A propos de l’Ukraine. Enjeux militaro-industriels et Europe molle.
En arrière-plan de la crise Ukrainienne, il ne faut pas oublier l’importance des enjeux économiques et notamment ceux du complexe militaro-industriel ukrainien.
Historiquement, l’Ukraine et singulièrement les régions situées les plus à l’Est étaient et sont encore d’une importance stratégique.
C’était un bassin industriel important pour le complexe militaro-industriel à l’époque de l’URSS, mais après l'effondrement de l'Union soviétique, Il a fallu plusieurs années à Moscou pour se doter d’une certaine indépendance par rapport à l’Ukraine. En faisant évoluer progressivement ses modèles de coopération industrielle, l’industrie de la défense russe continue à l’heure actuelle à devenir moins dépendante de l’industrie militaro-industrielle ukrainienne, mais elle est encore très loin de son indépendance complète. Par exemple, malgré le lancement d’une usine des moteurs pour hélicoptères près de Saint-Pétersbourg, le rôle de Motor Sich (constructeur de l'Antonov An-12 ) en Ukraine reste très important.
La Chine est partie prenante des livraisons ukrainiennes des moteurs diésel de 1200 CV de pour ses chars destinés à l’exportation.
L’excellent site Etoile rouge, nous rappelle qu’au temps de l'URSS, « la production de chars faisait appel à nombre d'usines et de bureaux d'études différents. A l’origine l’usine de locomotives de Kharkov, Харьковский Паровозостроительный Завод en russe), abrégé en ХПЗ fut renommée ХПЗ en 1928 имени Коминтерна et on lui attribua le numéro 183 en 1936. Suite à l'invasion allemande de 1941 et son évacuation à Nijni Taguil, l'usine n°183 fusionna avec UVZ. À partir de 1945, KhPZ commença à se redéployer à Kharkov en tant qu'usine n°75. En 1957, elle fut renommée ХПЗ имени В.А. Малышева (KhPZ au nom de V.A. Malychev). De 1947 à 1949, l'usine n°75 produisit les chars T-44, T-54, T-55, T-64 et T-80UD. On peut considérer que cette usine produisit plus de 45000 chars jusqu’à la chute de l’URSS
Le premier producteur de missiles sol-air russe Almaz-Anteï, serait prêt à transférer sa production en Russie, a déclaré jeudi à Moscou Oleg Botchkarev, vice-président de la commission pour l'industrie de défense russe auprès du gouvernement.
"L'essentiel sera alors de préserver les biens intellectuels de la Russie", a-t-il ajouté.
Fondé en 2002, le consortium public russe Almaz-Anteï conçoit, produit et modernise des armes de défense antiaérienne (missiles sol-air S-300, Anteï, Bouk, Tor et missiles mer-air), des radars militaires et civils, des systèmes de télécommunications, ainsi que des équipements pour le secteur énergétique et les transports.
De nombreuses entreprises de ce complexe militaro-industriel russe et chinois ont aussi des programmes de coopération avec l’Ukraine. Leur principal partenaire en Ukraine, est Motor Sich, qui est le principal fabricant de turbines pour les hélicoptères russes, utilisés notamment dans la fabrication des avions d'entraînement chinois L-15 et russes Yak-130, ainsi que des hélicoptères Mi-17, largement utilisés en Russie et en Chine, d’autres contrats de coopération pourraient être menacés. Par exemple les livraisons des moteurs diésel pour les chars chinois MBT-2000 destinés à l’exportation. Certains domaines de coopération, notamment en ce qui concerne la livraison des centrales électriques, les équipements radar, et les systèmes électroniques de la défense, pourraient également se retrouver gelés. On voit bien à quel point la Russie reste dépendante de l’Ukraine dans le domaine de R§D. Laboratoires de recherches militaro-industriels, sites de production.
Selon les données de la société publique Rosoboronexport, l’année dernière, la Russie a exporté dans différents pays du monde des armes et des équipements militaires pour plus de 13 milliards de dollars.
Les implications de la crise russo-ukrainienne concernent aussi l’Europe et la France « La Russie intègre dans ses systèmes d’armement certaines technologies dont disposent les sociétés françaises, italiennes et dans une moindre mesure les sociétés allemandes. Ces systèmes sont soit exportés, sont achetés par les forces armées russes », explique Konstantin Makienko. (Konstantin Makienko is Deputy Director of the Moscow-based Center for Analysis of Strategies and Technologies.)
La société Thales, par exemple, exporte des systèmes d’affichage pour les chasseurs Su-30MKI prévus pour l’exportation. Les véhicules blindés russes sont équipés de systèmes de pointage qui utilisent des caméras thermiques produites par la société Thales Optronics. La société Sagem qui fait partie du groupe Safran livre des systèmes de navigation pour les chasseurs russes prévus à l’exportation. Les conséquences de mesure de rétorsion antirusse auront aussi, n’en doutons pas, des conséquences économiques pour nos entreprises.
Alors que Poutine vient d’augmenter de manière significative le budget de défense de la Russie, de plus de 60% au cours des trois prochaines années. L'agence publique Ria-Novosti et le journal Vedomosti, indiquent que sur les années 2014 à 2016, le budget de la Défense va passer de 2098 milliards de roubles (48,7 milliards d'euros) en 2013 à 3418 milliards de roubles (79,3 milliards d'euros). Cela correspond à un bond de 63% de ces dépenses.
La crise Ukrainienne dans ce monde imbriqué qui est le nôtre, montre à quel point la réflexion se doit d’être transverse. Au-delà des enjeux politiques et géostratégiques, les enjeux économiques pèseront lourdement n’en doutons pas et nos décideurs feraient mieux d’en tenir compte. Poutine est acculé come un ours dans sa tanière, il peut se révéler dangereux et ne reculera plus devant ce qu’il considère comme un enjeu stratégique d’importance capitale pour une Russie qu’il veut forte et respectée.
Derrière cette crise, Poutine a observé un alignement de l’Europe derrière une OTAN atlantiste qui sert, de son point de vue, avant tout, les objectifs à long terme d’une Amérique souveraine.
Pour la Russie, il faut se souvenir que la menace vient autant de l’Ouest que de l’Asie. Une Ukraine qui adhérerait à l’Otan serait considérée comme une atteinte directe à l’intégrité de la Russie.
Il serait temps que l’Europe réfléchisse à la défense de ses propres intérêts et construise une politique indépendante proche de celle qui fut menée en son temps par un de Gaulle visionnaire.
La Russie parait menaçante aujourd’hui en partie, parce qu’après la chute de l’URSS, l’Europe n’a pas fait beaucoup d’effort pour aider à sa reconstruction. Son réveil ne peut que surprendre les inconséquents qui nous gouvernent. Une Europe qui fut bien trop heureuse aussi de se partager les reliques de l’empire, et les dividendes d’une après-guerre froide mal comprise et surtout mal gérée, avec un manque d’imagination et une insouciance coupables. Mais la crise qui nous touche de plein fouet frappe une Europe qui ne fait plus rêver. On peut alors comprendre qu’une population, plus ou moins manipulée regarde plutôt vers une Russie plus sécurisante, incarnée par un Poutine fort plutôt que vers une entité molle, cette Europe technocratiques et sans âme, mal aimée et qui ne fait plus rêver.
Roland Pietrini
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