ATHENA-DEFENSE

ATHENA-DEFENSE

Entre cohérence et transformation : nos Armées en première ligne.

 

Aviso 69

Aviso A 69

 

 

 

 

Le budget de nos Armées sur fond de renforcement des menaces et de la multiplication des crises est en augmentation depuis 2017. Selon monsieur Sébastien Cornu, ministre des Armées, au total, le budget de nos armées aura augmenté de 46 % entre 2017 et 2024 » et, depuis 2017, « les armées ont bénéficié d'une hausse cumulée de ses crédits de 52,5 milliards d'euros ».

 

 

Par ailleurs, depuis 2022, le ministère des Armée consacre 1 milliard d'euros par an à l'innovation de défense, le budget ayant augmenté de 38 % en 3 ans dans la loi de programmation militaire.

 

Le but de cet article est de faire le point sur les perspectives, tant en termes de capacité que d’innovation, non sans avoir rappelé la situation dans laquelle nous nous trouvions avant le redressement indispensable qui est en cours.

 

L’objectif pour nos armées est de se préparer à une guerre de haute intensité sans abandonner la lutte contre le terrorisme.  Le récent conflit Israël- Hamas en démontre toute l’actualité, afin   que nos armées, mais elles ne doivent pas être les seules, puissent à l’horizon 2030-2035 répondre à l’ensemble des défis qui nous font face.

 

UN ETAT DES LIEUX

 

Lors de son audition au Parlement mi-octobre 2019 dans le cadre du PLF 2020 concernant les forces armées, le chef d'état-major des armées (CEMA), le général d'armée François Lecointre avait exprimé ses craintes dans le domaine capacitaire et précisé que l'actuel modèle des armées n'est plus suffisant.

De réforme en réorganisation, « l’évolution des armées au cours du demi-siècle écoulé, a été emportée dans un courant continu, souvent chaotique, parfois brutal » (1)

La rupture géopolitique et les conflits en cours, Ukraine, Moyen- Orient (Israël – Hamas / Hezbollah), en Asie obligent à un besoin accru de vérité sur nos capacités réelles. 

Ces capacités doivent être étudiées à l’aune de la réalité de notre positionnement et de nos engagements. 

 

Seuls, nous ne pouvons rien !

 

La France, engagée au sein de l’Otan et liée par nos alliances, doit accepter le fait que nous ne sommes plus en mesure de mener seuls une opération majeure et que de manière concomitante, l’hypothèse selon laquelle nous serions seuls face à un ennemi qui nous menacerait directement sans menacer d’autres nations est peu probable.

Pouvons-nous raisonnablement imaginer dans les conditions actuelles une guerre entre la France et L’Allemagne, la France et la Belgique, ou même la France et la Russie ?  

En revanche, un conflit généralisé entre l’OTAN et la Russie, la Chine et l’Occident, dans lequel la France serait engagée en coalition ne peut être exclu.

 

Bien d’autres scénarii peuvent être aussi envisagés, au Moyen-Orient, en Afrique ou au Maghreb, en Méditerranée ou dans l’océan Indien. Faut-il rappeler aussi que la France, qui possède le deuxième domaine maritime mondial, après les États-Unis, se doit de contrôler et de surveiller les espaces maritimes de plus de 10,2 millions de km², répartis sur tous les océans, qui sont autant d'enjeux économiques et stratégiques majeurs.

 

Il y a donc de fortes chances que dans le cas d’un engagement majeur, celui-ci se fasse au sein d’une alliance. Il ne faudrait pas non plus oublier les risques de guerre civile ou de lutte contre le terrorisme sur notre propre territoire dans lesquels nos armées seraient engagées.

 

15000 hommes seront mobilisés pour la sécurité des futurs jeux olympiques avec des capacités de sûreté aérienne renforcées, de luttes anti-drones, de vigilance anti-terrorismes y compris NRBC. La question des effectifs et de la gestion des ressources humaines sont déterminantes.

 

D’autre part, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, nous sommes la seule Nation en Europe à posséder en toute souveraineté une dissuasion nucléaire, tout en appartenant à l’OTAN. La dissuasion du Royaume-Uni étant en réalité sous tutelle, tout comme les Nations détentrices de moyens nucléaires de l’OTAN, qui sont sous double clé.!

 

Une confrontation majeure en Europe, d’improbable est-elle devenue possible ? 

 

 

En dépit de projections pessimistes sur l’avenir de la guerre Russo-ukrainienne qui nous implique directement, l’hypothèse d’une confrontation directe entre l’Europe et la Russie avec un engagement massif de l’Otan, parait en 2024 de moins en moins crédible.

Il faudrait pour cela que la Russie se sente suffisamment puissante pour porter la guerre au-delà de son engagement actuel en Ukraine, en commençant par les pays Baltes, la Finlande et la Pologne. Et quand bien-même cela serait le cas, qui peut croire en une telle escalade soudaine, alors que depuis février 2022, en dépit de l’engagement massif des Etats-Unis, de l’OTAN et de l’Europe, la Russie est restée face à l’Occident dans une attitude de menace maitrisée ?

 

En un mot, la Russie menace-t-elle directement nos frontières ?

 

La vigilance s’impose, mais si confrontation il y a, elle prendra plutôt d’autres formes dont la cyberguerre et la déstabilisation de nos démocraties, en profitant de nos faiblesses de plus en plus structurelles, et notre glissement vers une société ou les déséquilibres démographiques, sociologiques, religieux, culturels s’accélèrent.

 

Il est bien connu que le poisson commence toujours à pourrir par la tête, ceux qui ont intérêt à nous soumettre, savent qu’une confrontation directe est inutile, il suffira d’attendre un peu…  Ceux qui ont vécu l’effondrement de l’URSS, rêvent de voir le nôtre et considèrent que cela est sur la bonne voie…

Chacun jugera en raison de ses propres convictions.

 

C’est pourquoi, une confrontation directe majeure en Europe parait en l’état improbable. Cette analyse est en réalité, sans le dire, celle de nos dirigeants, ce qui explique un choix de cohérence plutôt que de massification.

 

 

Des Capacités augmentées sans la masse ?

 

 

Il n’est pas inutile de rappeler où nous étions pour comprendre où nous allons.

  • La flotte des avions de l'armée de l'air a baissé de façon drastique : 420 avions de combat en 2007 et cible pour 2030, au mieux, 185 avions polyvalents. Le nombre d’avions de transport Atlas, sera de au moins 35 au lieu de 50.

-       Concernant la flotte de la Marine nationale, la cible du nombre de frégates a diminué de 17 à 15, nous sommes passés de deux porte-avions à un seul,   ce qui pose la question de la permanence à la mer du groupe aéronaval.

-       Concernant l’armée de terre et les blindés, 300 Jaguar remplaceront à l’horizon 2035 les 450 AMX10RC, Sagaie et autres VAB Hot. 109 pièces d’artillerie Caesar contre 600 en 2000. 180 chars Leclerc contre 460, 20 ans auparavant.

-       Concernant les effectifs, nous sommes passés d’une armée de conscription à une armée professionnalisée qui tient  désormais dans le stade de France

Depuis 1945, toutes les armées occidentales ont tenté de troquer du volume de forces contre de la technologie dans le cadre d’une stratégie de compensation (offset strategy) visant à réduire les forces conventionnelles au profit du nucléaire (doctrine du New Look mise en œuvre dès 1952 par Eisenhower).

Ces quelques exemples en illustrent les effets, on pourrait les multiplier à l’envie, ils montrent que l’idée selon laquelle l’augmentation de l’efficience pallie le manque de masse a servi depuis des années à justifier des budgets revus sans cesse à la baisse. Les 413 milliards votés jusqu’en 2030, suffiront à peine à réparer ce qui a été détruit.

Des propositions

Il n’est pas inutile de faire référence au rapport d’information N° 5054 du 17 février 2022 de l’Assemblée nationale qui avait élaboré une liste de propositions, certaines ont été retenues par le chef des Armées et le gouvernement, d’autres non, le lecteur pourra s’amuser à les lister. (3)

  1. – Élaborer un nouveau livre blanc, et plus généralement doter la France d’une grande stratégie intégrée.
  2. – Conserver l’objectif d’un modèle d’armée cohérent, crédible, permettant d’être nation-cadre, et la priorité au maintien de la supériorité informationnelle.
  3. – Développer une politique ambitieuse d’interopérabilité, en utilisant l’intelligence artificielle pour favoriser l’échange de données, en organisant davantage d’exercices interalliés, en recherchant la participation de nos alliés européens à nos opérations, en assurant une veille juridique et technologique, en particulier à l’égard des États-Unis pour anticiper les évolutions capacitaires.
  4. – Consentir un effort financier immédiat pour :

– la reconstitution des stocks de munitions et des stocks initiaux de projection ;

– l’entraînement et la numérisation des soutiens ;

– les infrastructures numériques ;

– la constitution de « plots » prépositionnés d’équipements pour les forces terrestres.

  1. – Honorer le socle d’emplois militaires dans les services de soutien.
  2. – Intégrer les soutiens aux prochains exercices interarmées de grande ampleur comme Orion 2023.
  3. – Poursuivre le renouvellement des deux composantes de la dissuasion.
  4. – Augmenter le format de l’aviation de chasse à 215 appareils et porter le nombre de ravitailleurs à 22.
  5. – Porter à 18 le nombre de frégates de premier rang en s’appuyant sur le programme européen European Patrol Corvette.
  6. – Utiliser tout le potentiel de la robotisation pour acquérir de la masse en poursuivant le développement des drones terrestres, aériens et de surface et en facilitant la qualification des drones aériens embarqués.
  7. – Développer une large gamme de systèmes de lutte anti-drones pour les forces terrestres et les forces aériennes, permettant un équilibre entre rusticité et haute technologie.
  8. – Planifier la prise en charge de blessés en nombre avec les hôpitaux civils et organiser des exercices, par exemple en marge d’Orion 2023.
  9. – Renforcer les capacités nécessaires à la défense sol-air basse altitude (radars, systèmes d’armes sol-air).
  10. – Préparer le renouvellement du segment lourd et la robotisation des forces terrestres.
  11. – Renforcer les capacités de frappes dans la profondeur.
  12. – Se préparer à combler les lacunes du génie, notamment divisionnaire.
  13. – Reconstituer le système d’armes du maintenancier (dépanneur Leclerc, porteur polyvalent lourd de dépannage, magasins, des containeurs mobiles).
  14. – Devenir une puissance militaire spatiale de premier rang en poursuivant la recherche de redondance grâce au secteur civil et le développement de patrouilleurs spatiaux.
  15. – Créer une cellule à vocation interministérielle chargée de planifier une remontée en puissance de l’industrie de défense et un passage en économie de guerre, avec la direction générale de l’armement, et pré-contractualiser sur la base de scénarios.
  16. – Lancer un appel d’offres pour la constitution d’opérateurs privés de stockage stratégiques mutualisés (dont poudre, composants électroniques, produits de santé, produits alimentaires de base) avec la garantie de l’État.
  17. – Engager, dès le début de la prochaine législature, des missions d’information sur les relations civilo-militaires, la guerre cognitique, les sociétés militaires privées, les conditions de la décentralisation de la prise d’initiative dans les armées.
  18. – Susciter une réflexion au niveau européen sur la lutte contre les lois extraterritoriales ainsi que sur l’amélioration du droit des affaires européen et la constitution de stocks stratégiques.
  19. – Appuyer la politique promue par le commissaire en charge de l’industrie et de la défense d’augmenter la part de semi-conducteurs produits en Europe.
  20. – Créer une cellule chargée spécifiquement de suivre et d’influencer les processus d’élaboration des normes internationales susceptibles d’affecter la défense.
  21. – Encourager le développement de capacités de transport stratégique au niveau européen, notamment le projet d’avion-cargo européen.
  22. – Renouveler la défense opérationnelle du territoire en s’appuyant davantage sur les réserves.
  23. – Poursuivre la rénovation de la formation militaire supérieure en développant les compétences juridiques.
  24. – Compléter la formation éthique et historique des soldats pour mieux les préparer à des conflits plus durs.
  25. – Protéger les familles de militaires contre la désinformation, en s’inspirant des pratiques en vigueur dans les forces spéciales, en particulier en développant le lien entre les bureaux « environnement humain » et les familles.
  26. – Créer des mécanismes de solidarité par bassins géographiques, anticiper des dispositifs de prise en charge des enfants en urgence pour les couples de militaires.
  27. – Conforter les forces morales en renforçant les représentations populaires des armées et des conflits futurs, en poursuivant les efforts en faveur du renforcement du lien armées-Nation et en formant effectivement les professeurs aux enjeux de défense.
  28. – Encourager la montée en puissance du SNU financé par des moyens ad hoc et capitaliser sur son potentiel de sensibilisation de la jeunesse aux enjeux de Défense.

En réalité, qu’il s’agisse du bilan, de l’état de nos armées, de nos déficits capacitaires, tout a été maintes fois dit ou écrit, nous sommes devant un état de faits parfaitement connu. Il suffit d’en rappeler l’essentiel.

 

 « L’armée de Terre qui comptait quinze divisions à la fin de la Guerre froide, soit environ 300 000 militaires, n’a plus que l’équivalent de deux divisions concentrées sur le segment médian, c’est-à-dire polyvalentes, capables de survivre dans un environnement contesté mais suffisamment légères pour demeurer expéditionnaires.

 

Dès la fin de la Guerre froide, ses capacités de feux dans la profondeur ont été réduites, tout comme ses capacités de défense sol-air ou son génie divisionnaire. Ses capacités de guerre électroniques sont logiquement faibles après des années de combat face à des adversaires ne disposant pas de moyens sophistiqués. Mais le retour de la haute intensité repose avec acuité la question de la suffisance de ces moyens. Dans le Haut-Karabakh, en effet, « les Arméniens ont perdu 220 chars dans le conflit, soit rigoureusement notre parc de Leclerc. 170 lance-roquettes ont été détruits. Nous en avons 13 ». (9 actuellement)

 

« Outre l’évolution du contexte géostratégique, la réduction des flottes de l’armée de l’Air a aussi été rendue nécessaire par la progression moyenne du coût des aéronefs, estimé entre 3 et 5 % au-dessus de l’inflation. Plus les appareils sont sophistiqués, plus leur coût augmente, plus les acquisitions sont réduites, ce qui renchérit encore leur développement faute d’économies d’échelle. La célèbre loi d’augustine (4) consiste à démontrer qu’en extrapolant le coût exponentiel des acquisitions et de l’entretien, on découvre qu'en 2054 la courbe du coût d'un avion rejoindra celle du budget. Ainsi, au rythme actuel, le budget de la défense entier ne permettra d'acheter [en 2054] qu'un seul avion tactique.

 

Le nombre d’aéronefs disponibles est encore limité par l’indisponibilité des appareils en maintenance ou l’attrition normale (les accidents divers), en partie incompressible, et par la mutualisation des fonctions. Selon l’ancien commandant des FAS, avec 117 Rafale et un taux de disponibilité qui peut difficilement dépasser 0,7, l’armée de l’Air et de l’espace n’a en réalité que 80 avions de chasse « bons de guerre ».

 

Les forces navales ont été considérablement réduites depuis 1985, le nombre de marins passant de 75 000 à 35 000 environ et la flotte se réduisant de 147 vaisseaux à 80 aujourd’hui. La priorité a été conférée à des grands programmes d’armement comme le porte-avions ou les sous-marins et au maintien d’une capacité crédible de guerre sous-marine.

 

Des perspectives nouvelles

 

Ce bilan particulièrement négatif ne saurait faire oublier cependant des perspectives d’amélioration encourageantes, à la fois en raison d’une prise de conscience réelle et objective, comme nous venons de le voir, mais aussi par le fait que depuis 2017, les budgets ont été réellement respectés, ce qui oblige à ne pas céder à des procès d’intention.

Même si on peut déplorer que cela est insuffisant, la volonté existe, et cela est positif.

 

 

Des progrès indéniables

 

 

Tout d’abord, la France possède un outil industriel performant qui se situe dans le domaine de BITD parmi les meilleurs au monde.

 

Nous maitrisons le nucléaire militaire, nous sommes les seuls en Europe à posséder en toute souveraineté un porte-avions et des sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire, une force de dissuasion crédible avec deux composantes sous-marine et aérienne. Une capacité de production d’avions parmi les plus avancées au monde.

 

Mais aussi, des moyens satellitaires extrêmement performants avec des lanceurs qui le sont tout autant. « La France dispose en effet de plateformes de renseignement électromagnétique lui permettant de localiser les adversaires et les émetteurs radars (depuis le retrait des Transall Gabriel, il s’agit essentiellement de capacités satellitaires et du navire de renseignement Dupuy-de-Lôme), de capacités d’imagerie satellitaire ou de reconnaissance optique de haute altitude (avions de reconnaissance, quelques drones Reaper) et de munitions guidées (missiles de croisière, bombes guidées) bien qu’en petit nombre »

 

Mais surtout, et ce n’est pas le moindre des avantages, « L’armée française est enfin considérée à bon droit comme l’une des plus aguerries du monde occidental, notamment grâce à la variété et à la fréquence de ses engagements depuis plus de vingt ans, en Afghanistan, en Syrie, en Libye, au Sahel, au Liban, dans le ciel des États baltes ou au sol, à Tapa, dans le golfe d’Aden, mais aussi en France, dans le cadre de l’opération Sentinelle ou dans le cadre de l’opération Harpie pour lutter contre l’orpaillage illégal en Guyane »

 

Il faut le redire, nous avons un corps d’officiers et de sous-officiers remarquables avec des outils de formation à la hauteur. Enfin, nos forces spéciales et de renseignement sont parmi les meilleures au monde, un effort particulier, y compris pour la DGSE, est acté dans la future loi de programmation.  

 

L’armée française, il faut le rappeler, est une armée d’emploi, contrairement à beaucoup d’autres, notamment en Europe, qui alignent des parcs de matériels conséquents mais qui n’ont jusqu’à ce jour jamais été employés en condition réelle sur aucun terrain, ce dont il faut se réjouir, mais qui pose tout de même un problème pour celles-ci en termes d’emploi et d’expérience. Les Armées allemandes en sont un exemple, elles ne sont pas les seules.   

 

La cohérence sans l’abondance ?

 

Pour l’armée de terre particulièrement, dans le secteur médian, nous construisons un outil innovant et pris en compte des besoins nouveaux.  

Le système Scorpion et le combat collaboratif permet de détecter et de traiter des objectifs ennemis et de suivre une situation en temps réel. Cela a pour conséquence d’accélérer la manœuvre, de diluer les unités de combat dans l’espace, de coordonner les actions, d’avoir une connaissance fine de la situation ami et du suivi de la situation ennemi afin d’avoir un temps d’avance.

 

Le fait de pouvoir traiter un ennemi sans se dévoiler, par TAVD, (tir au-delà de la vue directe) par l’artillerie ou des munitions téléopérés, illuminé par un autre engin ou par un drone, permet de ménager un effet de surprise en donnant l’ascendant. À titre d’exemple, les 106 VOA (véhicules d’observation d’artillerie sur Griffon) qui équiperont les forces vont éclairer les unités de l’avant jusqu’à 50 km et avec l’infovalorisation Scorpion les informations recueillies pourront être exploitées par l’ensemble des unités. C’est une véritable plus-value.  

 

JAGUAR  en essai

 

 

 

 

Jaguar en Essai à la DGA, canon de 40 stabilisé et missiles

 

 

 

Les brigades d’infanterie évoluent aussi vers une polyvalence renforcée. Les brigades de décision seront équipées de chars Leclerc XLR (dans l’attente du MGCS ou d’une solution intermédiaire tel que le char E-MBT, développé par Krauss-Maffei Wegmann et Nexter dans le cadre de leur co-entreprise KNDS) et de VBCI.  Le retour des mortiers de 120 dans les régiments d’infanterie équipés de Jaguar et de Griffon ou de Jaguar et de Serval pour la 9°BIMA, la 11°BP et la 27°BA.  Mais l’organisation en deux divisions à 3 brigades est amenée à évoluer. Outre les deux brigades renseignement et forces spéciales, deux brigades d’appui supplémentaires sont créées, la cyberdéfense est devenue une subdivision d’arme à part entière.  

 

La future division modèle « Scorpion » sera une grande unité totalement interarmes d'un effectif d'environ 25 000 hommes. Elle comportera trois régiments endivisionnés (un régiment du génie, un régiment d'artillerie et un régiment spécialisé) et encadrera trois brigades (une brigade blindée, une brigade médiane et une brigade légère). Les deux divisions regroupent ainsi un total de six brigades et de six régiments endivisionnés. La tendance va vers une interarmisation de plus en plus poussée.

 

Les brigades interarmes seront, elles aussi, densifiées. Chaque brigade est constituée de six à huit régiments (cavalerie, infanterie, artillerie, génie et train et surtout une logistique dimensionnée aux besoins et non l’inverse) et d'un état-major (deux en miroir) auquel est rattaché une compagnie de commandement et de transmissions ainsi qu'un centre de formation initiale militaire. Le combat moderne impose une mobilité accrue des états-majors de brigade, leur dédoublement est rendu désormais possible par le maillage et la sécurité des transmissions entièrement sous protection. Il n’en demeure pas moins que le fonctionnement en mode dégradé fait partie de l’entrainement, mais cela est vrai pour les trois armées, la perte d’un ou de deux satellites est toujours possible et la protection contre les ECME et brouillage des communications adverse seront effectifs par des unités dédiées.

 

La 4ème brigade d’aérocombat regroupant trois des quatre régiments d'hélicoptères de l'Armée de terre et une compagnie de commandement et de transmissions est placée sous la subordination du commandement de l'aviation légère de l'Armée de terre. Le Tigre porté au standard MK2+, le TTH Caïman et la Gazelle, dans l’attente de son remplacement par le H160 Guépard, formeront l’essentiel de son équipement. Le 4° régiment d’hélicoptères des forces spéciales, recevra ses premiers Caïman FS à partir de 2025.

 

Objectivement, en faisant abstraction de l’absence d’hélicoptères lourds pour des raisons complexes qui demanderaient un long développement, la brigade d’aérocombat reste un moyen souple et puissant envié par l’ensemble de nos alliés.

 

Le 61e régiment d'artillerie de Chaumont sera doté de drones Patroller. Le ministre des armées a indiqué que "au-delà même de l’aéronef et de son système, on va financer en plus des blocs qui permettent de faire soit du renseignement, soit de l’appui feu". Le Patroller peut voler jusqu’à 6.000 m d’altitude et dispose d’une autonomie en vol de 15 heures. Affichant une masse d’une tonne et une envergure de 18 m, sa vitesse en mission avoisine généralement les 130 km/h. Le drone est piloté à distance depuis le sol par cinq opérateurs. Son rayon d’action avoisine les 200 km, le double avec une équipe relai.  Le couplage Patroller et frappe dans la profondeur donnera à l’armée de terre une capacité nouvelle. C’est aussi un élément de renseignement majeur pour l’armée de terre.

 

 

 

patroller

Patroller

 

 

Les autres commandements du niveau divisionnaire regroupent les unités (régiments et écoles) d'une même spécialité.

 

Les régiments stationnés en outre-mer seront renforcés de moyens interarmés.

 

La dimension dronisation est non seulement confirmée mais se traduit dans les faits. Désormais, voir loin et détruire l’ennemi dans la profondeur est une nécessité. Cela sera rendu possible dès 2030-35, « Il est important de renforcer cette capacité de feux dans la profondeur et c’est pour cette raison que, dès 2024, lors de la réorganisation de l’armée de Terre, nous allons créer une brigade d’artillerie qui aura, sans avoir de régiments supplémentaires à ce stade, à assurer le commandement des régiments directement placés sous les ordres des divisions », a indiqué récemment le CEMAT, le général Schill.

 

Cette brigade (EM à Lyon) aura commandement sur les neuf régiments d’artillerie [RA] de l’armée de Terre en comptant probablement le 17e groupe d’artillerie, le 61e RA avec ses drones et le 28e groupe géographique placé sous l’autorité de la Brigade de renseignement terre.  

 

Cette dronisation-robotisation avec l’intégration de munitions téléopérés, (drones agressifs) de l’armée de terre deviendra une réalité, les appuis artillerie - génie font d’ores déjà partie des capacités dès 2024 avec la première brigade Scorpion équipée qui sera la 6°BLB.  

 

Le renouvellement des matériels est en cours.  En 2030, l’armée de terre comptera : 1872 véhicules blindés Griffon, 54 MEPAC (Mortier sur Griffon), 2038 Serval (équivalent de Griffon pour les brigades légères) 200 chars Leclerc, 109 système Caesar, 67 Hélicoptères de combat Tigre revalorisés et 90 hélicoptères de transport NH 90, pour ne citer que certains matériels majeurs.

 

Mepac

Griffon MEPAC (mortier de 120 érectile sous blindage)

 

 

Mais surtout, la logistique dans son ensemble, l’approvisionnement en munitions et missiles, ont été pris en compte.

 

Les drones et les munitions téléopérées avec les deux systèmes en cours de développement, Colibri et Larinae avec Sphynx, DARD, Stryx et MUTANT, qui seront des drones réutilisables pour certains capables de détruire dans la frange des 1km à 50 km tout objectif ennemi décelé, infanterie ou blindés sont en cours d’élaboration.

 

Les unités seront aussi équipées de matériels de protection anti-drones et anti- MTO adverses, soit par brouillage, soit par destruction directe, un projet de Serval LAD équipé d’un radar et d’un canon de 30mm est à l’étude.

 

Le génie (appui, franchissement, mobilité et contre-mobilité) et l’artillerie sol-air mise sous blindage se verront enfin renforcés. La logistique de l’avant entièrement repensée intégrera une nouvelle conception de la manœuvre, plus diluée dans l’espace et sur des axes sécurisés.

 

C’est cela la cohérence, on pourra toujours discuter de l’abondance, mais selon les propos du ministre et de l’Etat-major, il ne servirait à rien de réfléchir en termes de parc, si celui-ci ne se traduisait pas en réalité sur le terrain.  

 

Je n’évoquerai que succinctement les perspectives de l’Armée de l’air et de l’espace et de la Marine qui sont au dehors de mon domaine réel de compétence.

 

L’Armée de l’air et de l’espace entrera dans le combat du futur. Le Rafale F5 (en attendant le SCAF) sera un avion très différent par rapport aux standards actuels [F3R et F4] dans la mesure où il devra être en mesure d’emporter le futur missile à capacité nucléaire ASN4G. Mais pas seulement, car il devra être capable de traiter « d’énormes volumes de données », ce qui nécessitera un câblage en fibre optique que les versions actuelles « ne sont pas capables de supporter », a récemment expliqué le général Stéphane Mille, le chef d’état-major de l’AAE. En outre, et comme le prévoit la LPM 2024-30, il sera accompagné par un drone de combat issu du programme nEUROn, dirigé par Dassault Aviation. (6)

 

 

Rafale Neuron

 

Rafale et nEUROn

 

 

L’association Rafale et nEURon est un saut vers le 22ème siècle et révolutionnera le combat aérien, la France (Dassault), il faut s’en féliciter, n’a pas raté ce virage essentiel pour l’avenir.

 

Le nEURon pourra détecter, localiser et reconnaitre en toute autonomie ou en parfaite symbiose avec le Rafale  des cibles au sol sans être détecté et les traiter par un armement air-sol à partir d’une soute interne, préfigurant ainsi le système SCAF « système de systèmes » dont le cœur est un avion de combat multirôles de nouvelle génération couplé à des drones. Les plus petits pourront peser de 100 à 200 kilos et seront en mesure de voler en meute ou en essaim. Ils seront notamment utilisés pour la saturation des défenses, pour l’ISR (Intelligence, Surveillance et Reconnaissance) et pour la guerre électronique. Le rafale F5 associé au nEURon pourra éventuellement compléter ou se substituer au SCAF, si le programme ne va pas à son terme.

 

Le tout Rafale attendra 2035 mais l’équipement en munitions et missiles est réellement renforcé.  Par ailleurs, 67 nacelles optroniques TALIOS, renforceront les capacités du Rafale. La nacelle TALIOS [TArgeting Long-range Identification Optronic System – système optronique d’identification et de ciblage à longue distance] marque un bond capacitaire, grâce à ses capteurs électro-optiques et infrarouges de haute résolution hautement performants. Elle permet ainsi d’effectuer des frappes à longue portée et de mener parallèlement des missions de reconnaissance, les informations qu’elle collecte étant transmises en temps réel. Enfin, son système de maintenance prédictive SmartFleet augmente son taux de disponibilité. (7)

 

Pour la Marine, le format reste le même et a été décrit précédemment, si on peut regretter certains choix d’économie discutables notamment, celui concernant les 3 frégates de classe Lafayette qui seront équipées d’un sonar performant tout en faisant l’impasse sur son armement en lance-torpilles mais surtout sans possibilité pour l’hélicoptère embarqué d’en être armé, faute d’avoir prévu leur stockage.

La commande récente de 7 patrouilleurs de haute mer sur les 10 prévus, en remplacement des corvettes A69 déclassées et hors d’âge et de la perspective de commande 6 destroyers pour remplacer les 6 frégates légères ayant pour base nos territoires ultra-marins sont de bonne augure.  

 

 

 

Slamf

 

 

Slamf

 

Le remplacement pour la lutte anti-mines par le SLAMF, un système extrêmement novateur, constitué de drones navals de surface et de drones sous-marins, des bâtiments de surface porteurs (bâtiments de guerre des mines), des bâtiments pour plongeurs démineurs ainsi que le renouvellement du système d’exploitation des données de guerre des mines et la prise en compte de la lutte dans les grands fonds.

 

La Marine tout comme les trois autres Armées sera sans nul doute plus performante en 2035 qu’elle ne l’est aujourd’hui.  

 

Une conclusion relativement optimiste

 

Entre innovation, performance, renforcement de la production industrielle (appelé à tort économie de guerre) et constitution de stocks (munitions, pièces détachées), la cohérence est désormais le mot fort qu’il convient d’utiliser.  

Dans un contexte géopolitique évolutif, la cohérence consiste à changer les priorités. La volonté est de mettre en adéquation les moyens visibles et les moyens moins visibles mais essentiels.

 

À quoi servirait-il de posséder en parc 600 chars de combat si nous étions incapables de former 600 équipages, de les armer, de les entrainer, de les soutenir. Certaines marines en Europe possèdent des frégates sans équipages et le souci des ressources humains pour tous est devenu majeur.  

 

 

Il n’en demeure pas moins que le volume, l’endurance et la résilience devront faire l’objet dans un second temps d’un effort, mais il faut reconnaitre qu’il était impossible de combler en deux lois de programmation, les trente années de restriction et de coupes. Si cet effort est maintenu, à l’issue des 7 prochaines années, alors nous aurons, sans nul doute, reconstitué un outil à la hauteur de nos besoins, prêt à répondre à la multitude des menaces extérieures.

 

 

Il faut le dire, pour la première fois depuis des décennies, une nouvelle loi de programmation militaire a été élaborée alors que celle qu’elle remplace a été totalement exécutée.  Après la « réparation » toujours en cours, viendra le temps de la « transformation ».   

 

Je rejoins ainsi cette idée développée dans un article de l’institut Montaigne  et de la fondation pour la recherche stratégique : « Il est heureux que la défense puisse faire ainsi l’objet d’une constance rare dans les politiques publiques. » (8)

 

Il faut en saluer l’augure en ces temps qui s’annoncent si difficiles.

 

Roland Pietrini

 

 

(8) La cohérence sans l’abondance ? La nouvelle programmation militaire se dessine La cohérence sans l’abondance ? La nouvelle programmation militaire se dessine :: Note de la FRS :: Fondation pour la Recherche Stratégique :: FRS (frstrategie.org)

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02/12/2023
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