1986-1992 ARMEE ROUGE-RETOUR VERS L’EST - seconde partie
1986-1992 ARMEE ROUGE-RETOUR VERS L’EST
Seconde partie
Les forces en présence et le retrait.
Dès 1987 Gorbatchev avait pris la décision de la diminution des forces en RDA, cette diminution ne porte, en fait, que sur deux divisions et une brigade, et sur la promesse de retrait de six divisions qui ne serait qu’une contrepartie d’un retrait américain en RFA. Mais Kohl le chancelier en RFA, estime qu’un retrait d’USAREUR est prématuré. En réalité, le rapport global des forces ne change pas.
En février 1988, la décision est prise par l'URSS de retirer ses troupes d’Afghanistan. L’opération Chtorm-333, menée en décembre 1979 a donc pris fin. La confrontation URSS-USA par Talibans interposés a semé, en partie, les graines d’une autre confrontation entre l’Occident et les nébuleuses terroristes, qui donneront un l1 septembre 2001, mais c’est une autre histoire. Le retrait, qui sera effectif en 1989, se fera en bon ordre et le gouvernement prosoviétique restera en place trois ans jusqu’à l’effondrement de l’Union des Républiques soviétiques.
Franchissement du pont de la Liberté sur l'Amou-Dariade entre Afghanistan et URSS
Avril 1988, je suis en mission (1) quelque part entre Wrocław et Kraków en Pologne sur la voie ferrée qui traverse la Pologne d’ouest en est vers l’Ukraine. Je décompte machinalement, un train de génie soviétique assez complet, dans la lueur blafarde d’un éclairage de passage à niveau. 37 matériels divers dont du PTS 70, du BMT, des Esd20VS, des DOK, de l’ATT, des BMP génie (matériels de franchissement, bateaux pousseurs, générateurs etc.). En fait, un bataillon incomplet d’un régiment génie de DFM (division de fusiliers motorisés). Les wagons d’accompagnement marqués DR (Deutsche Reichsbahn) m’indiquent sans erreur possible, que ce train provient de RDA et transite dans la profondeur de la Pologne, très probablement vers Lviv en Ukraine. La composition du train, l’état des matériels, le nombre de wagons d’accompagnement, m’indiquent sans erreur possible, qu’il ne s’agit pas d’un départ en manœuvre mais bien d’un retrait.
Ainsi, durant ces années 1988 et 1989, j’observais, parfois, lors de ces surveillances de voies ferrées effectuées essentiellement de nuit, des trains de matériels en route vers la Biélorussie ou l’Ukraine. La journée nous avions d’autres priorités. Ces trains essentiellement de logistique, de génie, d’artillerie démontraient que les Soviétiques utilisaient l’axe logistique RDA- Pologne – URSS. J’avais réussi à convaincre mes collègues britanniques, hollandais et belges de l’utilité de telles surveillances. Il n’est pas certain que la chaine balbutiante de l’exploitation du renseignement militaire français de l’époque en ait été réellement persuadée.
Un train parmi d'autres
Ainsi, la MMFL de Potsdam, qui dépendait du Centre de renseignement avancé du CCFFA ne recevait pas les NR (2) du poste de Varsovie, ou avec retard et le poste de Varsovie ne recevait pas les NR pouvant intéresser notamment le trafic ferroviaire vers la Pologne. Seuls des déplacements personnels, lors de certaines liaisons diplomatiques à Berlin Ouest, permettaient de combler ce vide, en rendant quelques visites officieuses auprès de mes anciens camarades de la Mission.
Pourtant, l’utilité d’un certain partage d’information entre services aurait pu être utile, d’autant plus que les forces soviétiques en RDA tout comme en Pologne, étaient coordonnées dans le cadre de vastes plans stratégiques face à l’Ouest, et l’équipement en faisait partie.
Un exemple peut être évoqué, celui de l’arrivée du T80 au GFN (Pologne). Observé en premier par le poste militaire français de Varsovie en 1987, ce char extrêmement performant pour l’époque, (il l’est toujours) (3), ne pouvait que renforcer l’idée que le retrait de quelques forces en RDA était compensé par le renforcement qualitatif des forces en Pologne. Ce renforcement des forces du GFN sera observé jusqu’en 1989, selon un scénario bien connu. D’un côté on retire en fanfare, des matériels obsolètes (T62), de l’autre on renforce discrètement avec des matériels plus modernes (T80). Nous avions vécu à la MMFL, cette manœuvre en 1979 lors du retrait dit « Brejnev », qui consistait à retirer du GFSA des T62 et de les remplacer par du T64. (1000 chars T62, en fait remplacés par le T64)
T 80 sur piste tactique en Pologne (photo auteur)
Les Forces soviétiques en présence en RDA et les implantations d’unités. (1987)
338.000 hommes – 5 armées de Choc - 11 divisions blindées – 8 divisions de fusiliers motorisés (DFM) – 1 division d’artillerie (34°DA) – 1 brigade d’assaut par air -12 brigades de missiles nucléaires SS21 et Scud- 400 avions d’attaque au sol – 305 intercepteurs – 65 avions de reconnaissance – 375 hélicoptères.
Les forces soviétiques en Pologne, organisées autour de deux divisions, une DB et une DFM plus leurs éléments organiques, étaient loin d’être négligeables et formaient le second échelon des forces face à l’ouest avec celles de Hongrie et de Tchécoslovaquie. Equipées de matériels de plus en plus performants, elles étaient toutes à effectifs quasi complets et possédaient leur dotation guerre. Le suivi de leurs desserrements, hors de leurs garnisons et de leurs mouvements d’ampleur sur piste tactique toutes orientées vers l’ouest, qui s’effectuaient en unités complètes avec leur logistique, ne laissait que peu de doute quant à leur capacité offensive, à un bémol près, les faiblesses éventuelles dues au moral et au défaut de compétence étaient difficilement mesurables mais largement compensées par le nombre, ce qui reste encore aujourd’hui sensiblement le cas. Face à cette menace l’OTAN « a mis en place une dissuasion par représailles. La dissuasion par représailles reposait sur la notion de « dommages inacceptables », pouvant notamment être infligés par une riposte nucléaire massive en réponse à une attaque soviétique, que cette dernière soit de nature conventionnelle ou nucléaire. La dissuasion par interdiction consistait à empêcher physiquement l'agresseur d'atteindre son objectif ; l'OTAN avait pour ce faire mis en place une défense avancée le long de sa frontière avec l'Union soviétique »
Répartition des effectifs et matériels entre les différentes forces soviétiques en Europe de l’est.
Groupes Forces |
Effectifs |
Chars |
Véh.combat. d’Infanterie |
Artillerie |
Avions de combat |
Hélico d’attaque |
Missiles nucl. |
GFSA
GFC
GFN
GFS |
338.000
73.500
56.000
44.670 |
4.200
1.220
598
860 |
8.200
2.500
485
1.143 |
3.680
1.218
354
622 |
691
76
201
194 |
683
146
85
138 |
150
30
20
12 |
Fort heureusement puisque la confrontation réelle n’a pas eu lieu en Centre Europe entre le GFO, le pacte de Varsovie et l’OTAN nul ne peut mesurer en fait si l’OTAN avait fait le bon choix de baser toute sa stratégie sur le concept de dissuasion par représailles et de dissuasion par interdiction grâce à sa supériorité aérienne ce qui demandait des délais de montée en puissance et de préparation pour que les renforts américains arrivent en Europe (Reforger) et donc la nécessité impérieuse de détenir du renseignement prédictif. (4) C’est la raison pour laquelle, la question des euromissiles était cruciale (5). Chacun se souvient de la phrase prononcée par François Mitterand. A Bruxelles au cours d’un dîner officiel, il s’en prend aux pacifistes qui ne cessent de manifester essentiellement en Allemagne de l’ouest contre les Euromissiles américains. « Moi aussi je suis contre les euromissiles. Seulement je constate des choses simples : le pacifisme est à l’Ouest et les euromissiles sont à l’Est. Je pense qu’il s’agit-là d’un rapport inégal » Subtilité de la langue française pour dire qu’on est contre tout en étant pour...
Roland Pietrini
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