDA, des divisions de la NVA de tous les régiments de la 16°AATS de tous les sites radars, a été sous-employée, sous -exploitée, sous-évaluée par une chaîne de commandement ignorante et un circuit du renseignement inadapté.
C’est pour ces raisons que j’estime que parfois, il est nécessaire de se bousculer et sortir de l’ombre afin « d’instruire ». Cette fonction m’apparaît hautement pédagogique pour les jeunes générations de guerriers qui ont l’impression de tout inventer, alors qu’ils ne font que réinventer. C’est par une certaine forme de reconnaissance que cet enseignement passera. Le traitement réservé par ignorance aux « sentinelles de la guerre froide », terme employé dans une lettre que m’avait envoyé le général Delaunay Cemat en 1982 et que j’ai conservée pour désigner ce que nous étions, commence à être levé par deux films dont un qui est passé sur France 3, par plusieurs bouquins en vente sur Amazon, pardon pour la pub, mais il n’y a que sur ce site marchand que l'on peut les trouver. Jean Delaunay aurait pu rajouter sentinelles sans relève et sans repos.
Ainsi, lorsque pour une raison pour une autre, je prends la plume pour évoquer des souvenirs qui touchent tous ceux qui ont fait le job, ce n’est pas pour me mettre en avant mais pour témoigner. Cela va sans dire, mais encore mieux en le disant. Quand je vois le peu de soutien reçu par ceux qui furent mes camarades, je me demande vraiment si cela en vaut encore la peine.
Roland Pietrini
RDA. Sur piste char tactique sov en range rover 1982 du côté de Ludwiglust
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